Je crée ce fil pour qu'un espace approprié soit dédié à une discussion passionnante qui a commencé aujourd'hui sur le fil du Haltbefehl.
François Delpla a écrit:C'est bien la présence de Churchill au 10 DS et son maintien malgré la chute de la France qui obligent Hitler, jusque là si prudent et si bon calculateur, à tout miser sur l'écrasement de la Russie en trois mois l'année suivante.
Alias Marduk répond à François Delpla :
Une question François, vous êtes devenu fonctionnaliste ? ( car je ne vous classais pas dans ce courant )
Parce que soit je comprends mal le sens de vos propos ( ce qui est certainement le plus probable ) soit vous défendez l'idée que c'est la résistance britannique qui oblige Hitler à se retourner vers Staline
A titre perso, je ne défends absolument pas cette idée : je pense que le retournement de Hitler vers L'URSS ( bien que limité ) est d'ordre idéologique
Je maintiens par ailleurs que Staline est le réel vainqueur de Hitler : je suis en accord avec ceux qui mettent cette victoire au pluriel ( Staline, Churchill et Roosevelt ) mais si je dois en citer un seul, le rôle essentiel ( et primordial ) de Staline ( et encore plus du peuple soviétique ) est pour moi évident
Alias Marduk a également écrit :
C'est en envahissant l'URSS et en rencontrant un adversaire bien mieux préparer que lui à une lutte à mort que Hitler a scellé son destin : si Staline n'avait pas en 1941 ( et de nouveau en 1942 ) réussit à mobilise des centaines de divisions et brigades supplémentaires ( par rapport au plan de mobilisation MP 41 ) Hitler aurait gagné la guerre et le maintien de Churchill au 10 .. aurait été un non événement
Nicolas Bernard a écrit :
(...) je rejoins F.D. sur ce coup là:
1/ A supposer que Hitler ait pris l'offensive à l'ouest avant la chute de Chamberlain (ce qui aurait maintenu au pouvoir l'homme de Munich), ou que, fin mai, Lord Halifax ait réussi à arracher du Cabinet britannique la paix séparée que Churchill combattait, l'Allemagne nazie obtenait sa "paix sur les plages" (expression de Jodl, je crois?), et donc se retrouvait en position de force sur l'échiquier européen. Conséquence imparable, elle pouvait s'attaquer à la Russie sans crainte pour ses arrières - mieux: ladite paix aurait restauré les échanges commerciaux avec l'Occident! De quoi permettre au Reich d'avoir totalement accès aux matières premières et autres ressources qui lui ont fait défaut face à l'Armée rouge... Livrée à elle-même, totalement privée d'assistance anglo-saxonne, je ne donnais pas cher de l'URSS dans cette hypothèse.
2/ L'échec des Allemands face à l'URSS en 1941 ne découle pas uniquement des vastes effectifs de l'Armée rouge. La Wehrmacht a également commis des erreurs stratégiques cruciales, telles que celle d'avoir privilégié, en octobre 1941, une vaste manoeuvre d'encerclement de Moscou au détriment d'un assaut direct, qui à mon sens n'était pas dépourvu de chances de succès, et aurait pu conduire à mettre Staline (alors très ébranlé) à genoux. Scénario hypothétique, certes (par bonheur), mais point invraisemblable. Bref, tout n'était pas joué au 22 juin 1941, mais dès lors que la Grande-Bretagne résistait, ce qui impliquait à terme l'entrée en guerre des Etats-Unis, le pari de Hitler apparaissait bien plus hasardeux.
3/ Pour finir, il me semble évident que Hitler a pris la décision, en juillet 1940, de s'en prendre à l'Union soviétique parce qu'il redoutait un emballement de la guerre à l'Ouest, compte tenu des perspectives d'alliance anglo-américaine. Il lui importait d'éliminer l'Armée rouge avant que cette dernière n'ait achevé sa modernisation, et avant que les Anglo-Saxons n'aient les moyens de lui chercher noise en Europe. Si, comme à Dunkerque, il appliquait à la lettre son idéologie, force lui était de constater qu'il n'avait pas le choix: attendre ne pouvait que réduire ses chances de succès, car c'était accorder un plus long "répit" à ses adversaires.
La réponse de Tomcat à Nicolas Bernard :
Bonjour Nicolas,
Pour le 1/, je suis d'accord sauf pour les échanges commerciaux, on peut aussi supposer qu'ils soient volontairement limités avec l'Allemagne Nazi et que des échanges ou des aides soient apportés à l'URSS même en cas de paix. La situation de l'URSS aurait été beaucoup plus difficile mais n'aurait pas forcément signé sa perte. Il faut rajouter que les USA sont rentrés en guerre suite à l'attaque des Japonais, le maintien de Churchill ou non n'aurait pas empêchés l'attaque des Japonais.
