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juin 1941, l'étrange défaite.Hitler a-t-il manipulé Staline?

Après l'opération Barbarossa, les forces de l'Axe contraignent l'URSS au repli.
Après une série de succès, l'Allemagne s'enlisera progressivement puis cédera à Stalingrad et à Koursk.
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Re: juin 1941, l'étrange défaite.Hitler a-t-il manipulé Staline?

Nouveau message Post Numéro: 111  Nouveau message de tietie007  Nouveau message 30 Mai 2009, 13:59

Daniel Laurent a écrit:
tietie007 a écrit:D'ailleurs, à part La nuit des longs couteaux qui fit un peu plus de 400 morts

400 !
Une petite centaine environ selon Francois Delpla...


Encore mieux ...La seule pu-purge ou purgette de l'ère nazie ...Comme quoi Hitler était tellement peu remis en cause, dans son propre Parti, qu'il n'avait besoin de falsifier quoi que ce soit pour légitimer son pouvoir ou d'éliminer, physiquement, des concurrents potentiels qui n'existaient pas, à part les frères Strasser ! Adolf faisait même preuve d'une mansuétude à toute épreuve envers ses camarades de militantisme ! Un Goering bouffi et drogué, incapable de planifier quoi que ce soit, resta au Plan de 4 ans et à la tête de la Luftwaffe !


 

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Re: juin 1941, l'étrange défaite.Hitler a-t-il manipulé Staline?

Nouveau message Post Numéro: 112  Nouveau message de tietie007  Nouveau message 30 Mai 2009, 14:09

Revenons en au fait.

1°) Le congrès des Vainqueurs, début 1934, voit un unanimisme de façade, une formidable démonstration d'unité qui relève plus de la propagande que de la réalité.
80 % des délégués du Congrès sont des bolcheviques qui ont connu Octobre et la guerre civile, et qui ont vécu une période où la discussion était encore possible, dans le Parti, quoique la majorité n'est pas vraiment compris (à part Radek) ou n'ait pas voulu comprendre les conséquences de ce funeste Xeme Congrès et l'interdiction des fractions, en mars 1921.
Le culte de la personnalité envers Staline se met en place, puisque comme le précise Kirov, très applaudi lors de ce Congrès, les assertions de Staline seront comme des ordres, désormais. Si tout le monde cire les pompes du dictateur, Staline n'est pas dupe et il sait que les anciens compagnons de Lénine, les Boukharine, les Kamenev, Zinoviev et tous les historiques du Parti, peuvent incarner une alternative au stalinisme, même si, apparemment, ils les a tous maté.
Mais les délégués qui l'ont défié, ne perdront rien pour entendre, d'après Bullock, plus de la moitié des délégués présents lors de ce Congrès (environ 2000) seront par la suite exécutés ainsi que 80 % des membres du Comité Central élus lors de ce Congrès ...Une belle récompense pour ces soi-disant "vainqueurs" qui soutenaient, sans rechigner, le Petit Père des Peuples ...

2°) Un an après le Congrès des vainqueurs, ce sont les gigantesques purges qui vont commencer. Il y a plusieurs facteurs qui peuvent expliquer ces purges, certains, conjoncturels, liés à la personnalité de Staline et à la lutte pour le pouvoir, d'autres, structurels, liés à l'organisation même du Parti léniniste.

Staline, une paranoïa maladive :

Pour comprendre la paranoïa stalinienne, il ne faut pas oublier que le géorgien, a longtemps oeuvré dans l'ombre, dans des groupuscules bolcheviques, traqué par l'Okhrana tsaritse. Cette vie de militants révolutionnaires a, évidemment, développé chez lui une méfiance qui est devenue une seconde nature, et qui est d'ailleurs la marque de tous les hommes qui ont vécu dans la clandestinité. Le chemin vers les zéniths a été long et tortueux, car Staline, si il fut un militant efficace, un organisateur hors-pair, un révolutionnaire au sens netchaevien du terme, sans pitié , tendu vers un seul but, la réussite de l'utopie socialiste, n'a pas le charisme qui impose naturellement l'autorité du chef parmi les autres. Staline n'a pas le don d'orateur d'un Lénine ou d'un Trotsky, ni l'intelligence conceptuelle d'un Boukharine. Le géorgien est avant tout un militant bolchevique implacable, un révolutionnaire intégral, qui devra lutter dur pour acquérir cette légitimité qui le fera chef, le primus inter pares !
Or, en 1934, Staline, même si il n'a, en apparence, aucun concurrent, qui sont tous venus, lors de congrès, à Canossa, a été irrité par la popularité d'un Kirov et meurtri par ces votes à bulletin secret qui l'ont remis à cause. De plus, Staline, en 1934, n'a pas encore l'assurance que le parti ne bourgerait pas, en cas de purge de quelques personnalités éminentes du PCUS d'où l'exclusion-réhabilitation, par deux fois, de Zinoviev et Kamenev ...en 1927 et 1932, preuve que le géorgien ne se sent pas encore tout à fait intouchable dans ce même Parti, car par la suite, il ne fut pas dans ses habitudes de laisser une deuxième chance à ses opposants ...

