Nicolas Bernard a écrit:La liste rouge, en haut à gauche de la carte de l'O.K.H., établit que les Allemands savaient à quelles formations ils avaient affaire. Bref, qu'ils sont bien renseignés sur ce point, sans doute à quelques erreurs près. En recoupant les infos issues du trafic radio, des reconnaissances terrestres et aériennes, ils avaient donc une vue globalement correcte du dispositif allié, tant pour identifier les divisions adverses que pour déterminer leur état, comme l'écrit Karl-Heinz Frieser (Le mythe de la guerre-éclair, op. cit., p. 332):Karl-Heinz Frieser a écrit:En réalité, Halder était très bien informé de l'effectif des formations alliées encerclées: par son excellent service radio d'écoute du trafic radio ennemi. Celui-ci lui fit savoir qu'il y avait dans la zone encerclée de Dunkerque 22 divisions belges, 12 divisions britanniques et 29 françaises, mais que beaucoup d'entre elles étaient déjà fortement décimées.
Loïc Charpentier a écrit:Je vous rappelle, au passage, que l'énumération, en rouge, des unités alliées "coincées" dans la Poche de Dunkerque, qui figurent sur les cartes de l'OKH du 22 mai au 1er juin 1940, quotidiennement mises jours (mais, évidemment, entachées d'erreur) tendent à démontrer qu'il était illusoire de vouloir leur rentrer dedans "comme dans du beurre", dès le 24 mai.
[568] Nicolas Bernard a écrit:Vous répondez encore à côté. Outre de faire dire n'importe quoi à ce document.
La liste rouge, en haut à gauche de la carte de l'O.K.H., établit que les Allemands savaient à quelles formations ils avaient affaire. Bref, qu'ils sont bien renseignés sur ce point, sans doute à quelques erreurs près. En recoupant les infos issues du trafic radio, des reconnaissances terrestres et aériennes, ils avaient donc une vue globalement correcte du dispositif allié, tant pour identifier les divisions adverses que pour déterminer leur état, comme l'écrit Karl-Heinz Frieser (Le mythe de la guerre-éclair, op. cit., p. 332):
[...]
Vous déduisez de ces chiffres, "qu'il était illusoire de vouloir leur rentrer dedans "comme dans du beurre", dès le 24 mai"? C'est oublier qu'au regard du recoupement des informations, l'O.K.H. savait pertinemment que plusieurs formations adverses étaient fortement décimées. C'est d'ailleurs au regard de ces informations que, vis-à-vis des forces alliées, Halder et Brauchitsch, loin d'estimer, selon votre amusante expression, "qu'il était illusoire de vouloir leur rentrer dedans "comme dans du beurre", dès le 24 mai"... recommandent de continuer l'offensive.
François Delpla a écrit:Bonjour Olivier
J'espère que tu vas bien après tout ce temps et que ton retour dans ce débat va permettre de le dynamiser plus encore.
Si je comprends bien, tu adhères maintenant à l'explication militaire par défaut, parce qu'il en faut bien une, en ayant fait préalablement le tour de l'hypothèse diplomatique qui serait malgré tout plus logique.
François Delpla a écrit:Tu m'accordes aussi qu'il faut en finir avec la sottise de Hitler et en définitive tu préfères croire qu'il se trompe sur le plan militaire plutôt que sur le plan politique, ce qui me semble effectivement, à moi-même, plus plausible.
François Delpla a écrit:Mon désaccord commence avec tes considérations du type "dans aucune guerre etc." Justement, nous sommes dans une guerre qui ne ressemble à aucune autre, du moins entre 1933 et mai ou juin 1940. C'est après Mers el-Kébir, quand Churchill et l'état de guerre sont consolidés, qu'on entre dans une guerre plus classique.
