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Re: LE HALTBEFEHL (suite)

Nouveau messagePosté: 22 Aoû 2019, 01:47
de Soxton
brehon a écrit:
Le 24 mai à l'aube, l'armée allemande « se trouve à la veille de ce qui aurait constitué la plus grande victoire militaire de tous les temps, détruisant ou capturant la 1ère armée française et le corps expéditionnaire britannique. »


Il me semble qu'il a été expliqué en long, en large et en travers qu'Hitler, à ce moment-là, espérait encore faire la paix avec la Grande-Bretagne. Et que pour cela, dans son esprit, lui infliger la "plus grande victoire militaire de tous les temps" en capturant le BEF n'était pas le meilleur des moyens pour arriver à ses fins.


Pendant l'année 2017, j'ai exprimé mon désaccord avec la thèse diplomatique.
Par ailleurs, la thèse que François Delpla a développée sur ce forum (ainsi que dans ses ouvrages) n'est pas la perspective d'une paix avec la Grande-Bretagne uniquement. Il s'agit d'une paix immédiate – vraissemblablement avant la fin du mois de mai 1940 – avec la GB et la France.

Re: LE HALTBEFEHL (suite)

Nouveau messagePosté: 22 Aoû 2019, 04:55
de François Delpla
Tu mélanges deux plans :

- l'objectif profond et viscéral du nazisme : détruire (ou réduire drastiquement) la puissance française et se marier avec l'anglaise;

-l'urgence conjoncturelle : stopper cette guerre que tout le monde croit bien engagée pour lui,
mais que ce calculateur soupçonneux sait être un piège mortel,
si par hasard Churchill, malmené par la défaite française comme un cavalier de rodéo, parvenait à se maintenir en selle.

Il est donc parfaitement juste, sinon complet, de dire qu'il veut faire la paix avec la Grande-Bretagne.

En d'autres termes, trois personnes dans le monde hissent dès ce moment leur regard à la hauteur de l'enjeu : Churchill, Hitler... et de Gaulle.

Puisse l'anniversaire de 2020 faire progresser et affiner cette idée, c'est tout le mal que je souhaite à la discipline historique.

Re: LE HALTBEFEHL (suite)

Nouveau messagePosté: 10 Sep 2019, 09:48
de François Delpla
UN TOURNANT !

Mais avant d'en parler je veux redire ma désappprobation radicale de tout argument d'autorité.

J'en rappelle la définition, renouvelée des Grecs antiques : le fait de se retrancher derrière le jugement d'autrui; de préférence, un autrui censé être très savant, si ce n''est infaillible.

C'est ce qui explique en grande partie que la thèse diplomatique version Costello 1991, que j'ai affinée et développée tout au long de la décennie 90, ait été aussi souvent critiquée, quand elle était mentionnée (c'est-à-dire rarement), de façon superficielle et sans en prendre vraiment connaissance (presque tous, à commencer par Jean Vanwelkenhuyzen en 1994, l'aplatissaient pour en faire une simple resucée de la prose de Liddell Hart sur le "pont d'or aux Anglais") : "quand même, Costello et Delpla ne peuvent pas avoir raison contre la quasi-unanimité des connaisseurs de la chose militaire !"

Et maintenant, le tournant.

Vous connaissez peut-être Sylvain Ferreira. Lui-même se présente ainsi https://theatrum-belli.com/author/s-ferreira/ :

J'ai été tour à tour journaliste ("Tactiques", "Vae Victis", "Cyberstratège", "Gameside"), historien (Guerre de 1870 chez Conflits et Stratégie), concepteur de wargames (Denain 1712, Leuthen 1757) et plus récemment d'une règle pour figurines "Croix de Guerre". Je suis aujourd'hui secrétaire de la Société des Amis du Musée de la Grande Guerre du Pays de Meaux et rédacteur en chef du "MAG" du Musée.

Engagé dans une réflexion quasi permanente sur l'art de la guerre depuis l'adolescence, je vous propose désormais de partager celle-ci au gré de mes lectures et de mes travaux.

Aujourd'hui je travaille principalement sur l'évolution de l'art de la guerre de 1850 à 1945. Je traque les informations liées au basculement dans l'ère industrielle et ses conséquences sur les combattants. J'ai grandi avec la photo de mon arrière-grand-père disparu en 1917 dans l'effroyable offensive Nivelle et je cherche à travers son destin à comprendre comment les hommes ont fait face à la brutalité sans limite du feu contre la chair... leur chair.

