Bonjour. Je suis nouveau sur le forum.
Français d'origine italienne, je suis souvent consterné par les propos que je lis (y compris sur ce forum...) concernant la participation de l'Italie à la II° guerre mondiale. La caricature tient souvent le premier rôle : les "maccaroni" et autres "aviateurs spaghetti", tout justes bons pour gratter la mandoline et tourner le dos à l'ennemi... La réalité a été beaucoup plus complexe. L'entrée en guerre de l'Italie a été décidée de façon unilatérale par un dictateur, alors que l'opinion publique, largement germanophobe depuis des siècles, n'avait aucune revendication sérieuse vis-à-vis de la France et du RU. Dans des conditions psychologiques et stratégiques très difficiles, les soldats italiens ont essayé, tant bien que mal, de faire ce qu'ils croyaient être leur devoir. Il n'y a aucune raison de les mépriser. Georges Simenon avait écrit sur son EX-LIBRIS : "compredre au lieu de juger." Mais les clichés sont tellement plus faciles...
Je voudrais plus particulièrement attirer votre attention sur ce sujet complexe et largement inconnu du public français: l'ARMIR.
Du 17 au 31 janvier 1943, l'ARMIR (Armata Italiana in Russia), composée de 229.000 soldats italiens dont trois divisions alpines, envoyée sur l'initiative de Mussolini se battre à côtés des troupes allemandes, roumaines et hongroises sur le front russe, entama une stupéfiante "anabase". Par des températeures de mois 40°, les soldats italiens, parcourent à pieds plusieurs centaines de kilomètres, se battant contre le froid, la famine et les troupes soviétiques qui les avaient encerclées et qui les menaçaient d'extermination. Parmi eux, 100.000 mourront (en moins de 2 semaines....) et 30.000 resteront invalides à vie.
Des romans magnifiques et émouvants ont été consacrés à ce sujet (la plupart traduits en français), parmi lesquels je vous en raccomande trois, écrits par des survivants:
-Giulio Bedeschi, "100.000 gamelles de glace", première édition 1963. C'est un roman très réaliste, fondé sur les souvenirs personnels de l'auteur qui se trouvait parmi les chasseurs alpins italiens impliqués dans le désastre ; 3.000.000 d'exemplaires vendus en Italie !
-Mario Rigoni Stern, "Le sergent dans la neige", première édition 1953. C'est le journal de l'auteur, lui aussi un chasseur alpin ayant survécu miraculeusement à la retraite. Ce petit livre a connu un immense succès en Italie, et est très souvent étudié comme livre de texte dans les collèges. Stern, toujours vivant, est un grand auteur à succès, au style clair, simple et réaliste.
-Eugenio Corti, "Le cheval rouge". Ce roman, traduit récemment en français, est considéré par certains comme un des plus remarquables de la littérature italienne contemporaine. L'auteur, toujours vivant, est très marqué par le catholicisme.
Tous ces livres sont touchants par leur humanité et leur sincérité. Je vous en conseille très vivement la lecture. Attention, ce sont des livres "sur la guerre" mais pas des livres "de guerre", dans le sens qu'ils ne célèbrent pas la gloire et les vertus militaires. On en sort bouleversés, et je pense que les lecteurs français s'étant documentés sur la retraite de Russie de 1813, les apprécieront particulièrement.
Ceci dit (en quoiqu'en pensent certains esprits qui, de la guerre, ne connaissent que STAR WARS...) l'ARMIR, et plus particulièrement ses trois divisions alpines (Julia, Trentina, Cuneense), fit preuve, dans cette tragédie, d'une endurance et d'un courage absolument surhumain. Pas pour des raisons politiques : ces montagnards étaient aux antipodes du fascisme.
Je serais heureux de converser avec vous sur ce sujet triste et passionant, encore d'actualité en Italie (surtout dans le nord, zone de recrutement des troupes alpines) où les survivants de cette tragédie sont nombreux. J'en ai connu personnellement. Leurs récits (quand ils consentaient à parler, ce qui est plutôt rare) sont extraordinaires.
Bone soirée.