Stanislas a écrit:Étrange va-tout que de déclencher une guerre sur deux fronts.
Hitler n'est pas certain de la réussite d'un débarquement sur le sol anglais, mais pense l'obtenir en attaquant l'immense Russie !!!?
Surtout qu'à l'époque de Barbarossa, les États Unis ne sont pas encore en guerre, ni officiellement les alliés des anglais. La Luftwaffe a perdu beaucoup de ses pilotes dans la bataille d'Angleterre qui lui feront cruellement défaut en Russie, et dans bien d'autres combats.
Si les accords de Munich peuvent être expliqués comme une grande maitrise stratégique d'Hitler, l'attaque de la Russie pour mettre à genoux Churchill m'échappe.
Stanislas a écrit:Je ne conteste nullement le fait que la conquête à l'Est est un plan d'Hitler et de longue date. Mais épargner l'Angleterre était un choix d'Hitler avant l'arrivé de Churchill. La haine d'Hitler pour le provocateur anglais n'est pas un secret. L'aide constante et grandissante des américains pour les anglais ne pouvait que faire craindre le pire à l'Allemagne. Pourquoi attaquer la Russie avec un épée de Damoclès si dangereuse dans le dos ? Si Hitler est si stratégique, il sait qu'il n'est pas aisé de courir 2 lièvres à la fois. Je ne pense pas qu'il fasse n'importe quoi, mais je m'interroge sur le fait qu'il ai pu penser qu'il obtiendrait l'Angleterre en attaquant la Russie. Il n'a pas besoin des immenses ressources de la Russie pour écraser l'Angleterre, les échanges des matières premières entre l'Allemagne et la Russie sont constantes et importantes jusqu'au déclenchement de Barbarossa.
M'expliquer sur la stratégie d'Hitler dans ce cas de figure m'est difficile, car justement je ne la comprends pas. Je comptais justement sur vous pour m'éclairer sur cette incompréhension. Je ne peux qu'imaginer qu'Hitler est persuadé qu'une alliance cachée existe entre ces deux pays. Ce qui expliquerait qu'en faisant tomber la Russie, il obtiendrait la paix avec Churchill. Mais cela n'est que supposition.
Stanislas a écrit:J'ai répondu à François Delpla, sans avoir pris connaissance des messages de Daniel et Chef Chaudard. Une guerre rapide et décisive (C.Chaudard) en quelques mois, voir semaines (Daniel Laurent) avec l'immense Russie me semble totalement coupé de sens. Hitler qui lisait avec intérêt l'histoire des grands conquérants connaissait que trop bien la mésaventure de Napoléon en Russie.
J'entends bien qu'il est dans l'intérêt d'Hitler d'attaquer la Russie rapidement, avant un trop grand réarmement et surtout en voyant les débordements de conquête de Staline. Mais je m'interroge sur le fait que même si la Russie est mise à terre par l'Allemagne, pourquoi Hitler pense que Churchill n'aura pas d'autres choix que d'accepter la paix ? Le soutien majeur de l'Angleterre est bien les États Unis et il n'est pas dans les projets de l'Allemagne de traverser l'océan Atlantique...
PS:C'est vrai Daniel j'ai certainement du mal à penser comme un vrai nazi, mais je vais prendre cela comme un compliment, même si ce n'est pas vraiment le but de ta remarque.
carlo a écrit:François Delpla a écrit:Quelle est la stratégie allemande que sous-entend cette question, en cas de réponse positive ? Retomberait-on platement dans le "Hitler= gros nul" ?
En fait, il est possible que la stratégie hitlérienne ait été pertinente, et à deux doigts d'aboutir en mai 40 à un triomphe durable, tout en comportant une sous-estimation du potentiel blindé soviétique. Pour l'excellente raison qu'il n'aurait pas été affronté ! Ou l'aurait été dans des conditions et à un moment tout autres.
Entre mai 40 et juin 41 il se passe une année qu'Hitler n'utilise guère pour construire une force susceptible d'écraser à coup sûr la résistance russe. Qu'il sous-estime la puissance soviétique en mai 40 est très différent de la sous-estimer en juin 41. Et en juin 41, c'est une évidence, il l'a sous-estime, pas tant militairement finalement, mais d'abord politiquement.François Delpla a écrit:Ce qu'il faudrait réfuter ici, c'est l'idée du "grain de sable churchillien". Es-tu d'accord ou non que l'arrivée de Churchill au pouvoir est improbable, et plus encore sa victoire par KO (enfin... d'abord aux points, et longue à se dessiner) sur les appeasers, permettant que l'Angleterre continue la guerre après une déroute française ?