L'assassinat de Kirov, l'élément déclencheur ou perturbateur comme diraient les narratologues !

Evguénia Guinzbourg, membre du PCUS, avec son mari, dans son livre Le Vertige : chronique des temps du culte de la personnalité, qui relate son arrestation, en 1937, et sa condamnation, souligne :

"Cette année là, 1937, commença vraiment le 1er décembre 1934".

Le secrétaire du PC de Léningrad est assassiné par un certain Nikolaïev, ce 1er décembre 1934, un ancien militant exclu du Parti, qui avait gardé une rancoeur tenace contre son ancien employeur. L'ancien communiste aurait voulu se venger et aurait tué Kirov. Mais de nombreux faits curieux entourent cette affaire, d'après Alan Bullock :
- le jour du meurtre de Kirov, l'Institut Smolny, siège du PC de Leningrad, n'était pas gardé par les habituels agents du NKVD et le garde du corps du secrétaire, un certain Borissov, avait été retenu et n'était pas avec son patron, le jour du meurtre.
- segundo, le même Borissov eut un malheureux accident alors qu'il se rendait témoigner devant les autorités compétentes pour l'enquête ... Vraiment pas de chance ...
- Tertio, le fameux Nikolaïev, avait été, par deux fois arrêté par le NKVD, et par deux fois relâché ...Une mansuétude étonnante dans des temps où le moindre soupçon était souvent synonyme de déportation.
- enfin, l'affaire fut réglée à toute vitesse et les accusés, dont Nikolaïev furent jugés à huis-clos, condamnés et exécutés tout de suite ... Une curieuse célérité pour un affaire de cette importance !

Bref, on peut dire qu'un faisceau de présomptions désigne un seul donneur d'ordre, Staline.
Mais comme le souligne Bullock, on ne saura peut-être jamais la vérité sur le meurtre de Kirov, mais le plus important ne fut pas tant de savoir qui fut le responsable de sa mort, mais l'usage qui en fut fait. (page 505)
Si en effet l'assassinat de Kirov donna le prétexte rêvé pour éliminer les "vieux bolcheviques", la purge était déjà inscrite dans l'organisation même du parti bolchevique. L'interdiction des oppositions, au sein même du Parti, le souci obsessionnel de l'Unité, ainsi que l'omnipotence des services de sécurité (l'outil créant le besoin ...) et les pratiques violentes nées de la Révolution et surtout de la guerre civile, forgèrent la matrice de la purge, véritable prophylaxie sociale, d'après l'expression d'Annie Kriegel (aïe, aïe, une historienne apostate ...référence illégitime pour certains, je pense ...).
On peut d'ailleurs remarquer, que dans tous les pays qui se sont inspirés de la conception léniniste du Parti, les purges ont existé. (La 1ere dans le Parti Communiste Chinois, au début des années 20, contre les AB).
En soi, Staline ou pas, la mécanique de la purge est pour moi consubstantielle au parti léniniste. La personnalité du Petit Père des Peuples n'a fait qu'exacerber un phénomène qui se serait, de toute façon, passé ... (aïe aïe, le vilain fonctionnaliste que je suis ! Les foudres delplaïennes ne vont pas tarder !)



La révolution mange ses propres enfants.

