alias marduk a écrit:Pour me répondre, j'écrivais hier : " il me semble avoir publié une ou deux sources allant dans le sens d'une prise en compte de l'usure des blindés par Rundstedt ou d'une remontée de l'information même si effectivement ça n'est pas ma position ( je ne suis pas chez moi mais j'essairais de les retrouver la semaine prochaine lors de mon retour à mon domicile )"
Les sources citées :
Pour la remontée de l'information quant à l'usure des blindés
Frieser page 315 qui cite l'annexe 29 du journal de marche du HGr A :
"Après les pertes des combats des quatorze derniers jours, surtout celles de chars, de plus de 50 pour cent, le groupe n'a plus une force de combat suffisante pour mener une attaque vers l'est contre un ennemi fort. Si l'ennemi attaque avec de forts effectifs, j'attire l'attention sur le fait que les Panzerdivisionen sont peu appropriés à la défense"
Effectivement, Von Kleist a formulé une telle "plainte" le 23 mai, ce qui s'était attiré cette remarque de Halder:
Le 23 mai, dans son Journal, Franz Halder a écrit:Von Gyldenfeldt nous fait part de l'anxiété de Kleist, qui sent qu'il ne peut remplir sa mission tant que la crise d'Arras n'est pas résolue. Les pertes des chars s'élèvent à 50%. Je souligne que cette crise sera résolue dans les 48 heures. Je ne méconnais pas la grandeur de sa tâche! Il doit tenir jusque-là. Aucun danger sur la Somme.
Notre-Dame-de-Lorette - destin de la France - est entre nos mains.
Cependant, l'historien Hans Meier-Welcker indique, en s'appuyant sur le témoignage de Von Gyldenfeldt, alors officier de liaison de l'O.K.H. avec le groupe blindé Kleist ("Der Entschluss zum Anhalten der deutschen Panzertruppen in Flandern 1940", op. cit., p. 276):
Hans Meier- Welcker a écrit:Les pertes en chars étaient, en réalité, bien inférieures. Dans une correspondance du Generalleutnant Gyldenfeldt à l'auteur du 25 mai 1954, il est indiqué: "Ces statistiques furent perçues comme correctes par le groupe blindé, et on a probablement négligé qu'une large proportion des blindés étaient réaffectés aux troupes après une brève période de réparation, point sur lequel nous manquions d'expérience [(Nota Bernarde: pour apprécier lesdites statistiques]."
Une autre hypothèse a ma préférence: comme le fait remarquer F.D. dans La Ruse nazie, Kleist a probablement exagéré sa situation, pour obtenir davantage d'équipements... Toujours est-il que, tout en se plaignant, lui-même n'allait pas jusqu'à recommander une pause - mieux encore, il s'y est opposé.
Comment le sait-on? Grâce au Journal tenu par Gyldenfeldt, dont l'entrée du 25 mai 1940 révèle (ibid., p. 283):
Dans son Journal, le 25 mai 1940, Von Gyldenfeldt a écrit:La journée apporte son lot de tensions! Le groupe [blindé de Von Kleist] est retenu sur l'Aa par ordre spécial du Führer, alors que la 4. Armee, de même que le général Von Kleist, jugent qu'il vaut mieux aller de l'avant.
Par ailleurs, un autre document renforce cette hypothèse. Un rapport du corps blindé de Guderian en date du 21 mai 1940 signale que signale que, selon les divisions, 40 à 60 % des chars sont opérationnels à cette date. Or, on sait que ce corps d'armées, ainsi que les autres formations de Panzer, tant du Groupe Kleist que du Groupe Hoth, sont repartis de l'avant le lendemain, sur ordre des instances supérieures, et, en l'espace de deux jours, ont franchi plusieurs dizaines de kilomètres, assiégé Boulogne, Calais, et atteint la "ligne des canaux" au point de se retrouver, pour les échelons les plus avancés, à quinze-vingt kilomètres de Dunkerque et à une dizaine de Cassel.
Dès lors, Kleist ne peut manquer d'ignorer que sa propre "plainte" était manifestement exagérée. Dans la mesure où, le 25 mai, il a expressément protesté contre l'ordre d'arrêt, il y a lieu d'en déduire qu'il a sciemment exagéré ses malheurs pour obtenir davantage de matos, selon une méthode bien rodée, et pas seulement dans l'armée allemande.
alias marduk a écrit:Pou la prise en compte par Rundstedt en particulier :
Messenger page 116 ( "The Last Prussian" ) qui cite une interview après guerre ( le 26 octobre 1945 ) entre Rundstedt et Liddell Hart
Où Rundstedt précise que les ateliers de réparation étaient pris très à l'arrière dans des bouchons avec l'infanterie en route pour garder le flanc sud ce qui retardait l'arrivée des chars réparés
Achtung bicyclette, car Von Rundstedt ne mentionne pas expressément que des carences logistiques seraient à l'origine de ses propres inquiétudes - à les supposer sincères, mais c'est une autre question. De surcroît, il s'agit là d'un propos d'après-guerre, à analyser dans ce contexte. Pour rappel, Von Rundstedt, après ladite guerre, a également dénoncé le Haltbefehl comme une erreur de Hitler (tout en jouant, de mémoire, sur les mots).
En toute hypothèse, il ressort d'un document contemporain, à savoir le compte-rendu d'entretien de Von Rundstedt et de Von Kluge en date du 23 mai, que le premier ne fait état d'aucune préoccupation de ce jour: il demande à Von Kluge si la situation est tendue, ce dernier se fait très affirmatif ("Ce n'est aucunement le cas"), et Von Rundstedt fait part de son soulagement ("Il avait craint que l'ennemi ne porte un coup vers le sud, contre Valenciennes"), l'usage du plus-que-parfait ("habe befürchtet") révélant que, certes il s'inquiétait, mais que ce n'était plus le cas (à l'en croire). Il fait part ensuite à Von Kluge de la plainte de Von Kleist, sans autre explication.