L'animateur marine de notre opération 80°anniversaire, j'ai nommé Alain, alias Niala, nous propose le texte suivant d'introduction à l'opération Cerberus, soit le passage des cuirassés allemands dans le Pas de calais. Merci à Alain pour ce texte qui ouvre les débats :
Le 11 février 1942, les cuirassés allemands Scharnhorst et Gneisenau passaient le détroit du Pas de Calais pour rentrer en Allemagne.
Les cuirassés Scharnhorst et Gneisenau après avoir attaqué les convois alliés dans l'Atlantique Nord du 18 janvier au 23 mars 1941 et coulé 22 navires marchands regagnent le port de Brest. Ils sont rejoints le 1er juin 1941 par le croiseur lourd Prinz Eugen qui doit réparer ses moteurs, après l'opération Rheinubung au cours de laquelle a été coulé le croiseur de bataille britannique Hood, le 24 mai 1941, suivi le 27 mai 1941 par la perte du Bismarck. L'opération Barbarossa ouvre un nouveau front. Les convois alliés chargés de livrer du matériel de guerre, relient les îles britanniques aux ports de Mourmansk et Arkhangelsk en longeant les côtes norvégiennes. Les cuirassés allemands seraient donc plus utiles en Norvège pour attaquer ces convois.
Il est donc décidé de rapatrier les grands navires allemands stationnés à Brest. Deux routes sont possibles pour regagner leur base en Allemagne. Soit le détroit du Danemark en contournant les Iles britanniques par le nord, route longue et surveillée par la Home Fleet, soit passer directement par le détroit du Pas de Calais, devant les côtes britanniques, ce qui constitue un pari risqué. C'est pourtant ce trajet qui est retenu par Hitler.
L'organisation de l'opération est confiée à l'amiral Alfred Saalwachter, et l'exécution au Vice amiral Otto Ciliax, commandant le groupement des navires à Brest.
L'opération est préparée par une campagne de dragage des mines, des stations de brouillage de radars sont mises en place, des U-boots sont chargés des observations météo, des destroyers sont envoyés à Brest pour renforcer l'escorte. L'amiral Ciliax est pessimiste sur l'issue de l'opération, mais l'ordre d'Hitler ne souffre pas de contestation. Pour essayer de tromper les éventuels informateurs britanniques sur la destination des navires, des rumeurs de départ vers l'Atlantique Sud sont diffusées et des tenues et casques tropicaux sont embarqués ostensiblement.
Les Britanniques ne disposaient dans la Manche que de six destroyers et trois destroyers d'escorte sous les ordres du Vice amiral Ramsay, insuffisant pour inquiéter les Allemands.
L'endroit le plus dangereux pour les Allemands est le passage devant Douvres-Calais où les navires seront à portée des batteries côtières anglaises. Les Allemands ont quitté Brest de nuit pour éviter d’être repérés, mais cela implique le passage du Pas de Calais au milieu de la journée. La première partie du trajet se passe bien, leur départ n'a pas été signalé et les radars britanniques ne les ont pas détectés. Deux Spifire les ont bien aperçus dans la Manche, mais n'étant pas chargés de leur recherche et ne devant pas lever le silence radio, ils n'ont informé le commandement britannique qu'à leur retour.
Des vieux Fairey Swordfish attaquent les navires allemands, enfin repérés, avec beaucoup de courage et de pertes, mais sans dommages pour les Allemands. Le 12 février, le Bomber Command réagit enfin, mais tardivement, et lance des attaques également sans succès. Pas moins de 675 avions de la RAF décollent pour rechercher et attaquer les navires allemands, toujours aucun résultat. A midi l'escadre allemande passe le cap gris nez, à limite de portée des batteries côtières qui tirent sur les navires qui progressent en zigzag à 30 nœuds. La mauvaise visibilité empêche d'ajuster le tir, aucun navire n'est atteint.
Les six destroyers britanniques de Ramsay attaquent à leur tour sans succès. Le destroyer Worcester est gravement avarié par l'artillerie du Gneisenau et du Prinz Eugen, mais parvient néanmoins à regagner sa base.
Dans la deuxième partie du trajet, le Scharnhorst est endommagé par l'explosion de deux mines au large de Flushing et Ameland, ce qui ne l’empêche pas d'arriver le 13 février à 10 h à Wilhelmshaven. Le Gneisenau et lui aussi touché par une mine devant Terschelling qui fit peu de dommages; le Prinz Eugen le plus chanceux arriva indemne, ayant eu en tout et pour tout, un seul mort survenu lors d'une attaque aérienne britannique. Deux torpilleurs de l'escorte le T13 et le Jaguar ont aussi été légèrement endommagés. Le 13 février, l'amiral Ciliax pouvait télégraphier à l'amiral Saalwachter à Paris, pour l'informer du plein succès de l'opération Cerberus.
Les anglais ont perdu dans l'affaire 42 avions, et un destroyer endommagé, mais surtout subit une blessure d'amour propre dans leur fierté de puissance maritime.
"Dans les situations critiques, quand on parle avec un calibre bien en pogne, personne ne conteste plus. Y'a des statistiques là-dessus." (Jean Gabin) Mélodie en sous sol