Loïc Charpentier a écrit:Les documents officiels accréditant la thèse militaire, vous avez pris soin d'en contester l'authenticité, en arguant d'une volonté de leurs rédacteurs à tenter de les faire coller à la "pensée" hitlérienne, ce qui, au passage, reste à prouver.
Pas d'observation,
sur ce mien message? Au fait, j'attends toujours vos réponses
à mes questions.
Loïc Charpentier a écrit:Cela dit, si vous-même, et vos petits camarades, parveniez à m'expliquer, clairement, pourquoi Hitler avait collé ses fesses dans un Ju-52, dans la nuit du 23 au 24 mai, pour aller tailler le bout de gras avec Runstedt, alors que, selon vous, le Haltebefehl était, purement, une "décision" politique ? Dans ces conditions, il lui suffisait de s'emparer de son téléphone pour ordonner à l'OKH, ladite halte.
1/ Je ne comprends pas: selon vous, Hitler aurait donc
"collé ses fesses dans un Ju-52, dans la nuit du 23 au 24 mai" simplement pour entendre Von Rundstedt lui faire un rapport de situation? Pourquoi ne pas faire comme avant, à savoir missionner Keitel, dans cette logique? S'agirait pour vous d'être plus clair, Loïc...
2/ Pour rappel, les rapports entre Hitler et l'armée - ainsi que, plus précisément, l'
O.K.H. - sont tout sauf harmonieux, stables, et hiérarchiquement figés. Au point que, pour rappel, Halder et Brauchitsch ont, par le passé, conspiré contre Hitler (certes très mollement, mais conspiré tout de même). De surcroît, l'armée allemande n'est pas une machine disciplinée, et des plus hauts échelons jusqu'à la ligne de front, l'esprit d'initiative domine. Dès lors, Hitler avait tout lieu de craindre que son ordre du 24 mai, parce que militairement crétin, ne serait pas, ou serait mal exécuté. Du reste, le comportement de Brauchitsch et, dans une moindre mesure, de Halder les 23 et 24 mai, prouve à quel point il avait raison de se méfier d'eux. Sans parler des généraux sur le terrain, de Von Kluge aux divisionnaires, qui hurleront contre l'ordre d'arrêt. Bref, le
Führer avait besoin d'un genre de surveillant-général qui endosse l'ordre et veille à son application. Et il était tout trouvé en la personne de Von Rundstedt. D'où la comédie du 24 mai à Charleville.
Loïc Charpentier a écrit:En fait, d'après vous, tout en sachant, par avance, qu'il allait "ordonner" le Haltbefehl, Hitler, pour enfumer tout son entourage sur ses intentions réelles, avait pris le risque de prendre un avion, juste pour prendre un café avec Runstedt et lui annoncer, tout de go, qu'il était, plus ou moins, incompétent, mais que, bon, dans sa grande largesse, il voulait bien "s'aligner" sur ses suggestions. On croit rêver!
Vous baignez en pleine fantasmagorie, mon pauvre. Personne ne va jusqu'à écrire une billevesée pareille. Rundstedt est un complice, pas une dupe - du moins, pas totalement. La circonstance qu'il justifie le 25 mai 1940 l'ordre d'arrêt par des explications différentes et contradictoires le prouve amplement.
Et: c'est Rundstedt, pas "Runstedt".
Loïc Charpentier a écrit:Je persiste et signe! Votre théorie "politique", vis-à-vis de la Grande-Bretagne, n'est pas totalement infondée, elle fait partie - et c'est logique- des projections à court terme d'un chef d'état, mais, en l'occurence, arrivé sur place, "Dodolf" n'avait pu que s'aligner sur la position de Runstedt, qui, en 90 minutes (tasse de café comprise), lui avait fait voir les tenants et aboutissants de la situation de ses troupes.
90 minutes? Certainement pas: Hitler arrive à 11 h30, l'ordre d'arrêt est émis une heure plus tard. Au passage, ce fait a été constamment rappelé sur ce fil, si bien qu'il est... disons, hum... étonnant que vous commettiez cette bourde horaire. Etonnant si vous êtes de bonne foi, bien entendu...
Bref, à supposer que, selon diverses explications "militaires" Hitler s'aligne sur la position de Von Rundstedt (
ce qui n'est nullement le cas), laquelle conduit à un revirement stratégique de colossale envergure, il est convaincu
en moins d'une heure... Ce qui est difficile à croire en soi. Et devient carrément ubuesque quand on se reporte à la documentation d'ensemble.
Loïc Charpentier a écrit:On a beau être un dictateur assoiffé de sang et de pouvoir, qui ne rêve que d'appliquer les recettes qu'il a pondu, en tôle, 17 ans plus tôt, à un moment, il convient qu'il se réfère, lui-aussi, à la situation militaire exacte, sous peine qu'elle tourne, rapidement, au vinaigre Le flanc gauche de l'armée allemande essaye de se protéger des contre-attaques alliées, en installant des petits groupes de protection sur la Somme. Devant, vers la mer, il n'y a rien que 400 000 hommes, solidement armés et retranchés... même s'ils ont du se replier! Et , au même moment, personne n'est foutu de préciser la position des divisions éparpillées entre Charleville et la côte! A tout cela, il faut rajouter les problèmes techniques et de ravitaillement, dus à l'étirement des lignes - en son temps, j'avais publié les documents de l'OKH y afférant, mais vous aviez pris soin de les ignorer -.
Toutes les cartes existantes de l'OKH prouvent cette situation!
Bon, maintenant, je repars à mes préoccupations premières, rédiger, dans le délai imparti, des "petits Mickeys", pour une boite d'édition.
Or donc, si je vous suis bien,
- lorsque, d'après un document contemporain du 25 mai 1940, Von Kluge
"de même que le général Von Kleist, jugent qu'il vaut mieux aller de l'avant", ils considèrent qu'il est impossible d'aller de l'avant?