François Delpla a écrit:Il n'est pas vrai, cependant, que Hitler effectueune opération offensive interrompue à son point culminant par le parti en position de vaincre... dans l'attente d'une demande hypothétique de cessez-le feu par le vaincu probable
François Delpla a écrit:Car justement (et beaucoup ici, de tous bords, l'ont écrit) l'opération n'est pas vraiment interrompue; mis à part l'interdiction de franchir les canaux elle continue de mille façons; et le Haltbefehl même est très court, peut être interrompu à tout moment par la décision (dit-on) de Rundstedt, est contredit par la directive n° 13 etc.; il est peu visible par les non initiés, non remarqué par les spécialistes jusqu'à ce qu'en 1947 le journal de Halder le mette le nez dedans, etc.
François Delpla a écrit:D'où mon idée qu'il ne s'accompagne pas d'un rappel des conditions généreuses, auquel cas il devait être nettement plus long en raison des délais d'acheminement, de délibération etc. Ce qui est à discuter, ce sont les conditions annoncées à Dahlerus, en espérant qu'elles circulent.
François Delpla a écrit:Que Hitler ne s'attende pas à un embarquement, je suis le premier à le dire. Non pas qu'il le croie impossible, mais parce que les Anglais n'en montrent aucune velléité, sans parler des Français et des Belges. Donc j'exclus qu'il laisse la porte ouverte pour le favoriser et je dis que Liddell Hart se trompe là-dessus plus encore que sur les explications militaires qu'il enfile sans rigueur.
takata a écrit:Le soi-disant "chaînon manquant" exposé plus haut (et avec une telle suffisance) m'a fait éclater de rire mais c'est la raison pour laquelle je me suis inscrit pour poster.
SCHIFFERS Michel a écrit:VERS UNE DEMONSTRATION DE LA ''THESE DIPLOMATIQUE'' : LA DECOUVERTE DU CHAÎNON MANQUANT ??...
Les tenants de la ''thèse militaire'' vont peut-être m'en vouloir de venir ainsi ''assécher'' l'un de leurs sujets favoris – auquel ils ont consacré tant d'énergie, depuis tant d'années, y compris dans le présent forum – mais je pense qu'une trouvaille personnelle récente m'a permis de débusquer un élément très important en faveur de la ''thèse diplomatique'' en tant que solution à l'énigme du ''Haltbefehl''.
Cette trouvaille constitue en quelque sorte le « chaînon manquant » permettant d'accréditer définitivement la ''thèse diplomatique''.
Il ne s'agit pas à proprement parler d'un ''élément nouveau'', puisqu'il a été publié en 1982. Mais, pour n'importe quelle raison, cet élément a été négligé jusqu'ici et il convient sans doute de lui accorder l'attention qu'il mérite lorsqu'il est question du ''Haltbefehl''.
Mieux, conjugué aux autres éléments déjà connus et débattus qui permettaient de soutenir cette thèse – mais étaient souvent jugés « trop faibles » par ses détracteurs, notamment parce qu'insuffisamment reliés à la ''direction nazie'' – cet élément-ci émane de la plus haute ''source nazie'' possible, à savoir Hitler lui-même, qui s'exprime de façon très explicite à ce sujet, a priori dans un contexte ''non suspect'' (je reviendrai sur ce dernier aspect).
Autrement dit, cet élément permet d'apporter la démonstration de la validité de la ''thèse diplomatique'' (et - espérons-le - ''une fois pour toutes'').
J'ai fait cette découverte un peu ''par hasard'', à la faveur d'une recherche (sans aucun rapport avec le ''Haltbefehl'') qui m'a amené à m'intéresser aux mémoires de l'autre « architecte favori » de Hitler, j'ai nommé Hermann Giesler (*).
Pour rappel, Giesler a recueilli de nombreuses « confidences » de Hitler, lors de ses longs et fréquents séjours au QG du Führer, pendant la Campagne de Russie.
C'est ainsi qu'en septembre 1942, Martin Bormann contacte Giesler et le supplie de venir rejoindre Hitler, alors en pleine dépression dans son quartier général de Vinnitsia, en Ukraine...