Je combats sans relâche toutes les idées reçues, et notamment les mythes qui, depuis 1945, glorifient sans cesse l'armée allemande, qui abaissent la France depuis autant de temps et qui ignorent le sort de l'Empire russe, puis de l'URSS, dans la première moitié du XXème siècle.


Il vient de lire La ruse nazie et d'en dire publiquement ceci, sur Facebook (à lire dans la messagerie, en devenant son "ami") :

François
J'attends avec impatience vos considérations sur l'arrêt allemand devant Dunkerque !
Sylvain
Vous m'avez convaincu cher François et j'ai eu l'occasion de les exposer dans l'épisode de Champs de Bataille sur la campagne de France que diffusera RMC Découverte en mai-juin prochain.


Ah mais !

Donc, entendons-nous bien : ce qui précide n'est pas un argument en faveur d'une thèse... mais seulement un encouragement pressant à en prendre connaissance, et à en discuter en connaissance de cause.

Re: LE HALTBEFEHL (suite)

Nouveau messagePosté: 10 Sep 2019, 10:03
de Dog Red
Toutes choses restant égales, plus d'un membre du forum se reconnaîtra dans le profile de Sylvain FERREIRA que j'ai sans doute lu du temps de Cyberstratège et Vae Victis.

Re: LE HALTBEFEHL (suite)

Nouveau messagePosté: 10 Sep 2019, 10:05
de Prosper Vandenbroucke
Bonjour François,
Nombreux sont les avis qui divergent et nombreuses sont les interventions qui ne vont pas dans la même direction que la tienne, mais toutes les hypothèses sont à prendre en considération, dès lors pourquoi ne pas continuer ce débat?????
Prosper

Re: LE HALTBEFEHL (suite)

Nouveau messagePosté: 04 Déc 2019, 01:53
de Soxton
Nicolas Bernard a écrit:Le 6 mai 1940, c'est à dire peu de temps avant l'invasion de l'Europe occidentale, et moins de trois semaines avant le Haltbefehl, Hitler déclare à Goebbels :
England muß einen schweren Schlag bekommen, aber nicht vernichtet werden. Denn sein Weltreich können und wollen wir nicht übernehmen. Soviel Reichtum macht auch garnicht mehr glücklich. Wenn man zu nichts anderem mehr kommt, als nur seinen Reichtum zu bewachen, dann verliert der Reichtum seine schöpferische Kraft. Dann macht er das Volk arm und unglücklich (s. England) und entnervt seine führende Schicht. Das ist die größte Schwäche des englischen Weltreichs.


Que je traduis comme suit :
On doit asséner un coup dur à l'Angleterre, mais pas la détruire. Parce que nous ne pouvons ni ne voulons prendre le contrôle de son empire. Tant de richesses ne vous rendent pas plus heureux. Si on se limite à conserver ses richesses, alors celles-ci perdent leur pouvoir créateur. Et puis elles appauvrissent la population, la rendent malheureuse (voir Angleterre), et débilitent sa classe dirigeante. C'est le plus gros point faible de l'empire anglais.



C'est ainsi que Nicolas Bernard montre la détermination d'Adolf Hitler : "On doit asséner un coup dur à l'Angleterre, mais pas la détruire."
Paradoxalement, Nicolas Bernard considère que le Haltbefehl est un geste diplomatique.
Si Hitler estime que le moment est venu d'asséner un coup dur à l'Angleterre, pourquoi a-t-il manqué l'occasion de détruire le "british expeditionnary force" à Dunkerque ?

Re: LE HALTBEFEHL (suite)

Nouveau messagePosté: 04 Déc 2019, 14:11
de Nicolas Bernard
Soxton a écrit:
Nicolas Bernard a écrit:Le 6 mai 1940, c'est à dire peu de temps avant l'invasion de l'Europe occidentale, et moins de trois semaines avant le Haltbefehl, Hitler déclare à Goebbels :
England muß einen schweren Schlag bekommen, aber nicht vernichtet werden. Denn sein Weltreich können und wollen wir nicht übernehmen. Soviel Reichtum macht auch garnicht mehr glücklich. Wenn man zu nichts anderem mehr kommt, als nur seinen Reichtum zu bewachen, dann verliert der Reichtum seine schöpferische Kraft. Dann macht er das Volk arm und unglücklich (s. England) und entnervt seine führende Schicht. Das ist die größte Schwäche des englischen Weltreichs.


