Il y a 80 ans, les Etats-Unis s'engageaient contre l'Axe, en Afrique du Nord. Si la volonté américaine était de débarquer en France, à travers la Manche, celle-ci est abandonnée en juin 1942 (deuxième conférence de Washington entre ROOSVELT et CHURCHILL). Les 7 divisions y consacrées par les chefs d’état-major sont jugées inadéquates et le risque est trop grand que cette première opération majeure contre l’Allemagne soit un échec à la portée morale inestimable. A la deuxième conférence de Moscou (août 1942), HARRIMAN (représentant de ROOSVELT), CHURCHILL et STALINE conviennent d’un débarquement en Afrique qui se saisisse de toute l’Afrique du Nord, de l’Atlantique à la Mer Rouge.
Le 14 août 1942, le
Lieutenant-General Dwight D. EISENHOWER est chargé de mener la future campagne. Commandant en chef du théâtre européen (ETO) à Londres depuis juin, le général de 51 ans, protégé de George C. MARSCHALL (chef d'état-major), a déjà commencé à tisser des liens de collaboration étroits avec le commandement britannique, liens qui seront essentiels dans cette future campagne interalliée.
Le rapport écrit par EISENHOWER à l'issue de la campagne d'Afrique du Nord nous servira de fil conducteur au présent fil.
Les considérations stratégiquesEISENHOWER anticipe trois phases :
1. implantation de
têtes-de-ponts à partir des régions d’
Oran,
Alger et
Tunis sur la côte Nord et
Casablanca sur la côte Ouest ;
2. prise du contrôle complet de l’
Afrique du Nord Française et, si nécessaire, du Maroc espagnol ;
3. une
poussée vers le désert libyen pour prendre les forces de l’Axe à revers et les annihiler.
D'emblée, le contexte géopolitique impose de nombreuses inconnues qui pèsent sur la planification des opérations militaires.
l’imprévisibilité des réactions des pays neutres comme l’Espagne, la France de Vichy et les forces françaises d’Afrique du Nord elles-mêmes.
Cette imprévisibilité pèse sur l’estimation des contres-mesures qui pourront être menées contre la
première phase. La menace vitale serait une frappe des Allemands à travers l’Espagne contre la principale base logistique des opérations,
Gibraltar. Dès lors,
la prise de Casablanca est essentielle pour s’assurer une base logistique indépendante de Gibraltar et des forces tenues en réserve pour s’emparer du Maroc espagnol en cas d‘intervention de l’Allemagne.
L’occupation totale de la France par l'AllemagneL'invasion de la zone libre par l'Allemagne pour contrer un débarquement allié dans le Midi et s’assurer des bases sur le littoral méditerranéen est jugée certaine.
La question de la flotte française à Toulon est entière et si l’Allemagne s’en empare, il faudra malheureusement être prêt à intervenir comme en 1940.
Le contrôle du détroit de SicileCelui-ci pèse sur un assaut amphibie contre Tunis et Bizerte. La présence des bases aériennes de l'Axe en Sicile et Sardaigne hypothèque un débarquement en Tunisie.
La capacité des Alliés à s'emparer les premiers de Tunis et Bizerte dépendra de trois facteurs : (1) distance avec l’extrémité orientale de la tête-de-pont, (2) capacité à rassembler une force mobile suffisante pour franchir cette distance et (3) la résistance française.
La question de la réaction française est extrêmement complexe et centraleMers-el-Kébir, Dakar, Syrie et Madagascar ont enflammé l’anglophobie française. L’Amérique échappe à cette phobie. Il est décidé que les opérations de débarquement prendraient ouvertement une nature américaine. Au moins dans les étapes initiales.
L’assaut sera américain et les troupes britanniques ne débarqueront qu’une semaine plus tard, au moins, le temps que le président ROOSVELT puisse négocier avec les Français. Il est à espérer que les Français limitent leur résistance à une action symbolique « pour l’honneur » mais accueillent les Américains comme des libérateurs.
Quelle que soit l’attitude de la France, il est nécessaire de montrer un grand déploiement de force qui incite l’Espagne à rester neutre et la France à ne pas résister.
En conclusion : l’occupation de l’Afrique du Nord, de l’Atlantique à la Mer Rouge nécessite une opération à une échelle telle qu’une fois initiée, elle devra être alimentée par toutes les forces nécessaires. Elle pourrait être l’opération majeure de l’année 1942-43.
Nous verrons ensuite quels sont les moyens disponibles pour EISENHOWER.