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80°La chasse et la destruction du Bismarck


80° Anniversaire de la Seconde Guerre Mondiale
---- ANNÉE 1941 -----

80°La chasse et la destruction du Bismarck

Nouveau message Post Numéro: 1  Nouveau message de Jumbo  Nouveau message 21 Mai 2021, 08:31

Le membre de notre forum, Niala grand spécialiste de la marine, nous a proposé ce texte d'introduction concernant la courte et dramatique carrière du Bismark. Merci à lui.
Donc le débat sur la traque et le destin du Bismarck et plus globalement de la marine de surface hitlérienne est ouvert.

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Le cuirassé Bismarck est un monstre de 35.000 t dont l’armement principal est composé de huit canons de 380 mm disposés en quatre tourelles doubles, deux à l'avant et deux à l'arrière. L'artillerie secondaire comprend douze canons de 150mm ainsi qu’une DCA variée en termes de calibres. Il emporte 4 hydravions de reconnaissance Arado et ses machines de 138 000 cv, lui permettent une vitesse de 29 nœuds.
L'équipage est de 2065 hommes commandés par le commandant Lindemann. Il entre en service le 24 aout 1940 mais il n'est pleinement opérationnel qu'en mars 1941.
Le cuirassé quitte le port de Gotenhafen (Gdynia) le 19 mai 1941 à 2h du matin pour sa première mission dénommée Rheinubung consistant à attaquer les convois alliés en compagnie d’autres navires de même classe. Mais dès le 20 mai ils sont repérés par le croiseur suédois Gotland qui prévient les Britanniques de cette sortie. L'amiral Tovey ordonne l'appareillage du croiseur de bataille HMS Hood et du cuirassé tout neuf HMS Prince of Wales ainsi que six destroyers, le reste de la Home Fleet étant mis en état d'alerte. Le 21 mai le Bismarck et le Prinz Eugen quittent Bergen et se dirigent vers le détroit du Danemark et leurs radars détectent le croiseur lourd britannique HMS Suffolk. A 5h45 le 24 mai les vigies allemandes repèrent de la fumée à l'horizon. Il s'agit des HMS Hood et Prince of Wales commandés par l'amiral Holland. A 26 000 mètres le Hood engage le combat contre le Prinz Eugen qu'il prend pour le Bismarck. Les deux navires allemands répliquent. A la 5éme salve de 380 mm, un obus traverse le pont faiblement blindé du Hood et explose dans la soute à munitions arrière du croiseur de bataille qui sous la déflagration se brise en deux et coule en trois minutes. Le Prince of Wales réussit à atteindre le Bismarck près de la ligne de flottaison. Cela handicape le cuirassé allemand qui embarque beaucoup d'eau par la brèche et perd du mazout. Le Bismarck handicapé tente d'atteindre Saint Nazaire pour réparer.
Suite à cette bataille tous les cuirassés de la Royal Navy se mettent en chasse du Bismarck qui continuait sa route vers la France à 27 nœuds. Alors que les croiseurs lourds britanniques zigzaguent pour éviter les sous-marins, le Bismarck change brusquement de cap pour semer ses poursuivants et il y réussit. N'ayant pas réalisé qu'il avait semé ses poursuivants, Lütjens envoie plusieurs messages radio au quartier-général de la flotte à Paris qui sont interceptés par les Britanniques. Les Anglais envoient une flottille de Catalina basés en Irlande du Nord qui localisent le Bismarck à 1280 km à l'ouest de Brest Il ne restait plus qu'à envoyer l'aviation du porte-avions Ark Royal qui n'était qu'à 110 km du cuirassé allemand. Une des torpilles des Swordfish atteint l'axe de gouvernail bâbord qui, gravement endommagé, resta bloqué avec un angle de 12°. Le Bismarck décrit alors un large cercle qui le ramène vers les navires britanniques : les cuirassés King Georges V et Rodney, les croiseurs Dorsetshire et Norfolk qui avaient enfin le Bismarck à portée de canons. Les quatre navires ont tirés 2800 obus de tous calibres dont 400 ont atteint leur cible. Le Bismarck est évacué par son équipage. Vers 10h 35 le Bismarck chavire et coule par la poupe. Il y aura 114 survivants sur un équipage de 2200 hommes.
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Re: 80°La chasse et la destruction du Bismarck

Nouveau message Post Numéro: 2  Nouveau message de Prosper Vandenbroucke  Nouveau message 21 Mai 2021, 13:01

Un tout grand merci à Alain pour sa contribution.