Staline, dès l'assassinat de Kirov, va prendre des mesures d'exception qui vont permettre de mettre la justice hors la loi. Le géorgien, sans l'approbation du Politburo, qui souligne une dérive autocratique évidente, fit publier un décret d'urgence, qui mit au placard les possibilités d'appel des accusés, et imposa une exécution immédiate de la sentence par le NKVD. La machine à purger était donc lancée par ces deux mesures d'exception.
Très rapidement, Nicolas Iejov découvrit un Centre terroriste Léningradois et Moscovite, qui avaient prévu de renverser l'Etat soviétique, rien que ça, et, évidemment, ces chacaux de Kamenev et Zinoviev étaient du coup ...ah les infâmes crapules, eux que Staline avait par deux fois pardonné et réintégré ! On ne l'y reprendrait plus, serment de géorgien ! Mais encore une fois les deux compères ne furent que condamnés à 10 ans de prison, et là je vous accorde, mon cher Carlo, que Staline se montre prudent. Le géorgien ne se sent pas encore assez sûr pour éliminer physiquement deux pontes du Parti. Il le sera assez l'année suivante, puisque rejugés, le duo sera alors exécuté !

Evidemment, les purges ne vont pas toucher uniquement les dignitaires, mais aussi leurs fratries et leurs clans élargis, ce qui fera beaucoup de monde ...De plus, la purge est conçue, dans l'esprit de Staline, comme un moyen de maintenir l'esprit révolutionnaire menacé d'être englouti par l'inertie bureaucratique, un biais pour générer de la tension et menacer les bureaucrates tout occupés à maintenir leurs avantages acquis. Les procès auront une fonction pédagogique auprès du peuple, les déportations et les exécutions feront partie de cette phrophylaxie sociale, chère à Kriegel, notamment dans les répubiques périphériques, aux marges de l'Empire, qui peuvent connaître des bouffées indépendantistes et nationales, je pense aux fameuses opérations spéciales frappant l'Ukraine et la Biléorussie en 1937.


 

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Re: juin 1941, l'étrange défaite.Hitler a-t-il manipulé Staline?

Nouveau message Post Numéro: 113  Nouveau message de carlo  Nouveau message 30 Mai 2009, 15:51

Bon on essaye encore une fois,

tietie007 a écrit:2°) Sur le Congrès des vainqueurs vous ne faites qu'affirmer que les délégués étaient dithyrambiques sur Staline ...Ce qui n'est qu'une impression de façade ...


Vous vous basez sur des rumeurs pour dire qu'il s'agit d'une impression de façade. Oui il y a sans doute une part d'hypocrisie dans l'attitude de certains, mais regardez le congrès et son contexte historique. Prenons l'exemple de Boukharine, fin des années 20, il s'oppose à la politique d'industrialisation à marche forcée et à la collectivisation. En 1934, force est de constater, qu'en apparence (c'est moins vrai dans le détail et en profondeur) la politique de Staline a réussit, donc Boukharine fait partie de ces gens qui ont tout intérêt à se faire un peu oublier et à participer a l'enthousiasme ambiant (qui n'est pas qu'un enthousiasme de commande, les gens ont travaillé très dur et dans des conditions terribles pour en arriver là).

tietie007 a écrit:D'ailleurs, vous ne trouvez pas curieux qu'un an après ce Congrès les grandes purges commencent ? Pourquoi d'après vous si Staline était si sûr que ça du soutien de la majorité du Parti l'aurait-il purgé un an après ? Comment expliquez vous cela Carlo, vous n'avez pas répondu à cette question ...Ah c'est vrai, Kamenev, Zinoviev et Boukharine étaient des traîtres (comment voulez-vous que je ne pense pas que vous ayez certaines sympathies pour Staline en me sortant des énormités pareilles ?) et cela relève de la police de la pensée que je vous pose cette question !


Le problème c’est que si je dis que Staline considérait Kamenev & co. comme des traîtres, vous faites comme si je les considérais moi-même comme des traîtres, mais je sais encore faire la différence entre moi et Staline… Je ne prétend pas maîtriser la compréhension du processus qui a conduit au purges, mais les expliquer par une simple schadenfreunde me paraît un peu simpliste, même si je ne rejette pas cette possibilité dans le processus.

tietie007 a écrit:3°) Vorochilov a connu Staline à Tsaritsyne, Molotov, un peu après, à Moscou.


Faux deux fois, Vorochilov et Staline ont partagé la même chambre à Stockholm au congrès de 1906. Molotov et Staline se rencontrent pendant l'affaire de la Pravda en 1917, avant octobre.

tietie007 a écrit:4°) Quelle émotivité ! Vous évitez systématiquement les questions qui fâchent, notamment le point 2°) et essayez systématiquement de déligitimer mon discours en me traitant de policier de la pensée ! N'importe quoi ! C'est quoi ces histoires de FBI de la pensée !


