Bonjour,
J'ai redécouvert ce post consacré à la valeur de l'U.S. Army. Mon prochain ouvrage traitera des forces armées américaines, mais pas que... Sa sortie est prévue pour le premier trimestre 2024
Je suis d'accord avec Benoît quant au point du vue malheureusement biaisé de l'équipe de Jean Lopez au sujet de l'armée américaine.
La plupart des critiques émises valent pour l'U.S. Army mais aussi pour les autres armées. Oui, la doctrine de l'U.S. Army s'est construite sur l'analyse des campagnes de Pologne et de France, mais c'est aussi le cas pour les autres armées belligérantes.
Les analystes de l'U.S. Army vont donc modifier leur doctrine en fonction des retours d'expérience, puis les diffuser à tous les échelons. Les doctrines évoluent très vite en temps de guerre avec l'apparition de nouveaux matériels. C'est au contact de l'adversaire qu'on apprend le plus vite. On se rend souvent compte que la doctrine qu'on met en oeuvre est perfectible voire totalement inadéquate. Le conflit en Ukraine actuel le démontre très bien.
En qui concerne l'entraînement et l'encadrement, c'est la même chose. Aucun entraînement théorique ne prépare totalement les hommes à affronter l'horreur de la guerre. Le rapport à l'autorité au sein de l'armée américaine semble moins coercitif. Cela a du bon et du moins bon. La fidélité du soldat à son supérieur est basé sur le respect et la confiance comme dans toutes les armées. L'entrainement dispensé aux États-Unis était trop tendre au début, mais il s'est progressivement amélioré et durci. Le système de remplacement n'était quant à lui pas bien pensé. L'encadrement manquait d'expérience certes, mais cela va progressivement s'améliorer après la Tunisie et la Sicile en tout cas pour les unités engagés sur le front méditerranéen. Pour celles de l'ETO, on les entraîne au mieux, mais là aussi, c'est une fois sur le front qu'elles vont apprendre, idem pour les unités se trouvant dans le Pacifique. Les troupes qui arrivent en Normandie en juin-juillet, doivent normalement une mise à niveau pour les préparer à combattre dans le bocage.
En ce qui concerne le principe du Safety First, il ne faut pas exagérer le trait. Les troupes américaines ont livré des batailles très meurtrières (Tarawa, Peleliu, Hürtgen, Okinawa, Iwo Jima). Les meilleurs moyens pour réduire les pertes sont l'excellence du service de santé qui permet de sauver un maximum de vie et le combat interarmes qui permet de préserver l'infanterie en faisant intervenir les chars, l'artillerie ou encore l'aviation. Eugen Sledge l'évoque très bien dans son livre "Frères d'armes".
N'oublions pas que les forces terrestres américaines livrent leur premiers combats dans les Salomons à partir d'août 1942; les Japonais ont commencé en 1937 en Chine, les Allemands en 1939 et les Soviétiques en juin 1941. Les pertes sont donc forcément moindres.
Autre facteur important, les Américains ne se battent pas pour la sauvegarde ou la survie de leur territoire, du moins pas directement. Les autorités politico-militaires sont donc particulièrement attentives aux pertes, car l'opinion publique américaine ne supporterait pas des pertes trop importantes. La publication des photos prises à Tarawa ont eu l'effet d'un véritable tsunami médiatique.
L'U.S. Army, entièrement mécanisée, est taillée pour la guerre de mouvement. Elle a essuyé les plâtres en Tunisie. En Italie, la topographie du pays et les lignes de défense allemandes établies en profondeur ont posé d'énormes problèmes aux Alliés. Qui plus est, il devient secondaire.
Après, les armées ne mènent pas les opérations de la même manière sur le front d'Europe occidentale qu'en Biélorussie ou en Ukraine qui, lors de l'opération Bagration, ont permis aux Soviétiques de faire parler leur puissance de feu et leur qualités manoeuvrières de manière à faire exploser le front en de multiples endroits. Rien de tel à l'Ouest, ou une armée aussi puissante que l'U.S. Army est prise dans un véritable entonnoir en Normandie. En outre, contrairement à l'armée soviétique, les armées anglo-saxonnes ont une mer à traverser avant de pouvoir être engagé. Ce n'est pas un hasard, s'il faut attendre le mois de juillet pour que l'armée américaine passe à la vitesse supérieure dans le Cotentin. C'est à ce moment qu'elle dispose des réserves suffisantes pour percer et exploiter en profondeur ce succès. Les 1st et 3rd foncent à tombeau ouvert vers l'Est de la France, reproduisant ce qu'elles ont appris à faire pendant les grandes manoeuvres réalisées en Louisiane entre 1940 et 1944.
La logistique est le nerf de la guerre moderne et sur ce point, aucune armée n'est supérieure à celles des Etats-Unis qui se bat sur plusieurs fronts en même temps, sur terre, sur mer et dans les airs. Et n'oublions pas qu'il a fallu à peine deux ans à l'armée américaine pour atteindre le faîte de sa puissance.
Christophe