Les Britanniques furent consternés par la perte du "Hood".
Pour se laver de cet affront ainsi que redonner courage à l'ensemble de son peuple et de ses combattants, le Premier ministre Winston Churchill donne l'ordre "Sink the Bismarck , at all costs!" (coulez le Bismarck, à tout prix !).

Une attaque par des avions torpilleurs biplan Swordfish du porte-avions Victorious a lieu au début de la soirée du 24 mai. Le Bismarck parvint néanmoins à rompre le contact radar mais sans que son équipage ne se rende compte que le retour d'ondes était trop faible pour être capté. Il fut cependant retrouvé notamment grâce à l'incroyable comportement de l'amiral Günther Lütjens (1889-1941) qui, malgré les objections du capitaine, trahit sa position en faisant transmettre un message d'une demi-heure. Le 26 mai, des Swordfish du porte-avions Ark Royal parvinrent à placer une torpille qui endommagea le gouvernail et le régulateur de direction rendant le navire non manœuvrable. Pendant toute la nuit suivante une série d'attaques par des destroyers harcelèrent le géant blessé. Le 27 mai 1941 au matin, suite à de nombreuses avaries et à un sabordage pour éviter qu'il ne tombe entre les mains des Alliés, le Bismarck sombre par près de 4 800 m de fond environ 650 km à l'ouest de Brest.
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Re: 80°La chasse et la destruction du Bismarck

Nouveau message Post Numéro: 3  Nouveau message de NIALA  Nouveau message 21 Mai 2021, 13:24

Voici en images l'épopée de la destruction du Bismarck.
Le 18 mai 1941 le cuirassé Bismarck appareille du port de Gotenhafen pour ce qui sera sa première et aussi sa dernière action de combat.
1 BISMARCK 1941 5 18 appareillage.jpg
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Re: 80°La chasse et la destruction du Bismarck

Nouveau message Post Numéro: 4  Nouveau message de NIALA  Nouveau message 21 Mai 2021, 13:30

Le 21 mai le Bismarck est à Bergen en Norvège, les britanniques sont déjà informés de sa sortie par les suédois.
2 BISMARCK 1941 5 21  bergen fjord.jpg
2 BISMARCK 1941 5 21 bergen fjord.jpg (43.66 Kio) Vu 7580 fois

Le Bismarck dans le fjord de Bergen

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Re: 80°La chasse et la destruction du Bismarck

Nouveau message Post Numéro: 5  Nouveau message de NIALA  Nouveau message 21 Mai 2021, 13:38

Le 22 mai le croiseur de bataille Hood et le cuirassé Prince of Wales quittent la base navale britannique de Scapa Flow pour intercepter le Bismarck qui est accompagné du croiseur lourd Prinz Eugen.

3 HOOD 1941 5 22  départ de scapa flow.jpg
3 HOOD 1941 5 22 départ de scapa flow.jpg (124.12 Kio) Vu 7574 fois

Le départ du croiseur de bataille Hood de Scapa Flow pour ce qui sera sa dernière sortie
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Re: 80°La chasse et la destruction du Bismarck

Nouveau message Post Numéro: 6  Nouveau message de Jumbo  Nouveau message 21 Mai 2021, 13:50

Merci Alain pour ce début de reportage photos ;)
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Re: 80°La chasse et la destruction du Bismarck

Nouveau message Post Numéro: 7  Nouveau message de NIALA  Nouveau message 21 Mai 2021, 14:22