Vous savez je n'ai rien contre la polémique mais il est parfois difficile de se faire comprendre. Surtout face à un interlocuteur prompt à découvrir toute déviation et à ramener la discussion sur un terrain politique, genre "vous dîtes ça c'est que vous pensez comme ça". Police de la pensée, ne me dites pas que vous n'avez pas lu Orwell?

tietie007 a écrit:5°) Ah bon, vous trouvez qu'il est normal que Molotov reste fidèle à Staline, malgré que celui-ci ait envoyé sa femme au Goulag ? Lol ! Avoir cette attitude totalement soumise ce n'est pas se comporter comme une créature totalement soumise à son maître ?


Créatures, maître, on nage en plein roman gothique, mais si c’est votre façon de voir la complexité des rapports humains. Molotov est justement un bon exemple de la manière dont Staline s’impose autour de lui, dont il tisse des relations souvent complexes avec des gens qui n’ont rien de bénis oui-oui. Mais bon…

tietie007 a écrit:6°) Le "bilan globalement positif de l'URSS", je le sors toujours en premier pour m'éviter l'accusation d'anti-communisme primaire qui vient tout de suite après l'ombre d'une possible critique contre la politique de Staline ou de Lénine et qui est une vieille technique pour ne pas répondre aux questions gênantes ! Oui, l'URSS a réussi de belles choses, comme au niveau éducatif, mais je pense qu'elle aurait pu faire l'économie de cette terreur à grande échelle, sous la période stalinienne !


En ce qui concerne l’utilité des purges, je ne suis pas un loup assoiffé de sang et je ne vais pas me mettre à la défendre à tout prix. Il y a plein de choses dont l’humanité aurait pu faire l’économie, à chacun de choisir de justifier l’une ou l’autre option, personnellement je ne suis très preneur des justifications.

tietie007 a écrit:Mais je m'aperçois que vous avez trouvé un autre motif pour disqualifier mes arguments sans contre-argumenter ...Je serais un policier de la pensée ! Lol ! Sacré Carlo, je vous que vous maîtrisez parfaitement les techniques de déligitimation ...


Mais Tietie, c’est vous qui cherchez absolument à ce que je sois un idéologue marxiste-léniniste ! Toute contre-argumentation trouve ses limites dans les capacités de l’autre à entendre les arguments.
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Re: juin 1941, l'étrange défaite.Hitler a-t-il manipulé Staline?

Nouveau message Post Numéro: 114  Nouveau message de tietie007  Nouveau message 30 Mai 2009, 16:39

1°) Pourquoi, Carlo, si tout le Congrès était derrière Staline, celui-ci va-t-il le supplicier, durant les purges ? Si Staline n'avait ressenti aucune contestation, pourquoi faire disparaître la majorité des délégués présents lors de ce Congrès ??? Trois fois que je pose cette question et je n'ai eu aucune réponse ... Pour moi, ça relève d'une question de légitimité. Staline a tout simplement envie de voir disparaître les grognards bolcheviques, potentiellement capables de contester sa légitimité, au vu de l'histoire de la Révolution, alors qu'avec des nouveaux venus, qui n'ont pas ou peu connu la période héroïque, qui doivent leur promotion sociale à Staline, il n'y a rien à craindre.

2°) Nous n'avons, par exemple, pas de preuves formelles qui peuvent accuser nommément Staline d'avoir fait disparaître Kirov ...Mais pas besoin de sortir de l'Ecole de Police pour s'apercevoir que les conditions dans lesquelles le secretaire du PC de Léningrad a disparu, sont très très bizarres. Des agents du NKVD qui abandonnent la garde de l'Institut Smylnov, un garde du corps, celui de Kirov, qui a un accident malheureux, juste après, et la quasi-totalité des témoins trucidés 2 ans après, voilà beaucoup de coïncidences troublantes ...
Donc si je postule que l'assassinat de Kirov a été dirigé par Iagoda, sur ordre de Staline, c'est que le géorgien, peut sûr de lui, se sentait menacé, à tort ou à raison, par la popularité de Kirov.
La mort de Kirov lui servira de prétexte pour déclarer un Etat d'urgence ou d'exception qui libérera Staline de ses anciennes préventions à mettre à mort ceux qui le gênent à tort ou à raison.

