François Delpla a écrit:Il y a deux façons de terminer une guerre :
1) faute de combattants, donc en mettant l'adversaire entièrement hors de combat;
Peux-tu citer un exemple d'une seule guerre s'étant conclue par l'annihilation totale des forces de l'un ou l'autre parti combattant lors d'un conflit à l'échelle des nations industrialisées du XIXe au XXIe siècle ? Ce type de résultat a pu se produire dans l'antiquité à l'échelle des cités-états (ex. Carthage lors de la dernière guerre punique), mais l'immense majorité des conflits, même bien avant l'époque moderne, se sont (heureusement) conclus bien avant d'en arriver là.
François Delpla a écrit:2) en amenant un ennemi vaincu mais conservant des ressources à faire ses comptes, en fonction à la fois de ce qui lui reste et qu'il peut, soit préserver, soit lancer dans la bataille, et des conditions de paix offertes.
C'est une formule bien alambiquée pour dire qu'il y a généralement deux types de redditions possibles à l'échelle d'une guerre nationale : avec ou sans conditions. Dans les deux cas, c'est un processus qui prend du temps sans avoir d'impact sur les opérations qui se poursuivent en parallèle ; il faut que des personnes soient officiellement mandatées par chacun des deux camps pour simplement discuter des termes d'une éventuelle cessation des hostilités, avec tout ce que ça implique comme formalités (contacts par des intermédiaires crédibles, modalités et lieux de rencontre, négociations dans chaque camp, etc.).
Si une négociation des termes peut être l'issue, un cessez le feu peut être demandé par le parti faible, mais il n'y a jamais eu, à ma connaissance, dans l'histoire militaire un seul cas où une opération offensive a été interrompue à son point culminant par le parti en position de vaincre... dans l'attente d'une demande hypothétique de cessez-le feu par le vaincu probable. Ceci équivaudrait à un non-sens stratégique, autant du point de vue militaire que politique. À l'inverse, une demande de cessez le feu par le parti faible dans l'espoir de gagner du temps ou casser le momentum de l'attaquant à la seule fin de tenter de rétablir une situation temporairement catastrophique figure au rayon des "ruses" bien plus souvent employées.
En fait la "ruse nazie", selon toi, consisterait-elle à utiliser cette tactique, qui s'avèrerait a priori favorable au vaincu, dans le seul but de le pousser à continuer le combat, grâce à de faux espoirs (en tentant le sauvetage du BEF) afin de mieux le battre par la suite ?
Il y aurait un tel degré d'absurdité dans un tel geste qu'on en conclurait que Hitler serait un imbécile s'il ordonnait l'arrêt de ses chars dans cette éventualité : "pour que l'Anglais devienne réaliste" et veuille bien signifier qu'il est disposé à négocier... le sort de ses prisonniers de guerre, avant même que ses troupes ne se soient rendues (vendre la peau de l'ours avant de... on connaît la suite).
Après, on peut admettre que personne n'est infaillible au niveau de l'analyse de la situation globale de l'offensive au 24, pas même v. Rundstedt ou Hitler ; ceci, d'autant plus que l'affaire semblait pliée dans les deux camps quant aux possibilités de rembarquer autre chose que quelques fragments des divisions britanniques. Évidemment, il fallait tout de même de la part des Anglais oser se lancer à fond dans Dynamo, ce que n'a pas hésité à faire Churchill avec des résultats inespérés et l'aide de la météo. On peut dire que cette ardeur de leur part est au niveau de l'enjeu, non pas sur le tapis vert des pourparlers, mais des chances de survie dans ce conflit, pour les britanniques et à court terme.
Compte tenu, par ailleurs, de ce que tu expliques (avec d'autres) au niveau du moral d'une partie du cabinet Rosbif, on voit bien en quoi la perte de cette armée aurait pu faire pencher la balance vers la négociation. Si Hitler était alors vraiment responsable du Haltbefehl pour le motif que tu indiques, on pourrait en conclure qu'il s'est au minimum tiré une balle explosive cal. 45 dans le genoux.
François Delpla a écrit:En l'occurrence Hitler, qui a su diviser les adversaires potentiels visés dans son programme (France à châtrer, Pologne et URSS à occuper), doit empêcher leur regroupement, et l'arrivée des Etats-Unis à la rescousse.
Certes, mais en quoi cela l'avancerait vers cet objectif de faire en sorte de ménager une porte de sortie au BEF ?
Tu dis toi-même que le Haltbefehl ne sert à rien du point de vue des négociations puisque Hitler n'a aucune idée de ce qui se passe à Londres ou à Paris au même moment ; si deux jours supplémentaires avaient une quelconque importance pour permettre aux alliés de réfléchir à des propositions datées du 6 ou du 10 mai alors que, selon toi, l'écrasement de l'armée française dans cette manoeuvre était déjà planifié et considéré comme une évidence pour Hitler avant même que l'opération ne soit lancée le 10 mai... pourquoi faire attendre les chars du 25 au 26 et non pas du 29 au 30 après s'être emparé des plages de Dunkerque si c'était si évident que ça à réaliser dans son esprit ?
La seule explication serait que Hitler voudrait laisser une "porte ouverte" afin que le BEF puisse s'échapper... même si les Anglais ne voulaient pas négocier et donc continuer la guerre contre lui. Dans ce cas, quelle importance qu'ils perdent ou non la face et quel serait son intérêt de donner de "faux"ordres à l'aviation pour empêcher un rembarquement (en présumant qu'il sache qu'elle n'en fera rien) et au Groupes d'Armée B de continuer à avancer sur Dunkerque pour venir cueillir les prisonniers ?
François Delpla a écrit:Il vient d'être dit qu'il gagne
-si la poche des Flandres est refermée et que dans la foulée il attaque l'URSS (docu Arte);
-s'il envahit et occupe la Grande-Bretagne (Alain Adam, promu uchroniste en chef).
Dans les deux cas, il conviendrait de démontrer que s'inclinent à coup sûr, devant le fait accompli, le monde anglo-saxon, l'URSS, et tous les gouvernements réfugiés à Londres, sans oublier la France qui ne se laisse pas entraîner nécessairement dans un armistice (dans l'histoire réelle, elle le fait en étant persuadée que la paix générale est une question de jours).
Je n'ai pour ma part rien lu de tel sur ce fil car "Arte" n'a rien posté. Cela faisait partie d'un de tes posts. Si Hitler devait réussir à envahir la Grande Bretagne en 1940, ce ne serait certainement pas avant que l'armée française soit battue en Juin et que l'armistice soit signée avec la France ; autrement, il renierait les objectifs de Gelb/Rot.... mais on sait bien qu'il n'en fit rien car non seulement le BEF rembarqua, mais il ne réussit pas à s'assurer la superiorité aérienne voulue pour envisager de tenter l'opération amphibie (avant que la fenêtre météo jugée possible se referme à l'automne 1940).
Dans l'histoire réelle, il n'y a pas que la France qui s'attend à ce que la paix soit conclue suite à l'armistice ; nombreux sont ceux qui pensent que l'Angleterre va aussi négocier, y compris chez les Allemands.
D'où la conclusion que le Haltbefehl était une grosse bourde si l'objectif était de faire plier les Anglais... et si l'on considère que son absence aurait pu entraîner la capture de la presque totalité du BEF sans venir compromettre l'exécution du plan Rot (mais c'est discutable et discuté).
bien cordialement,
Olivier