Le 24 mai 1941 La Bataille du détroit du Danemark[

À 5 h 45, les vigies allemandes repérèrent de la fumée à l'horizon ; il s'agissait du Hood et du Prince of Wales commandés par le vice-amiral Lancelot Holland. Lütjens ordonna le branlebas de combat et à 5 h 52 alors que la distance entre les deux groupes était tombée à 26 000 mètres, le Hood ouvrit le feu suivi par le Prince of Wales une minute plus tard Le premier engagea le Prinz Eugen qu'il pensait être le Bismarck étant donné que les premiers rapports des deux croiseurs britanniques indiquaient qu'il se trouvait en tête. Adalbert Schneider, le chef-artilleur du Bismarck demanda à deux reprises l'autorisation de répliquer mais Lütjens hésita à engager deux des plus puissants navires de la Royal Navy sachant qu'il avait l'avantage de la vitesse ; Lindemann intervint et déclara : « je ne vais pas me laisser canonner mon bateau sous mon cul sans rien faire ». Il sollicita à nouveau Lütjens qui accepta finalement de laisser ses navires répliquer.

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4 BISMARCK 1941 5 24 sous le feu des britanniques.jpg (160.12 Kio) Vu 7544 fois


Lors de l'engagement, les navires allemands barraient le T à leurs adversaires ; cela leur permettait d'utiliser toute leur bordée tandis que les Britanniques ne pouvaient utiliser que leurs tourelles avant. Après plusieurs minutes, Holland ordonna à ses navires de virer de 20° sur bâbord afin de pouvoir engager l'ennemi avec les tourelles arrière. Le Bismarck et le Prinz Eugen concentrèrent leurs tirs sur le Hood et à 5 h 56, un obus de 8 pouces (203 mm) de ce dernier toucha un stock de munitions disposées autour des canons antiaériens de 4 pouces du Hood ; cela provoqua un incendie mais il fut rapidement éteint. Après avoir tiré trois salves de quatre canons, Schneider avait ajusté son tir et il ordonna aux huit canons de 380 mm du Bismarck d'ouvrir le feu sur le croiseur de bataille britannique tandis que son artillerie secondaire de 150 mm fut orientée sur le Prince of Wales. Holland fit à nouveau virer ses navires de 20° sur bâbord sur un cap parallèle aux navires allemands. De son côté, Lütjens demanda au Prinz Eugen de tirer sur le Prince of Wales pour que les deux navires britanniques soient ciblés et en quelques minutes, les obus allemands provoquèrent un petit incendie.
À 6 h, le Hood achevait son second virage quand le Bismarck tira sa cinquième bordée. Deux des obus tombèrent à proximité mais au moins un des obus de 380 mm traversa son pont faiblement blindé et explosa dans la soute arrière qui contenait 112 tonnes de cordite. L'énorme explosion qui suivit brisa en deux le croiseur de bataille britannique qui coula en seulement trois minutes ne laissant que trois survivants sur un équipage de 1 419 hommes.

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5 HOOD 1941 5 24.jpg (27.04 Kio) Vu 7544 fois

La dernière photo du Hood avant son explosion


Le Bismarck se tourna alors vers le Prince of Wales. Bien que le cuirassé allemand ait été touché par la sixième salve de ce dernier, l'un de ses obus traversa sans exploser la passerelle britannique ; presque tous ceux qui s'y trouvaient furent tués et le capitaine de vaisseau John Leach fut l'un des rares à survivre. Pilonné par les deux navires allemands, le Prince of Wales avait subi d'importants dégâts et pouvait difficilement riposter car plusieurs de ses canons, dont c'était la première utilisation au combat, fonctionnaient mal. Malgré cela, il parvint à toucher le Bismarck à trois reprises. Le premier obus toucha le gaillard d'avant au-dessus de la ligne de flottaison mais suffisamment bas pour que les vagues inondent la coque. Le second obus explosa au niveau de la cloison anti-torpille sans faire de gros dégâts. Le troisième projectile percuta sans exploser la catapulte.

