Comme promis, un résumé de ce qu'écrit JC Notin sur le sujet:
Au sujet des viols, il convient de faire la part des choses entre les faits et ce qui a pu être raconté. Ainsi en 1966, le député italien Covelli (néo-fasciste) affirma que 60 000 viols avaient été commis dans les provinces où opérait le CEF, et cela pour un effectif de 130 000 hommes. De nombreuses rumeurs ont été colportées sur de nombreuses exactions, soi-disant commises par les troupes françaises.
En fait les enquêtes montrent qu’il y a une grosse part d’affabulation derrière tout ça. Jusqu’en 1945, les juridictions militaires ont ouvert 160 informations judiciaires, concernant 360 individus. Il y eut 125 condamnations pour des affaires de viol, 12 pour attentats à la pudeur et 17 pour homicides volontaires. Les peines étaient lourdes, avec de la prison, des travaux forcés et même des condamnations à mort. Il n’y eut aucune indulgence ou complaisance de la part des autorités militaires, mais au contraire une grande sévérité. Il s’agissait de préserver la réputation de la jeune armée française. Les chefs d’unités étaient d’une très grande vigilance, n’hésitant pas à juger sur le champ des soldats pris en flagrant délit. Les mesures étaient impitoyables, avec des exécutions devant la troupe. Pour les officiers, c’était indispensable afin de se faire respecter de leurs hommes. Sans cela ils risquaient de perdre toute autorité. D’ailleurs les soldats approuvaient les mesures prises.
Alors pourquoi un tel décalage entre ces faits, et les nombreuses accusations au sujet des troupes françaises ? Plusieurs causes selon l’auteur : les Marocains étaient très souvent mis en cause dans des affaires concernant d’autres soldats alliés, ils servaient en fait de "coupables passe-partout". S’y ajoute la propagande nazie, afin d’inciter les troupes du Reich à se battre, mais aussi pour faire endosser aux Marocains les crimes commis par la Wehrmacht. Pour les Italiens il s’agissait de dénigrer les Français, vaincus en 1940 et maintenant dans le camp des vainqueurs. Le Vatican, pour sa part, était probablement effrayé par l’arrivée massive de Musulmans sur le sol italien. Plus surprenant, certaines rumeurs venaient également du côté français. Selon le général Guillaume, commandant les groupements de tabors, les autorités civiles du Maroc souhaitaient le retour des troupes, suite à des troubles dans le pays. D’autre part, il y avait également la volonté d’effrayer l’ennemi en lui promettant le pire.
En ce qui concerne les vols et autres pillages, il s’agit surtout de bétail. Deux raisons à cela : d’une part l’habitude française de "vivre sur le pays", d’autre part les déficiences du ravitaillement anglo-américain. Résultat les troupes ont utilisé le cheptel italien, encore qu’il ne s’agissait pas toujours de spoliation. Le plus souvent le bétail récupéré l’était dans des villages abandonnés. Il arrivait aussi que des éleveurs viennent eux-même proposer leurs services. A partir du 1er juin 44, la Vème armée prit en charge le ravitaillement alimentaire du CEF (hormis le vin, l’eau-de-vie et l’huile qui venaient d’Afrique du nord), ce qui fit diminuer les cas de vols de bétail. L’AMGOT autorisa les troupes marocaines à prélever 50 000 ovins sur le cheptel italien, de leur côté les Allemands ponctionnèrent près d’un million et demi de têtes.
Il y eut également d’autres types de vols concernant des biens divers, mais ce n’était en rien du pillage organisé comme certains l’ont cru. D’ailleurs, comme l’explique l’auteur, il aurait été impossible de tout ramener en Afrique du Nord, puisque ce sont les Américains qui contrôlaient les transports maritimes.
Voila, tout cela est très bien expliqué aux pages 500 à 513.