- lorsque ce même Von Kluge tempête au téléphone le 25 mai 1940:
"Si j'en avais eu le droit, aujourd'hui les chars se trouveraient sur les hauteurs de Cassel", il considère qu'il est impossible d'aller de l'avant?
- lorsque le général Reinhardt considère qu'interrompre l'attaque est une erreur, que seules font obstacle à ses chars des
"forces rapidement amenées", et que stopper
"ne profitera qu'à l'adversaire", il considère qu'il est impossible d'aller de l'avant?
- lorsque l'auteur du journal de marche du corps blindé dirigé par Guderian, on trouve cette remarque: à cause de l'ordre d'arrêt,
"on laissait pratiquement tomber les idées offensives qui avaient prévalu jusque là", ledit auteur considère qu'il est impossible d'aller de l'avant? Guderian, d'ailleurs, qui a protesté contre l'ordre d'arrêt, il s'exprimait comme vous?
- lorsque l'auteur du journal de marche de la
6. Panzer-Division écrit;
"Le 24 mai au lever du jour, à partir de la tête de pont déjà acquise, la division aurait pu mener l'offensive vers l'est de toutes ses forces, face à un ennemi inférieur", il considère sa division (qui a franchi la ligne des canaux le 23 mai et se trouve alors à dix bornes de Cassel malgré ses "contraintes logistiques") ne peut aller de l'avant?
Quant à vos différentes allégations, elles sont toutes inexactes - pour rester courtois (
"il n'y a rien que 400 000 hommes, solidement armés et retranchés"? vous êtes sérieux, là?). Je vous invite à consulter ces extraits des rapports de la
Fremde Heere West mis en ligne sur ce forum, lesquels révèlent que les Allemands, s'ils n'étaient pas parvenus à identifier toutes les formations alliées selon les jours, s'en étaient faits tout de même l'idée suivante: résistance acharnée dans certains secteurs, certes, mais désintégration progressive de l'ensemble, constamment bousculé, et - devinez quoi - à court de munitions, de nourriture et d'essence (cf. le rapport de situation n°325 du 24 mai à 12 h 30:
"Mehrere Funksprüche und Gefangenenaussagen zeigen, dass bei eingeschlossener Feindgruppe Mangel an Munition, Verpflegung und Betriebsstoff eingetreten ist").
Pour finir, je reviens sur la matinée du 24 mai, en reproduisant un ancien message de ma part auquel les partisans d'explications "militaires" n'ont, bien évidemment, jamais répondu:
Nicolas Bernard a écrit:Pour info: le 24 mai, il est certain que la "crise d'Arras" est totalement surmontée, ce qui permet aux forces blindées teutonnes de remonter vers le nord-est. Au point que, comme le relatera l'historien (ouest-)allemand Hans Meier-Welcker,
"les forces allemandes ont atteint le sud-ouest de Lens (hauteurs de Vimy) dans la soirée du 24 mai" (Meier-Welcker, "Der Entschluss zum Anhalten der deutschen Panzertruppen in Flandern 1940",
op. cit., p. 280). Ce que confirme, du reste, la carte que vous trouverez
p. 847 de cet article.
D'après Jacobsen dans son
Dünkirchen,
op. cit., p., ce 24 mai, à 9 h 41 du matin, Von Kluge téléphone au commandement du Groupe d'Armées A et ne fait état que d'un risque d'attaque, conduites par de
"faibles forces", sur Amiens (de fait, dans la journée, Halder consigne dans son Journal qu'une telle attaque se produit dans le secteur Abbeville-Amiens, laquelle, quoique
"vigoureuse" sur Corbie-Péronne, est manifestement repoussée). Kluge ajoute qu'il souhaite libérer davantage de forces motorisées pour conduire la bataille sur l'aile nord, et à ce qu'une division lui soit transférée, visiblement pour obtenir le maximum d'unités dans la perspective du transfert de son armée du Groupe d'Armées A au Groupe d'Armées B.
"Ce n'est qu'en procédant de la sorte qu'un commandement unifié deviendra possible".
Bref, Von Kluge a bel et bien en tête de rameuter davantage de formations blindées pour soutenir l'effort dans le nord. Il a l'intention d'autoriser le Groupe Kleist à s'emparer de Cassel, et d'autoriser le Groupe Hoth à rejoindre la
"ligne des canaux". Ce qui n'a aucun sens s'il s'inquiète pour Arras - du reste, il ne fait mention, sans s'en préoccuper, que d'un risque de contre-attaque alliée sur Amiens (laquelle sera effectivement mise en échec).
Au matin du 24 mai, le commandement du Groupe d'Armées A sait donc à quoi s'en tenir. Il pourrait donc laisser Kluge agir, d'autant que le transfert de la 4.
Armee va très bientôt entrer en vigueur. Or, il se borne à répondre à Kluge que
"l'on devrait s'en tenir aux mesures prises la veille par la 4. Armee
", ce qui, à mon avis, renvoie à la "pause" de 24 heures décidée le 23 mai. Dans cette logique, le fait suggère que Von Rundstedt adresse à Kluge le message codé suivant:
"Tu veux aller de l'avant? Tu réclames davantage de troupes? Attends là, mon gaillard, ne t'avance pas trop: je sais que l'O.K.H. va te transférer, toi et ton armée, à Von Bock - mais attends un peu que le Führer
nous rejoigne, incessamment sous peu..." Ce qui laisse à penser qu'il sait, d'avance, que Hitler va prescrire une pause - et, par définition, lui laisser la 4.
Armee.
L'analyse de Von Kluge au matin du 24 mai 1940, confirmée par les faits, jure totalement avec les explications de type "militaire".