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6 PRINCE OF WALES 1941 5 24 avarié par son combat en atlantique nord.jpg (63.23 Kio) Vu 7544 fois

Le Prince of Wales avarié après son combat contre le Bismarck

À 6 h 13, le Prince of Wales vira de bord et créa un écran de fumée pour couvrir sa retraite. Alors que ses navires étaient plus rapides et malgré l'insistance de Lindemann, Lütjens respecta scrupuleusement ses ordres qui étaient d'éviter toute confrontation tant qu'un convoi ne serait pas en vue et il refusa de poursuivre le cuirassé britannique. Les deux navires poursuivirent donc leur route dans l'Atlantique nord. Durant l'engagement qui avait duré une vingtaine de minutes, le Bismarck avait tiré 93 obus et en avait reçu trois. Le gaillard d'avant endommagé embarqua entre 1 000 et 2 000 tonnes d'eau dans une soute de combustible (mazout) de la proue. Lütjens refusa de réduire la vitesse pour permettre des réparations, ce qui accrut la quantité d'eau entrante et provoqua une gîte de 9° sur bâbord et de 3° vers l'avant.


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7 BISMARCK 1941 5 24 301_bi10.jpg (175.87 Kio) Vu 7544 fois

Le Bismarck après son combat du 24 mai reprend sa route, il a la proue presque au raz de l'eau suite à l'eau embarquée qui alourdi l'avant endommagé du cuirassé

Alain
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Re: 80°La chasse et la destruction du Bismarck

Nouveau message Post Numéro: 8  Nouveau message de NIALA  Nouveau message 21 Mai 2021, 14:44