3°) Vous parlez de la réussite de Staline, c'est à voir ...Pour l'industrie lourde, peut-être, mais pour l'agriculture, la collectivisation sera un échec sans précédent, ruinant pour longtemps l'agriculture soviétique.
De plus, l'inflation bureaucratique qui caractérisera la période stalinienne, sera un handicap puissant pour l'avenir soviétique. L'inertie immense de cette bureaucratie creusera, de fait, le tombeau de l'URSS, incapable de se réformer.

4°) Il faut malgré tout une sacrée dose de soumission pour accepter de travailler, quotidiennement, avec celui qui a envoyé votre femme au Goulag, non ? Comment pouvez-vous qualifier cette attitude, Carlo ?


 

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Re: juin 1941, l'étrange défaite.Hitler a-t-il manipulé Staline?

Nouveau message Post Numéro: 115  Nouveau message de tietie007  Nouveau message 07 Juin 2009, 17:50

Sur le thème de l'approche de la Grande Terreur, Nicolas Werth résume bien, dans son livre, les différentes approches par rapport à cette période historique, dans son livre La Terreur et le désarroi, Staline et son système, Perrin, 2007 (pages 265-299) :

A la fin des années 60, Robert Conquest avait publié la première étude sur cette période, devenue, depuis, un classique, fondée principalement sur les témoignages et les mémoires des survivants ou de ceux qui avaient fait défection et qui étaient passés à l’Ouest, ainsi que sur les quelques publications soviétiques de l’époque du dégel khrouchtchevien. L’ouvrage de Conquest insistait sur la « paranoïa » de Staline, « architecte de la terreur », sur la destruction systématique et planifiée de la « vieille garde bolchevique », sur les purges des cadres politiques, militaires, économiques, ainsi que de l’intelligentsia. Mais, faute de sources, il disait peu de choses sur les « victimes ordinaires », sinon qu’elles se comptaient par millions, victimes d’un effet « boule de neige ». Au milieu des années 80, un historien de l’école révisionniste américaine, John Arch Getty, développa un schéma radicalement différent de la Grande Terreur. Loin d’être un projet minutieusement planifié par Staline et Iejov, à partir de l’assassinat de Kirov, la Grande Terreur aurait été une fuite en avant vers le chaos. L’ampleur de la répression serait le fait des cadres communistes locaux, menacés par le Centre, et qui auraient fait du zèle répressif.
Le processus ce serait alors emballé de manière anarchique et incontrôlée.
Les deux écoles, totalitaristes et révisionnistes si elles ont une approche différente, s’attachent, toutes les deux, à l’aspect politique de la Grande Terreur, purge dirigée, avant tout, envers des élites.
Nicolas Werth s'attache plutôt à descendre au niveau des "victimes ordinaires" en restituant la dimension verticale de cette Grande Terreur, qui a avant tout touché le pays profond.

Je ne vais pas reprendre toute l'analyse de Werth concernant sa dernière étude sur la Grande Terreur, mais en résumé il y aura plusieurs lignes qui vont se décliner, durant ces années 30, avec une intensité plus moins forte :
- la ligne Koulak, définit par l’ordre opérationnel n°00447, du 30 juillet 1937, visait un large éventail d’éléments qualifiés de « socialement nuisibles » et « appartenant au passé ».
- la ligne Nationale, définie par une dizaine d’opérations dites « nationales » (opération polonaise, finlandaise, allemande, de Harbin, lettone, grecque, estonienne, roumaine …), visait les émigrés politiques de ces pays réfugiés en URSS, mais aussi tous les citoyens soviétiques qui avaient un lien, même très ténu, avec un certain nombre de pays perçu comme hostile.
- la ligne qu'on pourrait appelé anti-bureaucratique, anti-cadre, dont les deux matrices fondatrices sont l'affaire de Smolensk et le procès de Chakhty, toutes les deux en 1929, qui s'attaquent aux bureaucrates locaux et aux techniciens dits "bourgeois".

Car dans la culture stalinienne, les difficultés que connaissaient l'URSS, ne pouvaient être que le fait de bureaucrates ou techniciens peu fiables politiquement. De plus, et là le Centre n'a pas tort, la compétence de ces bureaucrates locaux peut légitimement être remis en cause.

Il faut savoir qu’en 1928, seuls 8 000 membres du Parti (soit 1% des effectifs) étaient diplômés d’une institution supérieure (p.178) et que le niveau des cadres politiques restera longtemps très bas. En 1937, 70 % des secrétaires généraux du Parti et 80 % des dirigeants des comités de ville du Parti n’avaient pas poursuivi leurs études au-delà de l’école primaire ! (p182). On peut donc voir ces purges par le biais d'une volonté du Centre d'amener une génération plus compétente car mieux formé, aux manettes.

