Post Numéro: 4 de Tom 15 Juil 2007, 17:35
Voici un exemple de comparaison par Véronique Chamberland (sciences humaines) :
"Stalinisme et nazisme : la comparaison
Plaçant «l’ennemi» au centre de leur vision du monde et s’appuyant sur la loi de l’Histoire dans un cas, et sur la loi de la Nature dans l’autre, autant le stalinisme que le nazisme procèdent dans le cadre d’un état policier et terroriste.
En Union soviétique, la police politique (Tchéka (1917-1922), Guépéou (1922-1934), NKVD (1934-1946)), dont la mission consiste à éliminer les «ennemis du peuple», dispose d’un pouvoir très étendu. À l’époque du premier plan quinquennal, elle participe à la révolution économique de Staline en organisant la liquidation des koulaks, des «saboteurs» et des membres du clergé qu’elle envoie au goulag. En outre, la multiplication des structures, tant dans le parti et le gouvernement que dans la police secrète, qui se superposent et s’entremêlent, permet un étroit contrôle sur les membres du parti, sur la population et sur les membres du corps de police.
« La multiplication ne devient évidente que dans la police secrète elle-même, avec son réseau d’agents extrêmement complexe et tentaculaire, dont un département est toujours chargé de surveiller et d’espionner l’autre. Il n’est pas d’entreprise en Union soviétique qui n’ait son département spécial de la police secrète, lequel espionne les membres du parti aussi bien que le personnel ordinaire. Parallèlement à ce département, il existe une autre division de la police du Parti lui-même, qui, à son tour, surveille tout le monde, y compris les agents du N.K.V.D., et dont les membres ne sont pas connus de ceux du corps rival ».
Le régime de terreur qui s’instaure en Union soviétique sous Staline permet l’assise du pouvoir et «[érige] le crime de masse en véritable système de gouvernement». Dès lors, il s’agit d’éliminer tout opposant, réel ou imaginaire, toute personne appartenant à certaines classes de la population (bourgeoisie, noblesse, clergé, etc.), pour des raisons de sécurité ou, tout simplement, pour faciliter la restructuration de l’économie. Bien que certaines catégories de personnes soient plus particulièrement visées par le régime de terreur, nul n’en est à l’abri. D’ailleurs, le système de dénonciation qui se met en place donne l’occasion à certains de régler leurs comptes…
En Allemagne nazie, la violence politique est surtout le fait de la police secrète, de la Gestapo et des milices du parti, les SS et les SA. Chargées d’éliminer tout opposant au régime national-socialiste et tout élément «impur» ou «inapte à vivre» (Juifs, Tsiganes, malades mentaux, etc.), elles procèdent à d’arbitraires arrestations et condamnations, à des tortures et des assassinats dans les prisons et les camps de concentration. Dès leur arrivée au pouvoir en 1933, les nazis créent des camps de concentration où la Gestapo impose la détention à de nombreuses catégories de personnes : communistes, socialistes, religieux catholiques ou protestants, Témoins de Jéhovah, Juifs, Tsiganes, etc. Les SS administrent les camps et y font régner leur discipline.
En ce qui concerne le contrôle de l’économie, nous nous y attarderons peu, la comparaison ne pouvant que s’établir sur le plan des structures. Dans le cas de l’Allemagne tout comme dans le cas de l’URSS, le contrôle est central et la direction de l’économie tout entière se fait par le biais de la coordination bureaucratique.
En URSS, la centralisation économique s’incarne notamment dans la nationalisation de l’industrie, du commerce et des logements ainsi que dans la collectivisation (forcée) du secteur agricole. Les plans quinquennaux fixent les objectifs à atteindre pour industrialiser le pays. Les résultats de ces plans sont fulgurants : en 1950, la production atteint 33% du niveau de celle des États-Unis et 60% au milieu des années 1970, faisant de l’URSS la deuxième puissance industrielle du monde.
Quant à l’Allemagne, elle pratique une politique économique axée sur l’autarcie à travers les grands travaux, l’abolition des droits syndicaux, le travail obligatoire et une politique de réarmement. Dès 1936, les cadres du Parti doivent voir à l’élaboration et à la réalisation de plans quadriennaux dont les objectifs sont de résorber le chômage en assurant la relance de l’industrie lourde. Cette politique autarcique se caractérise par l’exploitation minière et la récupération de vieux métaux afin de libérer l’Allemagne de sa dépendance étrangère et de poursuivre la remilitarisation du pays. Les résultats de pareilles politiques économiques sont également remarquables : dans le domaine industriel, en 1939, l’Allemagne reprend sa deuxième place dans le monde, derrière les États-Unis.
En somme, deux systèmes aux idéologies complètement différentes, voire même antagonistes, en arrivent à produire des régimes politiques semblables, c’est-à-dire construits autour d’une idéologie unique, d’un parti et d’un chef unique, basé sur la centralisation des pouvoirs politiques et idéologiques de laquelle découle une pénétration du politique dans tous les champs de la société.
Nombreux sont ceux qui s’opposent au rapprochement entre les deux systèmes, prétextant que leurs idéologies respectives étant radicalement opposées, aucune comparaison ne peut être possible ni même imaginable. Or, comme nous l’avons vu précédemment, deux idéologies antagonistes peuvent produire deux systèmes très semblables dans leur fonctionnement. En fait, bien que les idéologies soient très différentes à première vue, il n’en demeure pas moins qu’elles ont un point en commun : leur haine de la démocratie libérale et de l’ordre qu’elle a établi.
Certes, les deux régimes diffèrent sur divers aspects. Toutefois, le fait de réunir deux régimes sous une même appellation ne signifie pas qu’ils soient entièrement semblables. La Chine communiste, le Cambodge de Pol Pot, la Corée du Nord et l’Union soviétique ne sont pas identiques sur tous les plans. Et pourtant, si on leur a collé le titre de régimes «communistes», c’est qu’ils possédaient suffisamment de caractéristiques communes. Il en va de même pour l’Allemagne hitlérienne et l’URSS stalinienne.
Conclusion
À la lumière de ce qui précède, nous comprenons que deux régimes politiques nés de conjonctures différentes et partant d’idéologies passablement antagonistes ont résulté en deux catastrophes humaines plutôt semblables. On ne saurait nier la ressemblance de ces deux systèmes, tant dans leur mode de fonctionnement que dans leur résultante. En fait, si leurs idéologies se distinguent sur plusieurs points, elles ont en commun une haine de la démocratie et un mépris total de la dignité humaine.
Compte tenu de ce qui précède, nous ne pouvons que nous étonner de voir ces symboles resurgir lors de diverses manifestations politiques. Il semblerait que les millions de morts qu’ont causés ces systèmes ne suffisent pas pour encourager les gens à se tourner vers des idéologies moins radicales, plus humanistes et plus respectueuses des droits humains. Enfin, à la lumière de ce qui précède, on est en droit de se demander si une idéologie, quelle qu’elle soit, mérite que l’on anéantisse des vies humaines pour son triomphe."
Dernière édition par
Tom le 16 Juil 2007, 10:06, édité 1 fois.