La poursuite du Bismarck

11 BISMARCK 1941 Map_Rheinuebung.svg.png
11 BISMARCK 1941 Map_Rheinuebung.svg.png (276.95 Kio) Vu 7538 fois

La carte de la poursuite du Bismarck

Après l'engagement, Lütjens rapporta : « Croiseur de bataille, probablement Hood, coulé. Un autre cuirassé, King George V ou Renown, avarié, viré de bord. Deux croiseurs lourds tiennent le contact ». À 8 h 1 le 24 mai, il transmit le rapport d'avarie à l'OKM et exposa son intention de laisser le Prinz Eugen qui n'avait pas été endommagé poursuivre seul la mission d'attaque de convois, tandis que le Bismarck rejoindrait Saint-Nazaire pour y être réparé. Peu après 10 h, il demanda au Prinz Eugen de passer derrière le cuirassé pour évaluer la gravité de la fuite de combustible provoquée par l'impact sur la proue. Après avoir rapporté la présence de « larges nappes de mazout des deux côtés du sillage », le Prinz Eugen reprit sa position avant. Une heure plus tard, un hydravion britannique Short Sunderland informa le Suffolk et le Norfolk de la présence d'une nappe de mazout. Malgré ses avaries, le Prince of Wales avait rejoint les deux croiseurs mais le contre-amiral Frederic Wake-Walker qui commandait les navires lui demanda de rester légèrement en retrait.
À la suite de la bataille du détroit du Danemark, la Royal Navy ordonna à tous les cuirassés présents dans la région de participer à l'interception de la flottille allemande. La Home Fleet de Tovey était le groupe le plus important mais le matin du 24 mai, elle se trouvait encore à 650 kilomètres des navires allemands. Le cuirassé Rodney qui escortait le paquebot Britannic utilisé comme transport de troupes et devait subir des modifications au Boston Navy Yard rejoignit également Tovey. Par ailleurs, deux vieux cuirassés de la classe Revenge participèrent à la traque : le Revenge venant de Halifax au Canada et le Ramillies qui accompagnait le convoi HX 12770. Au total, six cuirassés et croiseurs de bataille, deux porte-avions, treize croiseurs et 21 destroyers furent mobilisés. Dans le même temps, l'Amirauté ordonna aux croiseurs légers Manchester, Birmingham et Arethusa de surveiller le détroit du Danemark dans l'éventualité où Lütjens déciderait de rebrousser chemin. Vers 17 h, l'équipage du Prince of Wales remit en service neuf des dix canons de son artillerie principale et Wake-Walker décida de le laisser passer en tête de sa formation dans le cas d'une rencontre avec le Bismarck.
Avec le retour du mauvais temps, Lütjens demanda à 16 h 40 au Prinz Eugen d'en profiter pour s'éloigner mais la manœuvre n'échappa pas à Wake-Walker et le navire allemand revint provisoirement aux côtés du Bismarck. À 18 h 14, le Bismarck fit demi-tour pour faire face à ses poursuivants. Le Suffolk s'éloigna rapidement et le Prince of Wales tira douze salves sur le cuirassé allemand qui répondit avec neuf ; aucun obus ne toucha sa cible. L'affrontement détourna l'attention des navires britanniques et permit au Prinz Eugen de s'éloigner. Ce dernier poursuivit vers le sud mais des problèmes de propulsion l'obligèrent à abandonner sa mission le 29 mai ; il arriva à Brest le 1er juin sans avoir coulé aucun navire adverse. De son côté, le Bismarck reprit sa route toujours suivi sur bâbord par la flottille de Wake-Walker.
Même si ses avaries l'avaient obligé à réduire sa vitesse, le Bismarck continuait à naviguer à 27 ou 28 nœuds (52 km/h), soit autant que le King George V de la Home Fleet. À moins de pouvoir ralentir le cuirassé, les Britanniques seraient incapables de l'intercepter avant son arrivée en France. Peu avant 16 h le 25 mai, Tovey détacha le porte-avions Victorious et quatre croiseurs légers afin qu'il puisse lancer ses bombardier-torpilleurs. À 22 h, six chasseurs Fairey Fulmar et neuf torpilleurs Fairey Swordfish décollèrent du pont d'envol. Les pilotes inexpérimentés faillirent attaquer le Norfolk et la confusion permit aux défenses anti-aériennes du Bismarck de se préparer. Aucun des appareils ne fut abattu et le cuirassé fut touché par l'une des neuf torpilles qui le visaient. L'impact au milieu du navire au niveau de la ceinture blindée ne perça pas la coque mais l'onde de choc tua un marin et en blessa cinq autres.
L'explosion endommagea légèrement les équipements électriques, mais des dégâts bien plus importants furent causés par la grande vitesse et les manœuvres violentes destinées à échapper aux torpilles. Les réparations de la voie d'eau à la proue furent affaiblies et l'inondation obligea à l'abandon de la salle des machines no 2 sur bâbord. La perte de deux chaudières, la baisse de la réserve de combustible et l'accroissement de la gîte vers l'avant obligèrent le navire à réduire sa vitesse à 16 nœuds. Après des travaux de colmatage de la brèche avant réalisés par des plongeurs, la vitesse passa à 20 nœuds. Peu après le départ des bombardiers, le Bismarck et le Prince of Wales s'engagèrent dans un bref duel d'artillerie mais aucun des deux ne parvint à mettre au but.