Mais écoutons plutôt Giesler nous raconter la chose, en guise d'introduction contextuelle de ce qui va suivre :
« Martin Bormann called from Hitler’s headquarters Winniza and requested my immediate departure for there. “Parteigenosse (party-comrade) Giesler, you are urgently needed. Bring all your Linz plans with you and expect to stay a few weeks. Hurry, please.”
A little later Fieldmarshal Keitel called and asked me to depart as soon as possible and take all architectural plans with me. An adjutant informed me which courier airplane to take for the flight out of Berlin. My alarm bells were already ringing from Bormann’s call ; even more so when Fieldmarshal Keitel called.
When I reported to Hitler in Winniza, I found him changed. After the serious discord with his generals, he stayed away from routine personal contact with them and stopped attending the joint lunches and dinners. After the Lagebesprechung, he withdrew. At first he did not discuss the problems with me. Bormann was also silent ; he only told me that Hitler wanted to talk to me about the Linz plans whenever military matters permit it. Only talks about city building and architecture can relax him, Bormann said. I found it interesting that Fieldmarshal Keitel had the same idea : only Giesler with his design plans could bring relief.
During my stay at the Winniza headquarters, most of the time I was Hitler’s only guest. We took our meals together and I spent long evenings and nights with him, not only in intense discussion of matters of architectural design.[…]
When we were again alone after the evening tea, he told me of the shattering situation he is confronted with. “Giesler, I want to talk to you about my worries – in confidence. […] Before the Russian campaign, I was making very careful plans and thinking about the strategic possibilities and how they have to be tactically executed, like when we began the offensive in the West.” ».
C'est donc ainsi que Giesler va recueillir, durant son séjour, les propos qui suivent, de la bouche même de Hitler :
« It was a large collection of maps bound in leather : The France War Campaign in its Chronicle Sequence. One day it was placed on Adolf Hitler’s work desk. The Armed Forces Adjutancy had told me the volumes were prepared as a military-historical documentation, and its first edition was presented to Hitler at Winniza. […]
Adolf Hitler opened the next map : it showed the attack that took place on the morning of May 10th with the markings for the first day targets. Following that were maps with sections of the different divisions, then a second map series marking the success by the individual panzer and battle groups. Drawn on a larger scale could be seen the hard battle for Sedan. That was the energetic thrust the enemy did not expect—then the breakthrough and the advance of the panzers, secured at their flanks by the forward pushing divisions. Now, map after map followed, sometimes two for one day, graphically reporting the battle success of the panzer thrust along the eastside of the Somme to Abeville. […]
“My biggest worry was securing the flanks” [said Hitler] ; “counterattacks from the South and Southwest, energetically executed, would have grown to a serious threat. Logically, at the same time, the ‘Schliefen attack’ had to be seriously carried out in order to draw the main forces of the enemy, the motorized units, into Belgian territory. The deception succeeded ; the mass of the enemy forces moved into those battle areas, as I imagined they would, and were cordoned off. The frontal attack of our divisions also showed total success and forced Holland and Belgium to surrender. The operation, later called ‘Sichelschnitt’ (sickle cut), became a decisive success. But the total defeat of the Western allies was not yet won. […]
The opponent was actually decisively beaten in the North sector. Pressed from the East and South by our fast-moving troops, cut off towards the West, only the sea remained as the last open flight path. The mass of those primarily English forces was concentrated around Dunkirk, on the Flanders plains, which I remembered well from my world war time. Oh, I know, my Dunkirk decision was described as a big mistake, not only by the circle of the so-smart general staff — those “know it alls” and those with their so-Christian feelings — thought it was my biggest stupidity not to have completely destroyed the already-beaten British forces.
Various considerations kept me from doing so.
