Un des premiers cours du service complémentaire féminin mis sur pied dès février 1940. Après une formation militaire, mais sans armes, les femmes mobilisées sont affectées à diverses tâches auxiliaires de l’armée.
La femme-soldat, qui émerge en Suisse au début de la Deuxième Guerre mondiale entre dans un rapport de très grande ambiguïté avec l’image consacrée de la femme, qu’elle soit bourgeoise ou paysanne. Son apparence comme ses activités lui confèrent une allure moderne, alors que le port de l’uniforme l’investira du poids de la tradition militaire helvétique. Sans que l’époque en ait vraiment pris conscience, cette figure résumait les aspirations du fort courant antidémocratique dont le souffle a traversé le pays durant tout l’entre-deux-guerres, soit la modernité dans le respect de l’ordre, des hiérarchies sociales et de la tradition. Certes, l’adéquation entre ces composantes à l’œuvre fut peu reconnue par ceux-là mêmes qui auraient pu s’en servir. Car la misogynie ambiante, latente dans la société civile, mais exaltée chez les militaires, en avait masqué les possibilités. Il était notamment difficile d’accepter, après avoir tant dit et redit que les femmes ne possédaient qu’une pensée fragmentaire et se montraient incapables de comprendre les relations de cause à effet, de les voir participer à la défense de la patrie. Si ce n’est en pansant les plaies, en lessivant, en raccommodant ou en tricotant des chaussettes militaires.
Dans un contexte où même le sommet de la hiérarchie militaire propose une vision aussi péjorée des femmes, il n’est pas étonnant que celles qui entreront dans le Service complémentaire féminin (SCF) se heurteront à une méfiance certaine et à une impréparation spectaculaire quant à leurs fonctions. On avait lancé un large appel aux femmes, mais le moment venu, on ne sait plus ‘’trop quoi en faire’’ Face au cafouillage et à un commandement de l’armée s’opposant à toute émancipation des femmes au militaire comme au civil, dès 1942, le nombre de volontaires diminue. Et des conflits éclatent entre la responsable du SCF et le chef de l’état-major général.
Quoi qu’il en soit et en dépit de leur contenu positif ou de leur ton enjoué, les témoignages des mobilisées (communément appelées les SCF) attestent d’une véritable pagaille. Les photographies prisent durant les premiers cours d’introduction au service militaire montrent plutôt une cohorte de mamies en tabliers-blouses informes et chaussées de manière fantaisiste que des soldates investies d’une mission à l’égale de leurs compatriotes masculins.
En sus de l’apprentissage de la discipline et de l’esprit de corps, premier et principal objectif des militaires, on exige des SCF un comportement physique et moral irréprochable. Très vite, le rouge à lèvres, la poudre ou les boucles de cheveux trop longues font l’objet de rapports, puis d’interdictions. Et ce sont les intéressées elles- mêmes qui en assureront le contrôle et la répression. Malheur à celle qui, même en route pour une permission, se balance sur un quai de gare avec une jupe trop courte ou un visage trop séduisant. L’honneur et la crédibilité de l’armée tout entière semblaient à ce prix.
Quant aux domaines qui seront affectés aux soldates, on en compte six et qui seront : le service d’observation et de communication dans l’aviation ; le service sanitaire ; l’administration ; les communications ; l’équipement, l’habillement et la cuisine pour la troupe ; l’assistance sociale.
Source : https://www.cairn.info/journal-materiau ... age-49.htm