Alors que la poursuite continuait au milieu de l'Atlantique, la formation de Wake-Walker fut contrainte de zigzaguer pour éviter d'éventuels sous-marins allemands présents dans la zone. Cela obligeait les navires à naviguer sur bâbord pendant dix minutes puis sur tribord pendant la même durée pour maintenir le même cap. À 3 h le 25 mai, Lütjens profita du changement de cap du Suffolk pour pousser son navire à sa vitesse maximale, soit à ce moment 28 nœuds, et à virer à l'est puis au nord pour semer ses poursuivants. La manœuvre fonctionna parfaitement et le Bismarck se retrouva à l'arrière de la flottille britannique qui continuait de naviguer vers le sud tandis que le cuirassé allemand se dirigeait vers la France à l'est. Après une demi-heure, le commandant du Suffolk informa Wake-Walker qu'il avait perdu la trace du navire allemand et ce dernier ordonna à ses navires de se disperser pour tenter de le repérer visuellement à l'aube.
Après la perte de contact avec le Bismarck, la Royal Navy lança ses navires dans toutes les directions pour essayer de le retrouver. Le Victorious et son escorte furent envoyés à l'ouest, la flottille de Wake-Walker continua vers le sud et l'ouest tandis que les navires de Tovey naviguaient vers l'Atlantique centre. La Force H composée du porte-avions Ark Royal, du croiseur de bataille Renown et du croiseur léger Sheffield avait quitté sa base de Gibraltar après la bataille du détroit du Danemark mais elle se trouvait encore à au moins une journée de navigation de la zone. N'ayant pas réalisé qu'il avait semé ses poursuivants, Lütjens envoya plusieurs messages radio au quartier-général de la flotte à Paris et ces derniers furent interceptés par les Britanniques. La détermination de la localisation de l'émetteur réalisée à bord du King George V fut cependant incorrecte et elle poussa Tovey à croire que le Bismarck avait fait demi-tour et tentait de rejoindre l'Allemagne par le détroit entre l'Islande et les îles Féroé. Lorsque l'erreur fut découverte sept heures plus tard, le cuirassé allemand s'était considérablement éloigné.
Les casseurs de code britanniques parvinrent cependant à décrypter des communications dont une demande de couverture aérienne pour le Bismarck jusqu'à Brest tandis que la résistance française confirma que des appareils allemands se redéployaient dans la zone. Tovey ordonna donc à ses forces de converger au large de la Bretagne sur la route que devrait emprunter le cuirassé allemand. Un escadron de Consolidated PBY Catalinas basé en Irlande du Nord fut envoyé en patrouille et le 26 mai à 10 h 30, l'un des appareils localisa le Bismarck à 1 280 kilomètres à l'ouest de Brest. Étant donné sa vitesse, le cuirassé rejoindrait la protection des avions et des sous-marins allemands en moins d'une journée et aucun des navires britanniques n'était en mesure de le rattraper.
La situation de la Royal Navy était en effet délicate car le Victorious, le Prince of Wales, le Suffolk et le Repulse avaient été obligés de cesser la poursuite en raison du manque de combustible tandis que le King George V et le Rodney étaient trop éloignés. La seule possibilité était l'aviation embarquée du porte-avions Ark Royal commandé par l'amiral James Somerville. Ses appareils participaient aux recherches quand le Bismarck fut localisé à 110 kilomètres du porte-avions et Sommerville ordonna immédiatement que les Swordfish soient équipés de torpilles pour une attaque immédiate. Il demanda également au croiseur Sheffield de suivre le Bismarck mais les aviateurs n'en furent pas informés. Le résultat fut que les appareils attaquèrent le croiseur britannique, mais leurs torpilles équipées d'un nouveau détonateur magnétique explosèrent lors de l'impact avec l'eau et le Sheffield en réchappa indemne.
Après le retour des Swordfish, une seconde vague de quinze appareils, équipés de torpilles à détonateurs à contact plus fiables, fut lancée à 19 h 10 et l'attaque commença à 20 h 47. Durant l'approche des appareils britanniques, le Bismarck ouvrit le feu sur le Sheffield qui s'éloigna rapidement sous la protection d'un écran de fumée. Dissimulés par la couverture nuageuse, les Swordfish surprirent le cuirassé allemand qui vira brusquement. Une torpille l'atteignit sous la ceinture blindée sur bâbord au milieu du navire. Les effets de l'explosion furent contenus par le blindage, mais elle causa quelques dégâts structurels et une légère voie d'eau. Une seconde torpille frappa le côté bâbord de la poupe du Bismarck. L'axe du gouvernail bâbord fut gravement endommagé et bloqué à un angle de 12° tandis que l'explosion causa d'importants dommages. Les tentatives de réparation échouèrent et Lütjens rejeta l'idée de débloquer la barre à l'aide d'explosifs car cela risquait d'endommager les hélices.

