autre correction : la traduction désastreuse du passage essentiel de la lettre de Heydrich dans le livre de G. Joseph sur Brinon.
Burrin donne le texte allemand :
Seine Vorschläge wurden von mir erst in dem Augenblick angenommen, als auch von höchster Stelle mit aller Schärfe das Judentum als der verantwortliche Brandstifter in Europa gekennzeichnet wurde, der endgültig verschwinden muss."
en corrigeant moi-même légèrement sa traduction je propose :
Ses propositions [les offres de services de Deloncle au sujet des synagogues] n'ont été agréées par moi qu'à partir du moment où la Juiverie a été caractérisée par l'instance suprême comme l'incendiaire responsable en Europe, qui doit disparaître définitivement.
Le désaccord entre Burrin et Husson est instructif, du point de vue de nos méditations théoriques
viewtopic.php?f=17&t=37649 et pratiques sur la méthode historique.
Burrin croit Heydrich sur parole : en supposant qu'"une à deux semaines" ont suffi pour préparer les plastiquages, il en conclut que la politique antisémite de Hitler a pris un virage fondamental dans la deuxième quinzaine de septembre. Husson, au contraire, part de la date de la lettre, et du caractère tardif de cette réponse à Wagner, pour conclure que l'important, c'est ce qui vient de se passer, et que Heydrich trompe son monde en prétendant qu'il avait, dès septembre, raisonné comme quelqu'un que Hitler venait de charger de faire disparaître les Juifs.
Pour ma part, je résous les contradictions comme suit.
Les trois H ont concocté vers la mi-septembre (très vraisemblablement en concertation avec Abetz, préposé en chef à la manipulation des groupes collabos français et passé maître dans l'art de leur faire des suggestions; selon la chronologie de ses absences de Paris, qui manquait cruellement jusque là, publiée en 2001par Barbara Lambauer, il séjourne au QG de Hitler du 16 au 22 septembre !) une nuit bleue à Paris pour le début d'octobre, avec toutes les motivations que j'ai dites. Non seulement O v.Stülpnagel mais Brauchitsch, Wagner et consorts sont vent debout, comme escompté. Le 6 novembre, les temps sont mûrs pour leur river leur clou, très sévèrement, en lâchant la bride à l'insolence de Heydrich à leur égard. Cela ne veut pas tout à fait dire que la Solution finale, sous la forme d'un génocide général, vient d'être décidée -puisque l'idée que Hitler en donne l'ordre à Himmler le 9 en marge des commémorations munichoises continue de me séduire. Mais en tout cas, que Hitler a annoncé et autorisé une sévérité maximale.
PS.- Avec mon esprit de l'escalier, je viens seulement de consulter l'agenda de Himmler... et d'y trouver un déjeuner avec le Führer et Abetz, le 16 septembre*.
Petit à petit le puzzle se remplit !
* l'éditeur des agendas, qui fait le rapprochement entre le mot "explosifs" du 6 novembre et l'affaire des synagogues, ne pense pas à le faire ici et rapproche ce déjeuner d'une sugggestion de Zeitschel, spécialiste des questions juives auprès d'Abetz : il avait demandé à l'ambassadeur de soumettre aux autorités du Reich l'idée de déporter les Juifs européens vers l'est (d'après des documents publiés par Klarsfeld). L'un n'exclut pas l'autre !