En juin 1940, le gouvernement français replié sur Bordeaux devant l’avance foudroyante de la Wehrmacht se retrouve devant un choix difficile : Soit « arrêter les frais », donc capituler ou demander un armistice, soit partir vers l’AFN avec ce qui pourra être sauvé de l’Armée et des Institutions. Les tendances s’affrontent, les « pacifistes » l’emporteront sur les « bellicistes » mais entre temps le piège du Massilia s’est refermé sur certains « bellicistes ».
En effet, le 19 juin 1940, le gouvernement français décide apparemment de partir en Afrique du Nord pour se soustraire à l’avance allemande. Les parlementaires reçoivent l’ordre de gagner le port du Verdon en aval de Bordeaux où un paquebot, le Massilia, est mis à leur disposition. C’est l’amiral Darlan, ministre de la Marine, qui signe la note officielle le 20 juin. Le navire leva l'ancre le 21 juin, soit quatre jours après la formation du Gouvernement Pétain et la veille de la signature de l'armistice. Vingt-sept parlementaires seulement, vingt-six députés et un sénateur, sont à bord, dont Édouard Daladier, Georges Mandel, Pierre Mendès France et Jean Zay. Le départ a été organisé par Édouard Barthe, questeur de la Chambre, au moment même ou Pétain et Weygand négociaient l'armistice.
Dans le même temps, Raphaël Alibert s'arrangeait pour maintenir sur place le Président de la République, Albert Lebrun, en prétendant (mensongèrement) que les Allemands n'avaient pas franchi la Loire et en apposant le cachet du Maréchal sur un ordre adressé aux ministres les enjoignant rester à leurs domiciles en l'attente de nouvelles instructions. Un mensonge et un faux, de la part de celui qui deviendrait le premier juriste du régime de Vichy.
Le Massilia arriva à Casablanca le 24 juin, donc après la signature de l’armistice franco-allemand et la veille de celle avec l’Italie. Les parlementaires n'avaient pas eu leur mot à dire dans la décision de capituler, un éloignement dont l’opportunité est rarement mise en relief. A Bordeaux, le Haut-commissaire à la Propagande du gouvernement Pétain, Jean Prouvost, achevait de déconsidérer les passagers : «En fuyant les responsabilités qu'ils ont contractées vis-à-vis de la nation, ils se sont retranchés de la communauté française ». Les parlementaires furent bloqués sur place, le ministre de l'Intérieur de Pétain, Adrien Marquet, ayant ordonné qu'aucun parlementaire ne puisse quitter l'Afrique du Nord. Il fallait éviter de voir surgir, dans les débats parlementaires qui devaient aboutir le 10 juillet au vote des pleins pouvoirs à Pétain, des opposants trop gênants, surtout ces ténors parlementaires qui auraient pu rendre un peu de courage républicain à leurs collègues effondrés.
Extrait d’un article écrit par feu Daniel Laurent et publié sur le forum Passion-Histoire:
http://passion-histoire.net/viewtopic.php?f=49&t=31193