26 juin 1941 : affrontement entre fusiliers marins et vedettes blindées soviétiques à Chilia Veche
Ceci est la suite de mon fil précédent.
"Un épisode peu connu du début du conflit entre la Roumanie et l’Union Soviétique"
Dans mon fil précédent j'ai cité le carnet de guerre du Lieutenant Posa, du régiment 33 Dorobanti, 10e division d'infanterie, capturé par les soviétiques quelques jours avant près d'Ismail, plus en aval du bras Chilia du Danube.
Dans son carnet il décrit leur transfert vers l'est par les soviétiques :
Il indique :
Vers le matin, nous avons été débarqués dans une gare déserte, dans une petite ville au sud de la Bessarabie – probablement Bolograd. Nous avons été conduits à un grand bâtiment, qui était l'école du village. Aux quatre coins de la cour il y avait des sentinelles armées. Nous y sommes tombés sur plusieurs centaines de prisonniers roumains du bataillon d'infanterie de marine dont la position était à Chilia Veche, sur la rive droite du bras du Danube du même nom. Je ne sais pas dans quelles circonstances, ils ont été encerclés et pour la plupart faits prisonniers. Il y avait aussi beaucoup d' officiers , la plupart des conscrits pour la plupart. Ils portaient des uniformes en tissu épais et bleu.
Nous avons été nous aussi poussés à l’intérieur. Nous étions en tenue kaki et nous nous perdions complètement dans la masse mouvante bleu foncé. Ils avaient été amenés ici après plusieurs jours de marche d'une localité à l'autre. Tous barbus, sales, ils parlaient grossièrement, et les soldats n'écoutaient plus les officiers et les gradés.
Ces nouveaux prisonniers roumains étaient des soldats du 15e bataillon d'infanterie de marine . Voici les circonstances dans lesquelles ils ont été capturés :
Au matin du 22 juin 1941, jour du déclenchement des hostilités avec l'Union Soviétique, le 15e bataillon d'infanterie de marine a ouvert le feu sur les bivouacs et les emplacements d'artillerie de Chilia Noua (rive gauche du Danube ) . Ceci a déclenché un duel d'artillerie intense exécuté avec des pièces d'artillerie lourde de campagne et les canons d'un moniteur. Il s'est prolongé pendant la nuit du 22 au 23 juillet.. Le 23 juillet les soviétiques ont réussi à débarquer en face d'Ismail.
Etant donné que la présence des troupes roumaines empêchait la libre navigation sur le Danube maritime les soviétiques ont déclenché plus en aval le 26 juin une action de forçage du Danube dans la zone de Chilia Veche qui était défendu par le 15e bataillon d'infanterie de marine renforcé par une compagnie de gardes frontières. Le bataillon avait réquisitionné localement 30-40 barques et disposaient de trois bacs et pontons pouvant embarque 6 charettes et 12 chevaux ou 90 soldats. Ils étaient positionnés sur l'île de Chilia Veche, entourée de zones marécageuses, de lacs, de rivières et de canaux. Le bataillon avait pour mission de défendre sans reculer le secteur compris entre Pardina, l'ilot Tatarului, l'ïle de Chilia Veche et l'ilôt Babina.
Le dispositif de défense était le suivant : sur la rive du Danube la compagnie de gardes frontières, les compagnies 1,2 et 4 d'infanterie de marine. Pour la défense en profondeur la 3e compagnie d'infanterie de marine. Pour interdire le contournement des défenses du bataillon par une manœuvre éventuelle des soviétiquessur le flanc gauche du dispositif par le canal Tataru deux bacs avec chacun un canon Skoda de 47mm avaient été disposés. Le bataillon était donné d'une batterie de 75 mm et de 3 canons d'accompagnement (37 ou 47mm).Les actions du bataillon devaient être appuyées par l'artillerie de la 10e division d'infanterie et l'aviation présente en Dobrogea.
La nuit du 26 juin les soviétiques ont simulé un débarquement sur le flanc droit de la défense, dans le secteur de la 4e compagnie. A 2h30 ils ont déclenché une préparation d'artillerie sur les positions du bataillon. Celle-ci détruit la plupart des barques destinées au transport des militaires et interrompt les liaisons téléphoniques entre les éléments du dispositif. Le Danube est passé en force par 8 vedettes blindées munies chacune d'une tourelle de 76mm et de 5 mitrailleuses en coupole. Malgré la riposte des Roumains avec tout l'armement disponible les soviétiques réussissent à occuper la partie nord de Chilia Veche et , profitant de ce succès, débarquent deux bataillons d'infanterie qui envahissent les positions de la compagnie de gardes frontières et de la 1ere compagnie d'infanterie de marine . Le s vedettes blindées n'ont pu être repoussées par manque de moyens anti-tank
Les forces terrestres soviétiques étaient appuyées par une division d'artillerie de campagne, une batterie lourde et une compagnie de chars. Elles disposaient de bons points d'observation et de tir depuis les hauteurs de la rive gauche et étaient renseignées par des espions infiltrés qui signalaient les cibles par fusées de sorte que les tirs soviétiques étaient particulièrement précis. Par contre les Roumains , par manque de communication n'ont pu obtenir de soutien d'artillerie. L'aviation roumaine n'a pas non plus les soutenir car simultanément les Soviétiques ont bombardé le port de Constanta par mer et par air.
En même temps une vedette blindée soviétique remorquant deux bacs transporteurs de troupes a contourné les positions par le canal Tataru, débarquant la troupe à l'arrière des positions. Il s'en est suivi 2h30 de combat intense, parfois au corps à corps, avec de lourdes pertes du côté roumain, pour la plupart prisonniers.
Le reste s'est replié vers des ilôts proches. Seuls 9 officiers, 8 sous officiers et 144 soldats ont pu être récupérés. Les pertes s'élèvent à 359 hommes dont11 officiers, 13 sous-officiers et 334 soldats, pour la plupart prisonniers. Une bonne partie de l'équipement a été perdue : 12 canons, 12 mitrailleuses, 36 fusils mitrailleurs, 475 fusils ZB , 15 pistolets et 104 revolvers.
La retraite se poursuivra vers Mila 23 puis Tulcea.
Les vedettes blindées étaient munies d'une tourelle de char T34 avec un canon de 76mm et de mitrailleuses en coupole
Carte des opérations
Pour la suite nous verrons les causes de cette défaite