First, the military reasons. The Flanders lowlands restrict tank operations basically to the roads. Long drawn-out battles, with our own losses and the possible high breakdown of our tanks, were to be expected. For further necessary operations towards the West and South, into France proper, I could not sacrifice one tank. But above all, we must not waste our strength and lose time. The enemy had been shocked ; now everything had to be done stroke by stroke.
After listening to Rundstedt, my inner circle of military advisers also shared that opinion. It was absolutely necessary to continue the attack to the West and South without any hesitation before the enemy succeeds in building up a strong defense along the Somme and the Aisne. Our follow-up thrust already met with strong resistance there. It also had to be assumed the English would send additional troops, assisted by the artillery support of their battleships, across the Channel – they could not let France down as they did Poland !
We had to attack towards the West — Paris and Northern France had to be taken very fast, to make it impossible for the English to land additional troops. We also had to direct an offensive toward the South, with a thrust behind the French fortifications.
We had to enforce a final decision and thus bring the French campaign to a quick finish because there was another reason of a military-political kind.
I did not remain orientated to only one side : for a long time I was listening, worried, toward the East.
And did not a slight possibility of peace still exist, even though a vague one, which I might have obstructed by a pitiless defeat of the Dunkirk army ?” ».
Giesler lui-même commente ces propos hitlériens de 1942 de la manière suivante :
« [...] Adolf Hitler was deliberating on rational grounds as he was so often doing in the past years ; he did not think only as a German — he thought as a European. [...]
That he judged the possibility of peace higher, there is in my eyes one proof : On June 24, 1940, at his headquarters Bruly de Peche, he gave orders for peacetime tasks, issuing a decree on the 25th giving authority to Speer and me to begin the restructuring of German cities. [...]
Later, I was once more reminded of the “mistake of Dunkirk".
If I remember correctly, it was in August 1943 after the devastating air attacks in Hamburg. In an adjoining room, Adolf Hitler gave orders to an adjutant. A pile of photographs were lying on a table ; I picked them up. [...]
When Adolf Hitler returned to the work room, he saw the photographs in my hand. With a quiet, but very resolute voice he said: “Let it go, Giesler, don’t look at the pictures anymore. After a while, I had to rethink. It didn’t agree with my character to step on the one who lies on the ground. I was mistaken —magnanimity will not be recognized. They repay my sparing them at Dunkirk with bombs and phosphor on women and children whose men and husbands were fighting for Europe.'' [...] »
---------------------------------------
Discussion :
a) Quelle confiance accorder aux "souvenirs'' de Giesler ??...
Autrement dit, pouvons-nous prendre ces mémoires de Giesler au premier degré ?... N'a-t-il pas recueilli des confidences ''orientées'' de Hitler ?... N'a-t-il pas ''enjolivé'' les choses ?... etc.
Il est un fait que, dans ses mémoires, Giesler ne cache jamais son admiration pour Hitler. Une admiration sans bornes et sans repentir non plus, malgré l'étendue des crimes du nazisme que Giesler ne peut ignorer au moment où il écrit ses mémoires...
Il aurait donc pu "embellir" certaines choses en les rédigeant, de façon à donner de son idole le portrait posthume le plus avantageux possible.
Toutefois, en analysant plus précisément les circonstances dans lesquelles se déroulent ces entretiens du second semestre de 1942, ainsi que la position spécifique de Giesler dans l'entourage de Hitler, les doutes me paraissent largement dissipés, car on ne voit finalement pas pourquoi Hitler aurait délibérément et fortement biaisé, à ce moment-là, les confidences qu'il livre à Giesler.
Dès lors, il n'y a aucune raison de mettre directement en doute ce qui, dans les propos rapportés par Giesler, ne contribue pas directement à tresser des couronnes à Hitler.