8 ARK ROYAL 1939 survolé par ses swordfish.jpg
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Le porte avions Ark Royal et ses Swordfish qui permirent de rattraper le Bismarck
Cordialement

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Re: 80°La chasse et la destruction du Bismarck

Nouveau message Post Numéro: 9  Nouveau message de NIALA  Nouveau message 21 Mai 2021, 15:08

La fin du Bismarck


Le gouvernail bâbord étant bloqué, le Bismarck décrivit un large cercle qui l'éloigna de Brest et le rapprocha de la flottille de Tovey. Même si le manque de combustible avait réduit le nombre de navires disponibles, les Britanniques disposaient encore des cuirassés King George V et Rodney et des croiseurs Dorsetshire et Norfolk. À 21 h 40 le 26 mai, Lütjens rapporta à son état-major : « Navire incontrôlable. Nous combattrons jusqu'au dernier obus. Longue vie au Führer ». Le moral de l'équipage, au plus haut après la destruction du Hood, s'effondra et les messages du quartier général, destinés à encourager les marins, ne firent que souligner la situation désespérée du cuirassé. Alors que la nuit tombait, le Bismarck tira brièvement sur le Sheffield qui s'éloigna rapidement, et dans l'obscurité le commandant Philip Vian perdit de vue le navire allemand. Accompagné de cinq destroyers, il reçut l'ordre de maintenir le contact avec le Bismarck durant la nuit.
La flottille retrouva le Bismarck à 22 h 38 et ce dernier lui tira immédiatement dessus avec son artillerie principale. Tout au long de la nuit et jusqu'à l'aube, les destroyers de Vian harcelèrent le cuirassé allemand avec des fusées éclairantes et des dizaines de torpilles mais aucune ne toucha sa cible. Entre 5 et 6 h, l'équipage allemand tenta de lancer l'un des hydravions Arado Ar 196 afin d'emmener le livre de bord, des images de la bataille avec le Hood et d'autres documents importants. Le troisième obus du Prince of Wales avait cependant endommagé la catapulte et tout lancement était impossible ; l'appareil risquant de prendre feu durant l'affrontement à venir, il fut jeté à la mer.
À l'aube du 27 mai, le King George V accompagné sur bâbord par le Rodney lancèrent leur attaque. Tovey avait l'intention d'avancer directement sur le Bismarck avant de virer au sud à 15 kilomètres de la cible pour progresser parallèlement au navire allemand. À 8 h 43, les vigies du King George V repérèrent le Bismarck à environ 23 000 mètres. Quatre minutes plus tard, le Rodney ouvrit le feu avec ses deux tourelles triples avant de 16 pouces (406 mm), le plus gros calibre en vigueur dans la Royal Navy, et il fut imité par le King George V et ses six canons de 14 pouces (356 mm) quatre minutes plus tard. Le Bismarck répliqua à 8 h 50 avec ses canons avant et dès la seconde salve, il ajusta le Rodney.


10  BISMARCK 1941 5 27 sous le feu du RODNEY vu du KING GEORGES V.png
10 BISMARCK 1941 5 27 sous le feu du RODNEY vu du KING GEORGES V.png (277.42 Kio) Vu 7522 fois