Pour le 2/, La Wehrmacht a également commis des erreurs mais la prise de Moscou (encore faut-il y arriver) n'aurait pas signifié la fin de l'URSS, l'administration et le gouvernement avaient déjà pris ses dispositions pour déménager et Staline avait repris sa combativité. Néanmoins sa prise aurait compliqué les choses pour les russes notamment en ce qui concerne le trafic ferroviaire.
Pour le 3/ Il est clair qu'en se battant sur 2 fronts, l'Allemagne était condamnée à plus ou moins long terme. Toujours est-il que l'URSS a toujours été la cible principale d'Hitler, son invasion était prévue de toute façon avec ou sans paix à l'ouest, la perspective de l'entrée en guerre des USA a peut-être fait avancer la date de l'invasion mais d'un autre côté même avec une paix à l'ouest l'armée rouge était en pleine réorganisation et modernisation, lui accorder 1 ou 2 ans de plus aurait été plus dommageable que bénéfique.
Nicolas Bernard répond à Tomcat :
J'admets qu'il est toujours difficile d'effectuer une analyse uchronique, laquelle révèle surtout l'intime conviction de son auteur. Elle ne m'en apparaît pas moins indispensable. Du coup, ma réponse reprend la numérotation de mon message initial:
1/ La paix à l'ouest avant la fin du printemps 1940 restaure les relations commerciales entre l'Allemagne, l'Angleterre et la France, et met fin au blocus allié. Cet état de fait réduit encore davantage la marge de manoeuvre de Staline: ce dernier doit se montrer encore plus généreux, en termes de concessions, s'il veut espérer amadouer Hitler (pour rappel: dans notre merveilleuse réalité, Staline accroît considérablement l'aide économique au Reich après la défaite de la France, si bien que, contrairement à une légende tenace, ce n'est pas avec le pétrole soviétique que la Wehrmacht a déferlé sur notre beau pays - voir plus de détails dans mon bouquin, pub gratuite). En cas de guerre germano-soviétique, les Occidentaux ne sauraient bien entendu s'interdire de poursuivre leurs échanges économiques avec l'URSS. Mais ils ne sauraient en aucun cas lui dispenser l'aide colossale dont elle bénéficiera dans notre réalité (laquelle n'est pas allée de soi). Bref, cette fois, l'URSS se serait effectivement retrouvée seule face à Hitler. Le Japon, de son côté, aurait-il pris les armes contre les Alliés? Je n'y crois guère: d'abord parce qu'une "paix de compromis" entre la France et l'Allemagne aurait peut-être préservé l'Indochine française des appétits nippons - or, c'est la mainmise progressive du Japon sur la péninsule indochinoise qui conduira à l'affrontement entre Tôkyô et les Anglo-Saxons. En toute hypothèse, Hitler n'aurait eu nul besoin du Japon pour l'aider à vaincre l'URSS, si bien qu'il ne lui aurait donné aucune garantie de soutien (or, il ne s'en est pas privé dans notre réalité), si bien que les "responsables" japonais y auraient réfléchi à deux fois avant de bombarder Pearl Harbor.
2/ Dans mon scénar' (purement spéculatif, je l'admets), l'armée allemande, à l'issue des triomphes de Viazma-Briansk, fond directement sur Moscou (au lieu de perdre son temps à l'encercler!) et s'en empare vers la mi-octobre. Or c'est à cette époque que, dans notre joyeuse réalité, Staline vacille. Vraiment. Terriblement. A Moscou même, l'administration, partiellement évacuée, perd le contrôle, des désordres se multiplient, des milliers de membres du Parti déchirent leur carte, on assiste à des incidents antisémites, même les forces de police restent l'arme au pied - l'ordre ne reviendra que parce que Staline décidera de rester, et parce que les Allemands tenteront de contourner la capitale, accordant au régime soviétique le répit indispensable pour reprendre la main. Le dictateur soviétique serait-il parvenu à un tel résultat dans mon hypothèse? J'en doute fort. En ce qui me concerne, j'estime fort possible qu'il aurait arrêté les frais. Sans parler de l'impact strictement militaire et logistique de la chute de Moscou, sa perte de prestige eût été considérable, et je considère qu'après un tel désastre - le désastre de trop - il aurait tenu à limiter les dégâts pour conserver son propre pouvoir, raisonnant comme les généraux français en juin quarante. Quitte à transformer la Russie (du moins, celle non-occupée par l'Axe) en Vichy-bis, avec la bénédiction de Hitler.
3/ Je suis d'accord avec vous. Je vois mal Hitler s'abstenir d'attaquer l'URSS après sa "paix sur les sables" avec l'Occident. Mais après avoir longtemps pensé le contraire à une époque, je n'exclus pas non plus qu'il aurait davantage pris son temps...