Et, précisément, c'est tout à fait le cas, dans l'extrait que j'ai reproduit ci-dessus, des deux dernières phrases de ce texte :
1/ D'une part, son " I did not remain orientated to only one side : for a long time I was listening, worried, toward the East.", qui fait apparaître que Hitler, au plus fort de sa campagne à l'Ouest, reste totalement préoccupé par la situation à l'Est (où nous savons qu'il lui tarde évidemment de pouvoir développer aussitôt que possible la suite de son programme, sans laquelle son projet global ne peut réussir) ;
2/ Et, d'autre part, son "And did not a slight possibility of peace still exist, even though a vague one, which I might have obstructed by a pitiless defeat of the Dunkirk army ?", où Hitler laisse poindre que sa décision "magnanime" de ne pas détruire immédiatement les forces britanniques encerclées à Dunkerque était destinée à ne pas compromettre l'espoir qu'il entretenait encore alors de pouvoir conclure la paix à ce moment-là (ce qui est conforme au scénario de l' "explication diplomatique" de Dunkerque).
Dans les deux cas, cela ne présente pas du tout les choses à l'avantage de Hitler, pas plus que cela ne réplique à des critiques exprimées à l'encontre de Hitler après la guerre (critiques que Giesler aurait pu éventuellement vouloir contredire en rédigeant ses mémoires pour rétablir la réputation du Führer).
Dans ces conditions, on ne voit donc pas Giesler inventer ces propos de Hitler pour renforcer l'image ou la réputation du Führer.
Par ailleurs, les explications "militaires" développées par Hitler, telles que rapportées par Giesler, sont totalement conformes à ce que Hitler et son entourage ont présenté à l'époque comme étant la version "officielle" de ces événements (explications que l'on retrouvera ensuite, développées à des degrés divers, chez les tenants successifs de l' "explication militaire" de Dunkerque).
Et, là, Giesler, n'invente rien non plus... Il a éventuellement pu être influencé par d'autres lors de la rédaction de ses mémoires (notamment par les récits livrés par les généraux allemands après la guerre, voire par les premiers travaux historiques sur le sujet)... Mais ce n'est même pas nécessaire de l'envisager compte tenu de la conformité de ces éléments à la "thèse officielle" proposée par les Nazis eux-mêmes peu après les événements.
Giesler se contente de rapporter fidèlement ce qui se disait alors (en 1940), et qui lui est confirmé par Hitler lui-même en 1942.
Sauf - et c'est un détail très important, capital même - que ces explications militaires se concluent par les deux dernières phrases que je viens de commenter, qui, elles, ne se retrouvent nulle part ailleurs que chez Giesler - en particulier l'idée d'un Hitler attendant les résultats de ses ouvertures de paix
(que Giesler ne développe pas, sans doute parce qu'il ne les connaît pas et que Hitler ne les a pas développées devant lui dans le cours de leur conversation).
b) Commentaires des ''explications militaires'' délivrées à Giesler par Hitler :
Comme on peut le lire dans le compte-rendu de Giesler, Hitler ne semblait pas craindre (ou souhaiter) - au moment du ''Haltbefehl'' - que les Britanniques utilisent les quelques ports qu'ils tenaient encore, dont Dunkerque, pour rembarquer leurs unités.
Au contraire, la crainte qu'il exprime est d'un tout autre ordre et elle est double :
- d'une part, il craint qu'une partie des forces alliées engagées au nord, c'est-à-dire en Belgique et aux Pays-Bas, puisse redescendre vers le sud, pour venir renforcer les forces françaises positionnées au sud de la Somme (ou de l'Aisne), ce qui ferait peser une menace sur le flanc sud du Groupe d'Armées A allemand, qui est très étiré depuis Sedan - où il a percé - jusqu'à la côte ;
- et, d'autre part, il craint que les Britanniques puissent débarquer de nouveaux renforts en France, au sud de la Somme, pour se joindre aux Français, soit pour préparer une contre-offensive sur le flanc sud du Groupe d'Armées A, soit pour consolider les défenses françaises sur le front de la Somme.
Dans tous les cas, Hitler semble donc convaincu que les Britanniques vont se maintenir sur le terrain qu'ils tiennent encore, là où ils ont été repoussés et acculés par l'offensive allemande.
