Prosper Vandenbroucke a écrit:Bonsoir Pierma,
Il ne faut quand même pas oublier que le 11 décembre 1941, AH s’attaque à la plus grande puissance industrielle du monde et qu’il y a un fameux déséquilibre entre la puissance américaine et la puissance allemande, même si en tout début de guerre la puissance américaine ne représente rien ou presque rien aux yeux de AH et que le peuple américain ne voulait pas la guerre.
Bien amicalement et bonne fin de soirée
Prosper
Pour être plus clair sur cette problématique, et en attendant l'éclairage de Dog Red, je voudrais préciser de façon synthétique les facteurs déterminants :
- Le principal : jusqu'au 7 décembre 41, Roosevelt avance avec des chaines aux pieds.
Cela se traduit par un retard, que j'évalue à un an, dans le démarrage des fabrications d'armements (malgré un potentiel colossal, mais encore faut-il l'activer) et bien évidemment dans la formation des troupes. (Qui a déjà commencé sérieusement à cette date, mais ce n'est pas la conscription générale, loin de là.) Conséquence : à la date du 7 décembre 41, les moyens sont limités et les chefs d'état-major vont devoir faire des choix.
- la mauvaise surprise :
Elle provient évidemment de l'extraordinaire démonstration de force des Japonais dans le Pacifique, où les occidentaux n'auraient jamais imaginé se trouver dans une situation aussi limite, qui les contraint à défendre leurs dernières positions : les Indes pour les Anglais et l'Australie pour les Américains, en simplifiant. Elle ne concerne pour moi que l'année 42, parce que la Navy, avec une détermination impressionnante, va engager dans le Pacifique la quasi-totalité de ses moyens - moyens navals mais aussi une part importante des troupes disponibles, que ce soit l'armée ou les Marines - et le problème sera conjuré au début 43.
- Les USA prennent un an de retard sur le théâtre européen.
C'est une conséquence du retard dans la mobilisation des moyens jusque-là ("les chaines aux pieds") ainsi que du point précédent : si les chefs d'état-major devaient faire des choix, ce sont les Japonais qui les imposent. Les moyens américains disponibles au 7 décembre 41 vont devoir être utilisés dans le Pacifique d'abord.
- A partir du début 43, la priorité va forcément au théâtre européen :
C'est avant tout un effet de la situation dans le Pacifique, qui bascule : les USA entament la reconquête, avec la stratégie des "sauts de puce", obligatoire, mais dont j'ai dit qu'elle va imposer un rythme lent, une ile stratégique après l'autre. Pour cela, les moyens sont déjà en place.
Donc automatiquement, à partir de ce moment les résultats de la mobilisation industrielle vont d'abord au théâtre européen. (La décision "Germany first" devient non seulement enfin applicable, mais c'est de toute façon un choix contraint : dans le Pacifique, quoi qu'on fasse, il n'y a pas moyen d'aller plus vite.)
- L'année de retard prise sur le théâtre européen ne sera jamais rattrapée :
C'est un bien triste constat, c'est un crève-coeur pour les chefs d'état-major américains, qui auraient tant voulu débarquer en France en 43, mais ils n'en auront pas les moyens et la possibilité en temps voulu.
Tout ce qui est possible en 42, c'est le débarquement en AFN - presque un an après la déclaration de guerre - suivi par la campagne de Tunisie, qu'on n'a pas pu prendre tout de suite faute de moyens.
En 43 on va donc se battre en Tunisie, puis en Sicile, puis en Italie (bref, sur la Lune !) parce que la France n'est pas à portée de moyens encore insuffisants : c'est un trop gros morceau.
Ne crachons pas dans la soupe, c'est tout de même l'ouverture du second front tant attendue par Staline, mais enfin celui-ci va demander "Pourquoi pas la France ?" et il faudra lui expliquer que malgré un engagement qui prend des proportions colossales, il est encore trop tôt. (Il espérait mieux, et toute l'Europe occupée avec lui : qu'on pense à Anne Franck, dans son grenier, dont le père fait des pronostics optimistes qui seront déçus.)
- La décision d'Hitler est sans importance :
Tous ces facteurs ayant déterminé les engagements possibles, dans les faits, la déclaration de guerre de Hitler est sans importance. En somme, "chaines aux pieds" puis surprise japonaise, on n'aurait pas eu de toute façon la possibilité de s'occuper de lui plus tôt.
Là je fais l'hypothèse que de toute façon Roosevelt lui aurait déclaré la guerre assez tôt pour débarquer en AFN. ça me parait réaliste : le Congrès a déclaré l'état de guerre - sans préciser contre qui, Roosevelt a eu cette habileté - et Roosevelt peut invoquer en 1942 des dizaines de raisons (dont la première, très réelle, est la crainte d'un effondrement soviétique) pour mener au canon une Amérique qui de toute façon part en guerre et va mobiliser 9 millions d'hommes.
J'admets que dire "la décision d'Hitler est sans importance" peut paraître abrupt - il y a d'autres considérations, comme l'effet psychologique, la guerre aérienne contre l'Allemagne, ou encore la situation dans l'Atlantique, etc... - mais si on considère l'ensemble de la guerre, elle n'en a modifié ni le déroulement ni le timing.
Enfin, c'est mon point de vue. J'attends avec impatience l'analyse promise par Dog Red, après ce complément de ma part.
Voyons où il va employer le stylo rouge !