Que je traduis comme suit :
On doit asséner un coup dur à l'Angleterre, mais pas la détruire. Parce que nous ne pouvons ni ne voulons prendre le contrôle de son empire. Tant de richesses ne vous rendent pas plus heureux. Si on se limite à conserver ses richesses, alors celles-ci perdent leur pouvoir créateur. Et puis elles appauvrissent la population, la rendent malheureuse (voir Angleterre), et débilitent sa classe dirigeante. C'est le plus gros point faible de l'empire anglais.



C'est ainsi que Nicolas Bernard montre la détermination d'Adolf Hitler : "On doit asséner un coup dur à l'Angleterre, mais pas la détruire."
Paradoxalement, Nicolas Bernard considère que le Haltbefehl est un geste diplomatique.
Si Hitler estime que le moment est venu d'asséner un coup dur à l'Angleterre, pourquoi a-t-il manqué l'occasion de détruire le "british expeditionnary force" à Dunkerque ?


Il n'y a rien de paradoxal, et je m'étonne que vous fassiez de l'aveu de Hitler à Goebbels une preuve que Hitler aurait souhaité détruire la B.E.F., puisqu'une telle phrase va plutôt dans le sens d'un Hitler désireux de ne pas mettre à mort l'Angleterre. Désir dont procède le Haltbefehl (qui consiste à laisser une chance aux Alliés de réclamer une paix de compromis aux fins, précisément, d'éviter un plus grand désastre).

Par ailleurs, il faudrait faire preuve d'un peu plus de logique (et je ne m'adresse pas qu'à vous, car l'historien Karl-Heinz Frieser commet le même bogue).

Je m'explique:

1) Le fait est prouvé, Hitler cherche la paix avec la Grande-Bretagne (et la France, certes diminuée militairement), voire, comme il le répète depuis Mein Kampf, une alliance avec la Grande-Bretagne (sans la France), pour des raisons où le racisme se mêle de géostratégie (l'Empire britannique est essentiel à la stabilité du monde face à la juiverie et aux races inférieures qu'il contribue à assujettir/contenir).

2) Dès lors, dans cette même logique, il serait idiot, voire criminel (du point de Hitler, natürlich), de capturer la B.E.F., à savoir la seule armée de terre digne de ce nom qu'a mobilisée l'Angleterre, puisqu'une telle déroute rendrait son empire hautement vulnérable et, surtout, humilierait gravement ladite Angleterre, obérant toute perspective de partenariat avec l'Allemagne pour régenter les affaires mondiales. Humilier quelqu'un n'est pas la meilleure manière de construire une amitié - et j'enfonce ici une porte ouverte...

Vous n'êtes, bien entendu, pas tenu de me suivre. Cependant, je reste dans l'attente de vos explications sur le Haltbefehl.

Re: LE HALTBEFEHL (suite)

Nouveau messagePosté: 12 Fév 2020, 20:46
de François Delpla
J'ai du neuf : il y aurait un Haltbefehl, aussi, au nord ! Une interdiction au nom du Füher, prononcée par Keitel, à une armée dependant du Hgr B de foncer vers le sud.

Je copie, à Munich, l'archive en question puis je donnerai quelques détails.

Re: LE HALTBEFEHL (suite)

Nouveau messagePosté: 12 Fév 2020, 23:17
de dynamo
le seul intérêt de "foncer" vers le sud est la sécurisation de l'aile gauche du groupe A quant à une contre attaque française cherchant à couper le corridor des panzers.
ou
occuper le nord de Reims pour créer les moyens de concentration à l'opération visant à contourner la ligne Maginot.
ou
empêcher les français à se rétablir derrière la Somme.
ou
envoyer un message aux britanniques qu'ils n'ont plus d'autre issue que d'accepter la négociation.

Re: LE HALTBEFEHL (suite)

Nouveau messagePosté: 13 Fév 2020, 10:26
de François Delpla
dynamo a écrit:envoyer un message aux britanniques qu'ils n'ont plus d'autre issue que d'accepter la négociation.
Le général en question n'est autre que Reichenau et il supplie vainement Keitel de lui passer Hitler au téléphone pour dire qu'il peut mettre la dernière main à un "second Tannenberg".