Et qu'ils vont peut-être même encore vouloir renforcer leur présence en France, dans l'hypothèse où celle-ci poursuit la lutte (ce qui est d'ailleurs, effectivement, la pensée initiale de Churchill).
Hitler ne semble donc pas du tout envisager l'éventualité d'un rembarquement massif du Corps Expéditionnaire Britannique à ce stade de la bataille. Soit qu'il ne le croit pas possible "techniquement" (rembarquer des centaines de milliers d'hommes en quelques heures ou quelques jours peut en effet lui paraître "infaisable"), soit qu'il ne le croit pas possible "politiquement" (parce qu'il pense que les Britanniques, et même Churchill, ne peuvent se permettre de prendre le risque politique de lâcher ainsi unilatéralement leur allié français au plus fort de la bataille).
Dès lors, si l'on exclut le scénario du rembarquement de son schéma intellectuel, Hitler peut raisonnablement penser que, dès le 24 mai, l'EM britannique se doit d'envisager la perspective d'une destruction à très brève échéance de l'élite de ses forces terrestres, dans une bataille d'anéantissement que le Corps Expéditionnaire Britannique n'a aucune chance de remporter.
Face à cette perspective qui semble inéluctable (et pour éviter un véritable carnage), la direction de guerre britannique n'aura alors d'autre choix que de rechercher un "cessez-le-feu" (voire un armistice) afin d'éviter la destruction probable de l'essentiel du Corps Expéditionnaire Britannique et des forces franco-belges acculées et encerclées avec lui sur la côte.
Il ne resterait plus alors à Hitler que d'achever la destruction du reste de l'Armée française au sud de la Somme et la guerre serait gagnée...
Dès lors, il me semble possible de conclure que Hitler escomptait bien que la "pause" qu'il accorde ainsi aux armées alliées du nord permettrait à l'EM et au gouvernement britanniques de mener cette réflexion (un peu sur le modèle des hésitations britanniques observées au printemps 1918, lorsque l'offensive-éclair de Ludendorff avait réussi à enfoncer un coin entre les armées françaises et britanniques et que l'armée allemande semblait s'être ouverte un "boulevard" en direction de Paris).
Le pari de Hitler étant que la voie de la capitulation s'impose en tant que solution "la plus raisonnable"...
Mais, si les Britanniques s'obstinent malgré tout, alors "tant pis pour eux"... Et c'est pourquoi Hitler prévoit bel et bien de les détruire via sa Directive n°13 (datée du même jour que son "Haltbefehl", c'est-à-dire du 24 mai 1940), préparant ''l'anéantissement des forces franco-belgo-anglaises enfermées dans les Flandres et l'Artois'', avec le concours de la Luftwaffe de Göring.
Mais, évidemment, il y a eu un "grain de sable" (c'est le cas de le dire !), avec le "coup de génie" de Churchill consistant à ordonner (contrairement à ses intentions initiales) le rembarquement des forces britanniques et françaises enfermées dans la poche de Dunkerque, ce qui prend Hitler à contre-pied et anéantit ses spéculations, car c'est précisément la "troisième voie" qu'il n'avait pas envisagée !... C'est-à-dire l'option ''oubliée'' par Hitler dans son schéma intellectuel dont j'avais parlé dans mon 'post' précédent...
Et, lorsque Hitler se rend compte que Churchill s'est non seulement joué de lui, mais que, pire, il est en train de réussir le "pari insensé" de "Dynamo", il décide de relancer l'offensive...
Mais il est alors trop tard pour empêcher la fuite de centaines de milliers de soldats ennemis...
c) La "paternité" du plan de 1940 :
Ailleurs, Giesler nous rapporte aussi ce que Keitel lui a confié, au QG, en octobre 1942 :
« I had dinner at the casino barracks and had a chance to talk to Field Marshal Keitel, with General Jodl present — naturally about the French campaign. I wanted to listen to his assessment.