Mais il est clair qu'il s'ajoute à ce désir de voir arriver, par une manière violente, une nouvelle génération plus qualifiée au pouvoir, un désir d'éliminer toute une génération qui a connu une période où l'on pouvait encore discuter, dans le parti bolchevique. Quelques chiffres sont assez révélateurs :

Au début de 1939, 293 des 333 secrétaires régionaux du Parti, et environ 26 000 des 33 000 hauts fonctionnaires de la nomenklatura du Comité Central étaient en poste depuis moins d’un an.
Au début 1937, 88% des secrétaires généraux avaient adhéré au Parti avant 1923, 2 ans plus tard, ce % était tombé à 18 % ! La majorité (65%) des nouveaux promus à ces postes clés ayant adhéré lors de l’année 1929 ! (p.192).


 

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Re: juin 1941, l'étrange défaite.Hitler a-t-il manipulé Staline?

Nouveau message Post Numéro: 116  Nouveau message de carlo  Nouveau message 07 Juin 2009, 21:01

Repartirions-nous sur de meilleures bases?

tietie007 a écrit:Sur le thème de l'approche de la Grande Terreur, Nicolas Werth résume bien, dans son livre, les différentes approches par rapport à cette période historique, dans son livre La Terreur et le désarroi, Staline et son système, Perrin, 2007 (pages 265-299) :

A la fin des années 60, Robert Conquest avait publié la première étude sur cette période, devenue, depuis, un classique, fondée principalement sur les témoignages et les mémoires des survivants ou de ceux qui avaient fait défection et qui étaient passés à l’Ouest, ainsi que sur les quelques publications soviétiques de l’époque du dégel khrouchtchevien. L’ouvrage de Conquest insistait sur la « paranoïa » de Staline, « architecte de la terreur », sur la destruction systématique et planifiée de la « vieille garde bolchevique », sur les purges des cadres politiques, militaires, économiques, ainsi que de l’intelligentsia. Mais, faute de sources, il disait peu de choses sur les « victimes ordinaires », sinon qu’elles se comptaient par millions, victimes d’un effet « boule de neige ». Au milieu des années 80, un historien de l’école révisionniste américaine, John Arch Getty, développa un schéma radicalement différent de la Grande Terreur. Loin d’être un projet minutieusement planifié par Staline et Iejov, à partir de l’assassinat de Kirov, la Grande Terreur aurait été une fuite en avant vers le chaos. L’ampleur de la répression serait le fait des cadres communistes locaux, menacés par le Centre, et qui auraient fait du zèle répressif.


Getty est un peu revenu sur le schéma développé dans Origins of the Great Purges, schéma quasi-maoïste d’une sorte de révolution culturelle. Ceci dit l’idée d’un zèle répressif est assez documentée, mais il admet que le démarrage de la purge est entièrement du ressort de Staline.

tietie007 a écrit:Le processus ce serait alors emballé de manière anarchique et incontrôlée.
Les deux écoles, totalitaristes et révisionnistes si elles ont une approche différente, s’attachent, toutes les deux, à l’aspect politique de la Grande Terreur, purge dirigée, avant tout, envers des élites.
Nicolas Werth s'attache plutôt à descendre au niveau des "victimes ordinaires" en restituant la dimension verticale de cette Grande Terreur, qui a avant tout touché le pays profond.


Tiens Werth, c’est justement lui qui a traduit et publié (avec Stéphane Courtois, excusez du peu) le bouquin d’Alla Kirilina qui démontre l’absurdité de vos thèses et postulats sur l’assassinat de Kirov et sur le Congrès des vainqueurs. Bouquin que je n’ai pas arrêté de vainement citer.

tietie007 a écrit:Je ne vais pas reprendre toute l'analyse de Werth concernant sa dernière étude sur la Grande Terreur, mais en résumé il y aura plusieurs lignes qui vont se décliner, durant ces années 30, avec une intensité plus moins forte :
- la ligne Koulak, définit par l’ordre opérationnel n°00447, du 30 juillet 1937, visait un large éventail d’éléments qualifiés de « socialement nuisibles » et « appartenant au passé ».
- la ligne Nationale, définie par une dizaine d’opérations dites « nationales » (opération polonaise, finlandaise, allemande, de Harbin, lettone, grecque, estonienne, roumaine …), visait les émigrés politiques de ces pays réfugiés en URSS, mais aussi tous les citoyens soviétiques qui avaient un lien, même très ténu, avec un certain nombre de pays perçu comme hostile.
- la ligne qu'on pourrait appelé anti-bureaucratique, anti-cadre, dont les deux matrices fondatrices sont l'affaire de Smolensk et le procès de Chakhty, toutes les deux en 1929, qui s'attaquent aux bureaucrates locaux et aux techniciens dits "bourgeois".


