carlo a écrit:François Delpla a écrit:Là je crois, Carlo, que vous jouez un peu sur les mots.
C'est à mon avis aussi jouer sur les mots que de dire que Staline a voulu liquidé les vieux bolchéviques, jouer sur les mots et avec un concept assez flou, dont on aperçoit facilement le parti politique qu'on peut en tirer.François Delpla a écrit:Les membres les plus anciens du parti ne sont certes pas exterminés jusqu'au dernier par ce même parti. Mais ils n'ont, c'est le cas de le dire, qu'à bien se tenir ! Leur légitimité est une menace constante contre celle de Staline... qui peut au contraire tirer grand
parti de leurs génuflexions.
Oui en 1936, Staline instaure une période de dictature personnelle qui durera jusqu'à la fin des années 40, mais il est intéressant de comprendre comment et pourquoi elle s'instaure et malheureusement cette idée de vieux bolcho ne nous y aide guère. La purge de 36-37 est un grand nettoyage cruel et assez bordélique, mais dont le but n’est pas vraiment d’asseoir la légitimité de Staline, celle-ci est déjà largement assurée (ce qui lui permet d’ailleurs d’envisager ce nettoyage). Ce qui est engagé c’est le contrôle effectif de l’appareil d’Etat, contrôle plus que sommaire en vérité, c’est un tour de vis généralisé.François Delpla a écrit:Si on est suspecté ou simplement pris dans une rafle, la qualité d'ancien membre du parti n'est certes pas une circonstance atténuante, mais bien aggravante.
Ben non, vous êtes plus suspect si comme membre du parti vous avez suivit l’opposition à un moment ou à un autre, mais pas comme membre du parti à proprement parlé.
1°) Carlo, je n'y puis pas grand chose si vous ne tirez pas quelques conséquences de ces chiffres :
- plus de la moitié des délégués présents lors du Congrès des Vainqueurs (environ 2000) seront par la suite exécutés ainsi que 80 % des membres du Comité Central élus lors de ce Congrès.
- Au début de 1939, 293 des 333 secrétaires régionaux du Parti, et environ 26 000 des 33 000 hauts fonctionnaires de la nomenklatura du Comité Central étaient en poste depuis moins d’un an.
Au début 1937, 88% des secrétaires généraux avaient adhéré au Parti avant 1923, 2 ans plus tard, ce % était tombé à 18 % ! La majorité (65%) des nouveaux promus à ces postes clés ayant adhéré lors de l’année 1929 ! (p.192).
Comment pouvez-vous interpréter ces chiffres ?
Sans parler des procès de Moscou, qui ont immolé les anciens compagnons de Lénine ni la majorité des officiers généraux de l'armée qui avaient connu la guerre civile et qui ont été violemment éliminés!
2°) La légitimité de Staline largement assurée ?
Rien de moins sûr du point de vue de Staline ! Le géorgien n'a jamais été ce chef charismatique porté au pouvoir par ses pairs ! Il a réussi à s'emparer du pouvoir en luttant férocement contre ses rivaux, dont certains étaient bien plus doués que lui, dans l'art oratoire, comme Trotsky ! Comment expliquez vous cette obsession anti-trotskyste, chez Staline ? Si il était si sûr que ça de son pouvoir, pourquoi traquer Trotsky jusqu'à lui faire rendre gorge, en 1940 ? Pourtant, la capacité de nuisance du grand Léon peut paraître bien modeste, loin de l'URSS et sans relai sur place, non ?
A posteriori, le pouvoir de Staline nous apparaît sans limite, mais à l'époque, comment le Petit des Peuples percevait la stabilité de son pouvoir ?
Pour ma part, je pense que le géorgien a toujours été obsédé par cette légitimité construite et donc jamais totalement assurée ...ce dont d'autres dictateurs n'ont pas eu à souffrir, je pense à Hitler, qui ne s'en est quasiment jamais vraiment pris à son propre parti car ne s'étant jamais senti menacé dans son leadership !
3°) Mais Carlo, le simple fait d'avoir pu croiser Trotsky, pouvait vous rendre suspect aux yeux de Staline. Le terme d'opposition reste à géométrie variable, en URSS, et, allié la veille, vous pouvez, le lendemain, être accusé de suppôt de l'hitléro-trotskysme, d'agent du Mikado ou de la Gestapo !