Un indice montre que Servent, qui n'est pas bête et comprend fort bien certains traits du Troisième Reich, est prisonnier de la version traditionnelle et de la caution donnée à son ouvrage par un François Kersaudy, au point de sombrer dans l'illogisme.
Il reprend l'idée, martelée tant et plus depuis 1945, que si Hess avait juré à Hitler de cacher qu'il l'avait envoyé, il était automatiquement délié de son serment par la mort du partenaire et aurait eu tout intérêt à cracher le morceau. Ainsi, p. 394, quand Servent résume les confessions faites par Hess au geôlier américain Bird : "Sur la question de la connaissance de son plan par le Führer, on voit mal pourquoi le vieil homme occulterait la vérité trente ans après les faits ". Mais il se contredit somptueusement dès la page suivante
sur la question de savoir s'il avait connaissance de Barbarossa avant de décoller. La question n'est pas de détail. S'il part vers l'Ecosse sans savoir que Barbarossa va être déclenchée, sa thèse du "messager de la paix" tient à peu près ; s'il sait que sa mission de la dernière chance se situe quelques semaines avant l'invasion de la Russie soviétique, Hess cherche ouvertement à favoriser une future " guerre d'anéantissement".
M'enfin, Pierre, c'est la même chose, la même question !
Une fois qu'il a menti, Hess est prisonnier de son mensonge... tout autant que des barreaux de Londres, Nuremberg et Spandau. Dire que Hitler l'a envoyé, ce serait non seulement avouer que "l'apôtre de la paix" n'était qu'un vulgaire pourvoyeur, pour un conquérant mâtiné de Gengis Khan et d'Attila, d'une plus grande liberté de manoeuvre,
mais révéler toute la ruse nazie, en forme de balais d'essuie-glace : la guerre d'agression est bel et bien dans l'ADN du régime mais, vu la position de faiblesse de l'Allemagne en 1933, il a bien fallu se fiancer à l'Angleterre sans conclure tout en menaçant Moscou, puis pactiser avec Moscou, puis écraser la France, puis consommer le mariage avec l'Angleterre, avant de se lancer dans la conquête de "l'espace vital".
Il aurait fallu avouer qu'on n'avait cessé de tricher... et Pierre Servent ne voit pas l'intérêt de ne pas le faire ? Vraiment ???