Et la fameuse purge des Vieux Bolchéviques, dont vous n’avez pas cessé de nous parler ?


tietie007 a écrit:Car dans la culture stalinienne, les difficultés que connaissaient l'URSS, ne pouvaient être que le fait de bureaucrates ou techniciens peu fiables politiquement. De plus, et là le Centre n'a pas tort, la compétence de ces bureaucrates locaux peut légitimement être remis en cause.

Il faut savoir qu’en 1928, seuls 8 000 membres du Parti (soit 1% des effectifs) étaient diplômés d’une institution supérieure (p.178) et que le niveau des cadres politiques restera longtemps très bas. En 1937, 70 % des secrétaires généraux du Parti et 80 % des dirigeants des comités de ville du Parti n’avaient pas poursuivi leurs études au-delà de l’école primaire ! (p182). On peut donc voir ces purges par le biais d'une volonté du Centre d'amener une génération plus compétente car mieux formé, aux manettes.


Heureusement que je n’ai jamais dit des trucs pareils, déjà que vous soupçonnez des pires déviances !

tietie007 a écrit:Mais il est clair qu'il s'ajoute à ce désir de voir arriver, par une manière violente, une nouvelle génération plus qualifiée au pouvoir, un désir d'éliminer toute une génération qui a connu une période où l'on pouvait encore discuter, dans le parti bolchevique. Quelques chiffres sont assez révélateurs :

Au début de 1939, 293 des 333 secrétaires régionaux du Parti, et environ 26 000 des 33 000 hauts fonctionnaires de la nomenklatura du Comité Central étaient en poste depuis moins d’un an.
Au début 1937, 88% des secrétaires généraux avaient adhéré au Parti avant 1923, 2 ans plus tard, ce % était tombé à 18 % ! La majorité (65%) des nouveaux promus à ces postes clés ayant adhéré lors de l’année 1929 ! (p.192).


Permettez-moi de citer Arch Getty pour vous répondre (c'est moi qui traduit et qui souligne) :

"Certains groupes parmi l’élite soviétique –fonctionnaires de haut rang du parti, de l’économie et de l’armée, anciens oppositionistes, et ceux qui ont rejoint les Bolchéviques entre 1918 et 1920- furent les plus vulnérables à la répression. D’autres groupes –en particulier les Vieux Bolchéviques et l’intelligentsia- dont on a cru longtemps qu’ils étaient les cibles désignées des purges, ne le sont pas. En démontrant que les Vieux Bolchéviques n’ont pas été réprimé parce qu’ils étaient de Vieux Bolchéviques, cette étude émet des doutes considérables sur la thèse selon laquelle le but de la terreur était de les détruire en tant que catégorie parce qu’ils représentaient collectivement une menace pour Staline." J. Arch Getty & William Chase, Patterns of Repression Among the Soviet Elite in the Late 1930s : A Biographical Approach in Stalinist Terror, New Perspectives, Cambridge 1993, p.244.
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Re: juin 1941, l'étrange défaite.Hitler a-t-il manipulé Staline?

Nouveau message Post Numéro: 117  Nouveau message de tietie007  Nouveau message 07 Juin 2009, 21:16

Carlo a dit :

Et la fameuse purge des Vieux Bolchéviques, dont vous n’avez pas cessé de nous parler ?


Avez-vous lu les chiffres que donnent Werth, au niveau des cadres du Parti, en 1939 ?


 

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Re: juin 1941, l'étrange défaite.Hitler a-t-il manipulé Staline?

Nouveau message Post Numéro: 118  Nouveau message de carlo  Nouveau message 08 Juin 2009, 07:54

tietie007 a écrit:Carlo a dit :

Et la fameuse purge des Vieux Bolchéviques, dont vous n’avez pas cessé de nous parler ?


Avez-vous lu les chiffres que donnent Werth, au niveau des cadres du Parti, en 1939 ?