Le Bismarck est à gauche à l'horizon, le Rodney à droite

Alors que les navires se rapprochaient, leurs artilleries secondaires entrèrent en action tandis que le Norfolk et le Dorsetshire commencèrent à utiliser leurs canons de 8 pouces (203 mm). À 9 h 2, un obus de 16 pouces du Rodney pulvérisa la superstructure avant du Bismarck tuant des centaines de marins et endommageant gravement les tourelles avant. Selon les survivants, le tir tua probablement Lindemann, Lütjens et le reste du commandement. Bien qu'atteintes, les tourelles avant tirèrent une dernière salve à 9 h 27 et l'un des obus tomba à quelques mètres de la proue du Rodney, et mit hors service le tube lance-torpilles tribord du cuirassé britannique ; ce fut le meilleur tir des artilleurs allemands durant l'affrontement. Les tourelles arrière tirèrent trois autres salves avant qu'un obus ne détruise le système de télémétrie. Les canons reçurent l'ordre de tirer indépendamment mais à 9 h 31, les quatre tourelles principales avaient été mises hors service.
À 10 h, les deux cuirassés de Tovey avaient tiré plus de 700 obus avec leur artillerie principale. Le Bismarck n'était alors plus qu'une épave en feu avec une gîte de 20° sur bâbord et la poupe presque submergée. Le Rodney s'approcha à seulement 2 700 mètres, soit à bout portant pour des canons de 16 pouces, et continua à tirer. Tovey ne pouvait en effet pas cesser le combat avant que les Allemands n'abaissent leurs couleurs ou commencent à abandonner le navire. Le cuirassé britannique tira deux torpilles depuis son tube bâbord et l'une d'elles toucha sa cible. Selon le journaliste Ludovic Kennedy, « il s'agit de la seule fois au cours de l'histoire où un cuirassé en a torpillé un autre ».
Alors que la bataille tournait en défaveur du cuirassé allemand, le commandant en second, Hans Oels, ordonna aux hommes se trouvant dans les ponts inférieurs d'abandonner le navire ; il demanda également aux mécaniciens machinistes d'ouvrir les portes des compartiments étanches et de préparer les charges de démolition. Le chef machine, Gerhard Junack, amorça les charges avec une mèche de neuf minutes et il entendit les explosions alors qu'il remontait. Courant en long et en large pour ordonner l'abandon du navire, Oels et une centaine de marins furent tués par une explosion sur le pont principal.
Les quatre navires britanniques avaient tiré plus de 2 800 obus de tout calibre sur le Bismarck, dont 400 au but, mais le cuirassé allemand restait à flot. Vers 10 h 20, Tovey, dont la flottille était presque à court de combustible, décida d'en finir et il demanda au Dorsetshire de torpiller le Bismarck tandis que les cuirassés étaient renvoyés au port. Le croiseur tira deux torpilles sur tribord, dont l'une toucha au but, puis se positionna sur bâbord et lança une troisième torpille qui percuta également le cuirassé. Au moment de ces attaques, le navire gîtait tellement qu'une partie du pont était submergé ; il est ainsi possible que la dernière torpille ait explosé sur la superstructure bâbord du Bismarck qui était déjà sous l'eau. Vers 10 h 35, le navire chavira et coula par la poupe avant de disparaître cinq minutes plus tard. Certains survivants rapportèrent avoir vu Lindemann au garde à vous alors que son vaisseau sombrait. Junack, qui avait abandonné le navire avant son chavirage, ne vit aucun dégât sous la ligne de flottaison du côté tribord. Le lieutenant de vaisseau Von Müllenheim-Rechberg, adjoint en quatrième du service artillerie, nota la même chose, mais supposa que le flanc bâbord, déjà submergé, était bien plus endommagé.

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11 BISMARCK 1941 5 27 survivants receuillis par le DORSETSHIRE.jpg (285.36 Kio) Vu 7522 fois

Les survivants du Bismarck recueillis par le croiseur lourd Dorsetshire


Environ 400 marins étaient naufragés et ils furent secourus par le Dorsetshire et le destroyer Maori qui les hissèrent à bord avec des cordes. À 11 h 40, des vigies du Dorsetshire repérèrent ce qui semblait être un sous-marin et le commandant ordonna l'arrêt des opérations de secours. Ayant recueilli respectivement 85 et 25 hommes, le Dorsetshire et le Maori quittèrent les lieux. Quelques heures plus tard, le sous-marin U-74 et le navire météorologique Sachsenwald récupérèrent respectivement trois survivants et deux survivants supplémentaires, dans deux radeaux (Herzog, Höntzsch, et Manthey dans le premier ; Lorenzen et Maus dans le second). L'un des marins secourus par les Britanniques succomba à ses blessures le lendemain ; finalement, il n'y eut que 114 survivants sur un équipage de plus de 2 200 hommes.

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12 PRINZ EUGEN 1941 6 1 arrive à brest bateau (2).jpg (80.11 Kio) Vu 7522 fois

Le Prinz Eugen qui est passé au travers des mailles du filet arrive à Brest le 1er juin 1941; il ne rentrera en Allemagne qu'en février 1942 lors de l'opération Cerberus, mais c'est une autre histoire.
Cordialement

Alain

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Re: 80°La chasse et la destruction du Bismarck

Nouveau message Post Numéro: 10  Nouveau message de coyote  Nouveau message 21 Mai 2021, 15:21

Merci Alain, ce récit est tout à fait passionnant ! ::chapeau - salut::
Bernard

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