Pour moi le grain de sable en question est un peu surévalué dans cette analyse. D'abord en quoi l'arrivée de Churchill est tellement improbable? Cette arrivée fait indéniablement partie des scénarios possibles, W. C. est depuis le début de la phoney war le personnage le plus médiatique de la direction britannique. Il devient, alors que tous les événements lui donne raison, plus ou moins incontournable. La victoire sur les appeasers est également à mettre sur le compte d'Hitler, en engageant une politique de bombardement terroriste sur la population anglaise, pouvait-il vraiment espérer une paix des braves avec la G.-B?
Donc oui, Hitler aurait pu en 1940 obtenir une paix avec la G.-B., mais ce n'était de toute évidence pas le seul scénario envisageable. En signant le pacte germano-soviétique, en entrant en guerre contre la Pologne, Hitler pouvait s'attendre à s'aliéner des parties importantes de l'establishment britannique.
Une G.-B. qui rappelons-le (et ici le "grain de sable" Churchill n'y est pas pour grand chose) posséde une nombreuse marine et surtout une défense aérienne qui est la première du monde, avec un avantage technologique majeur, et sur laquelle une Luftwaffe inadaptée se cassera les dents.
Donc il y a bien un moment, antérieur au 10 mai 1940, où la machine diplomatico-militaire d'Hitler s'enraye... Oh, pas d'un coup, par petites touches, une erreur par si, une gaffe par là, rien d'irrémédiable, mais à force...François Delpla a écrit:Et ce que pour ma part j'avance, c'est que la grande intelligence stratégique de Hitler cohabite avec une grande irrationnalité -le caractère inédit de ce cocktail étant d'ailleurs pour beaucoup dans l'efficacité de ladite stratégie. Le monstre est persuadé, sincèrement, d'être appelé par la Providence à diriger une croisade qui permette d'"effacer 2000 ans de christianisme" et tous autres produits de "l'influence juive". Donc, si apparemment la Providence le contrarie, en fait elle le tente. L'arrivée et le maintien de Churchill au pouvoir signifient qu'il faut faire preuve d'audace, et jouer son va-tout contre la Russie "enjuivée" : la fortune ne peut que sourire aux audacieux.
Sur cela, je suis pleinement d'accord.François Delpla a écrit:Et puis il n'y a plus vraiment le choix : si, effectivement, un effondrement politique et/ou militaire du stalinisme doit en bonne logique amener la chute de Churchill à Londres, et maintenir hors course les Etats-Unis, un assaut déterminé de l'Allemagne contre la Grande-Bretagne aurait l'effet inverse, et à Londres, et à Washington, tandis qu'une croisade anticommuniste trouvera dans les deux endroits des supporters. Et là enjcore le monde doit à Churchill une fière chandelle, pour avoir passé la journée du 22 juin 41 à polir un merveilleux discours qui fait tomber cette illusion, du moins s'agissant du parti conservateur anglais.
De nouveau, un chute de Churchill après une victoire allemande en Russie me paraît ne pas être la seule solution possible. De la même manière que Staline ne compte pas sur l'Angleterre pour s'en sortir, Churchill ne doit pas compter que sur le sort de l'URSS pour motiver sa population dans la résistance face aux nazis. Et, soyons réaliste, après le blitz de Londres, qui en Angleterre suivra Hitler dans une croisade contre le Bolchévisme? Churchill le voudrait qu'il ne le pourrait pas.
François Delpla a écrit:@ Carlo
Je crois que nous progressons vers la mise au jour de notre désaccord !
Hitler est bien près de mettre la planète, dont Staline, échec et mat fin mai 40. N'oublions pas qu'à l'heure où il lance son offensive, Chamberlain est encore au pouvoir à Londres et qu'à cette nouvelle il veut reprendre sa démission... tout comme Reynaud en France, qui le fait. Mais à Londres la crise est juste un peu plus avancée, on a passé trois jours à mettre au point une combine avec sur le podium, dans l'ordre, Churchill, Chamberlain et Halifax, le premier étroitement corseté par les deux autres. Donc rien de rien à voir avec une irrésistible montée de l'homme le plus médiatique. Et le fait de ne pas avoir prévu cela ne saurait permettre de douter des capacités stratégiques du chef des assaillants.
Mais la douche n'en est que plus glaciale. Surtout celle de Mers el-Kébir car alors c'est la chute de Churchill qui était le scénario probable, et le fait d'avoir obtenu que la poudre continue à parler, et le fasse ainsi, rend au contraire cette chute sans doute encore probable, mais à une date rigoureusement imprévisible... ce qui impose de tenter son va-tout ailleurs... mais comme rien n'est prêt, il faut bien faire semblant d'assaillir la Grande-Bretagne.