Mais les chiffres de Werth ne sont bien sûr pas incompatibles avec l'analyse qu'en font Getty (UCLA) et Chase (University of Pittsburgh) et que je vous recopie pour mémoire:

carlo a écrit:
Permettez-moi de citer Arch Getty pour vous répondre (c'est moi qui traduit et qui souligne) :

"Certains groupes parmi l’élite soviétique –fonctionnaires de haut rang du parti, de l’économie et de l’armée, anciens oppositionistes, et ceux qui ont rejoint les Bolchéviques entre 1918 et 1920- furent les plus vulnérables à la répression. D’autres groupes –en particulier les Vieux Bolchéviques et l’intelligentsia- dont on a cru longtemps qu’ils étaient les cibles désignées des purges, ne le sont pas. En démontrant que les Vieux Bolchéviques n’ont pas été réprimé parce qu’ils étaient de Vieux Bolchéviques, cette étude émet des doutes considérables sur la thèse selon laquelle le but de la terreur était de les détruire en tant que catégorie parce qu’ils représentaient collectivement une menace pour Staline." J. Arch Getty & William Chase, Patterns of Repression Among the Soviet Elite in the Late 1930s : A Biographical Approach in Stalinist Terror, New Perspectives, Cambridge 1993, p.244.


Les grands procès visent un certain nombre de "vieux bolchéviques" et les purges (qui sont consécutives aux procès, mais qui n'en découlent pas, elles n'ont pas les mêmes cibles) vont encore voir disparaître un nombre important de "vieux bolchéviques", mais il n'y a pas de preuves historiques que ceux-ci étaient visés en tant que catégorie spécifique, mais bien en fonction des places occupées, de leurs compétences et d'une affiliation à l'opposition.
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Re: juin 1941, l'étrange défaite.Hitler a-t-il manipulé Staline?

Nouveau message Post Numéro: 119  Nouveau message de François Delpla  Nouveau message 08 Juin 2009, 08:13

Là je crois, Carlo, que vous jouez un peu sur les mots.

Les membres les plus anciens du parti ne sont certes pas exterminés jusqu'au dernier par ce même parti. Mais ils n'ont, c'est le cas de le dire, qu'à bien se tenir ! Leur légitimité est une menace constante contre celle de Staline... qui peut au contraire tirer grand
parti de leurs génuflexions.

Si on est suspecté ou simplement pris dans une rafle, la qualité d'ancien membre du parti n'est certes pas une circonstance atténuante, mais bien aggravante.

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Re: juin 1941, l'étrange défaite.Hitler a-t-il manipulé Staline?

Nouveau message Post Numéro: 120  Nouveau message de carlo  Nouveau message 08 Juin 2009, 16:29

François Delpla a écrit:Là je crois, Carlo, que vous jouez un peu sur les mots.


C'est à mon avis aussi jouer sur les mots que de dire que Staline a voulu liquidé les vieux bolchéviques, jouer sur les mots et avec un concept assez flou, dont on aperçoit facilement le parti politique qu'on peut en tirer.

François Delpla a écrit:Les membres les plus anciens du parti ne sont certes pas exterminés jusqu'au dernier par ce même parti. Mais ils n'ont, c'est le cas de le dire, qu'à bien se tenir ! Leur légitimité est une menace constante contre celle de Staline... qui peut au contraire tirer grand
parti de leurs génuflexions.


Oui en 1936, Staline instaure une période de dictature personnelle qui durera jusqu'à la fin des années 40, mais il est intéressant de comprendre comment et pourquoi elle s'instaure et malheureusement cette idée de vieux bolcho ne nous y aide guère. La purge de 36-37 est un grand nettoyage cruel et assez bordélique, mais dont le but n’est pas vraiment d’asseoir la légitimité de Staline, celle-ci est déjà largement assurée (ce qui lui permet d’ailleurs d’envisager ce nettoyage). Ce qui est engagé c’est le contrôle effectif de l’appareil d’Etat, contrôle plus que sommaire en vérité, c’est un tour de vis généralisé.

François Delpla a écrit:Si on est suspecté ou simplement pris dans une rafle, la qualité d'ancien membre du parti n'est certes pas une circonstance atténuante, mais bien aggravante.


Ben non, vous êtes plus suspect si comme membre du parti vous avez suivit l’opposition à un moment ou à un autre, mais pas comme membre du parti à proprement parlé.
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