"Well, when I think about the past it gives me confidence,” Keitel said. “He rarely talks about it [...].
What he presented to you, based on the maps, I can only add it was his idea, in all details his work. He alone was the commander of the French campaign.”
Keitel continued, “When he explained, in January 1940, his concept about the Western campaign, worked out to all strategic details, I was startled by his audacity, even though I had to acknowledge the brilliant strategy.”
Jodl nodded, agreeing, and remarked, “We were pretty much perplexed when he put it on our table, complete with all details !”
"For his attack solution, he first won Jodl over, when I still could not accept it,” Keitel added. “I asked myself : would we succeed in deceiving the Allies to such an extent that they would thrust their motorized army and tank units into the Belgian-Holland region, in order to block the ‘Schliefen-Wing’ ? Would they consider the breakthrough at Sedan as a tactical, space-limited attack only ? Could the flanks for the panzer thrust to the coast be secured at all ? I never would have had the courage for such an audacious operation.
General Schmundt said later that Manstein had the same thoughts. His ideas were not accepted and were refused by the chief of the General Staff (Halder). I found that out in January and arranged that Manstein could present his ideas to the Fuehrer. That was possible when he reported to the Fuehrer after his nomination to a Commanding General (Kommandierenden General) in middle February 1940.
At that time, the Fuehrer had already planned and committed down to tactical details beyond the strategic operations — up to the commandos he needed for Eben Emael. With an incomparable insistence, he pushed through his strategic ideas and all tactical measurements. When Manstein presented his ideas for an offensive campaign, he could by that time only confirm what the Fuehrer had intended.” [...]
Field Marshal Keitel and General Jodl were hung at Nuremberg ; General Schmundt became a victim of the July 20th assassination. But the Field Marshal confirmed what I heard from him in Winniza in the notes he left (**). The courageous, inspired strategy of the Western campaign was explicitly and absolutely Adolf Hitler’s work ; he alone was the chief commander of the French campaign. »
-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
(*) cf. « Ein andere Hitler », Druffel Verlag, Leoni am Starnberger, 6th edition, 1982 – English translation by Carolyn Yeager, 2008-2010.
(**) Les notes de Keitel [source : "Generalfeldmarschall Keitel, Verbrecher oder Offizier ?", Walter Goerlitz, Editor-Publisher, Goettigen, 1961] disent ceci :
“A few days later - it must have been before October (1939) - Halder was called to visit Hitler in order to present his operation Plan West. Jodl and I were present. Hitler interrupted his report with different questions and held back his final reaction when Halder had to hand over the plan and marked maps to him.
Shortly after Halder left, Hitler said to us something like : ‘Hey, that’s the old Schlieffen Plan with the strong wing movement toward the Atlantic Coast. One does not perform such operations twice and go unpunished. I am of a quite different opinion and will tell (you and Jodl) that in a few days, and will discuss it with OKH.’
I don’t want to deal here with operational questions deriving from that. This much I’d like to say — that it was Hitler who personally requested, as his solution, the thrust with panzer forces over Sedan to the Atlantic Coast at Abbeville.
I expressed my reservations that the brilliant operation might fail if the French Panzer Army would not do us the favor to immediately attack our north wing through Belgium, but would hold back when they recognized Hitler’s plan of the breakthrough. Jodl, as well as Hitler, did not agree with my fear.
I’d also like to mention that Hitler told me at a later date, with obvious joy, that he had a personal discussion with von Manstein about this operational question - that he was the only general of the army who arrived at the same solution. That satisfied him highly.”
Dans la mesure où, lorsqu'il rédige ses ''carnets'' de notes, au cours de sa détention, Keitel joue sa vie, donc aussi sa ''mémoire'' au regard de l'Histoire, il n'y a objectivement aucune raison de le voir sciemment coucher par écrit des choses qui, si elles étaient fausses, pourraient aisément être démenties par d'autres (Jodl, p.ex.).
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