COUR DE CASSATION Robert Hébras, survivant d’Oradour, n’a pas diffamé les Malgré-Nous.
le 17/10/2013 à 05:00 Patrick Fluckiger
Robert Hébras (à gauche), en mars 2012, racontant à des élèves alsaciens comment il a pu s’échapper de la grange aujourd’hui en ruine, derrière lui. Archives Jean-Louis Lichtenauer
La Cour de cassation a annulé hier, sans renvoi, la condamnation du survivant du 10 juin 1944. Robert Hébras, 88 ans, avait mis en doute la qualité d’incorporés de force des SS alsaciens qui avaient participé au massacre.
Robert Hébras, 88 ans, l’un des derniers survivants du massacre d’Oradour-sur-Glane perpétré le 10 juin 1944, n’a pas diffamé les Malgré-Nous alsaciens qui étaient ce jour-là dans les rangs de la division SS Das Reich : la Cour de cassation a annulé hier sa condamnation à un euro symbolique et 10 000 € de frais de justice prononcée le 12 septembre 2012 par la Cour d’appel de Colmar.
Robert Hébras avait parlé, dans son livre Oradour-sur-Glane, le drame heure par heure paru en 1992, de « soi-disant incorporés de force dans les unités SS » à propos des 14 Alsaciens qui avaient participé au massacre. Or un seul était volontaire. Robert Hébras avait par la suite retiré ses propos, et était même venu s’excuser à Strasbourg d’avoir méconnu la réalité de l’incorporation de force.
Mais une réédition de son livre en 2008 avait repris – « par erreur de l’éditeur qui ne m’avait pas soumis le bon à tirer » – la version première. Les associations d’anciens incorporés de force du Bas-Rhin et du Haut-Rhin avaient porté plainte. Déboutés en première instance, elles avaient obtenu satisfaction en appel.
« Objet de polémique »
La Cour de cassation a annulé le second jugement au nom de la liberté d’expression, en se fondant sur l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme. Elle remarque que les propos tenus par Robert Hébras, « s’ils ont pu heurter, choquer ou inquiéter les associations demanderesses, ne faisaient qu’exprimer un doute sur une question historique objet de polémique, de sorte qu’ils ne dépassaient pas les limites de la liberté d’expression ».
Fait rare, la Cour de cassation n’a pas ordonné le renvoi de l’affaire devant une nouvelle cour d’appel : le litige est donc définitivement clos, du moins pour la justice française.
« La Cour s’est fait juge sur le fond , analyse Me Françoise Thouin-Palat, qui défendait Robert Hébras en cassation. En publiant son arrêt et en cassant sans renvoi, elle marque une décision de principe et montre qu’elle exerce un contrôle extrêmement poussé en matière de liberté d’expression. » Et d’ajouter : « M. Hébras, qui ne nourrit aucune querelle personnelle contre les Alsaciens enrôlés de force dans l’armée allemande, se réjouit de cette décision qui, dans la ligne constante de la jurisprudence, contribue à renforcer la liberté d’expression dans notre pays. Comme l’a voulu le général de Gaulle, le souvenir d’Oradour-sur-Glane ne doit pas s’éteindre. »
Me Jean-Pierre Chevallier, qui défendait les incorporés de force (lire aussi les réactions ci-contre) devant la Cour de cassation, résume : « La Cour a privilégié la liberté d’expression face au courroux légitime des deux associations. »
A lire aussi
Un dernier recours devant la Cour européenne ? ( http://www.lalsace.fr/actualite/2013/10 ... europeenne )
Source: http://www.lalsace.fr/actualite/2013/10 ... algre-nous
Cordialement.