Post Numéro: 16 de pierma 15 Sep 2019, 09:52
Je ne vois pas pourquoi l'imprécision des bombardements alliés devrait être un sujet tabou.
Lorsqu'il s'agissait des villes allemandes c'était sans importance, puisque les civils étaient la cible désignée.
Mais que les Nantais voient le port intact et la ville dévastée, avec 1500 morts à la clé, peut expliquer (entre autres exemples) que ces bombardements aient beaucoup fait pour la propagande de Vichy.
Hubert de Lagarde, dont j'ai parlé, chef du réseau Eleuthère, avait développé un sous-réseau spécialisé, qui comprenait des aviateurs, pour aider les alliés à améliorer le rendement des bombardements sur la France.
En particulier, avec l'aide de résistants cheminots (à différents niveaux de la hiérarchie) il pilotait l'offensive destinée à paralyser les transports allemands : le but du jeu était d'indiquer quelles gares étaient les plus "intéressantes" à bombarder, pour empêcher les Allemands de mettre en place des itinéraires de délestage, ou pour bloquer ceux-ci.
Pour chaque objectif, il indiquait la position des emplacements de flak et proposait une direction d'attaque préférentielle. Après chaque bombardement il transmettait une évaluation des dégâts, et indiquait s'il serait nécessaire ou pas d'y revenir.
Ce sont donc des résistants français qui risquent leur vie pour reconnaître les objectifs, évaluer les résultats, proposer les cibles suivantes, et transmettre tout cela (rapidement) à Londres. Leur rôle permet de rendre les bombardements stratégiques plus pertinents, d'en améliorer les conditions, et, last but not least, d'économiser les pertes alliées.
Hubert de Lagarde considère que ces bombardements sont nécessaires, et ne s'autorise pas à critiquer les pertes civiles. Simplement, parce qu'il faut que ce soit dit, chaque bulletin d'évaluation d'un bombardement est suivi de la mention "On déplore..." avec l'indication des pertes civiles.
Lorsque devant la répétition de massacres de civils sans aucun résultat militaire il finit par péter un câble, et envoie à Londres le rapport dont j'ai parlé, en ajoutant qu'il met la section "Air" de son réseau en grève (on est en avril 44) parce que les alliés n'ont pas besoin de son réseau si c'est pour "saloper" ainsi le travail, je me permets d'affirmer que c'est un combattant qui parle, et qu'il mesure à son juste prix l'importance des bombardements alliés pour la liberté future de la France. Qu'on ne lui fasse pas (et qu'on ne me fasse pas) ce procès là. Arrêté fin juin 44, il mourra à Dora.
A l'annonce du débarquement, il a réactivé immédiatement son réseau. Le combat final est engagé, il est vital, il n'est plus temps de compter les pertes civiles. Il a même essayé de l'améliorer sur les bombardements tactiques, typiquement sur les mouvements des unités allemandes.
Est-il permis de rappeler ces faits, qui relèvent de l'histoire, sans se voir taxer d'adversaire de la liberté de la France, où alors faut-il respecter un tabou, s'interdire de tout commentaire sur ce sujet, et brûler de l'encens devant la statue de "Bomber" Harris ? (Chose que les Anglais, effarés devant l'état où ils avaient mis les villes allemandes, n'ont pas faite.)