Les gens que le télégramme Lequio dérange ont jusqu'ici développé deux types de stratégie, assez amusants à observer quand ils sont mis en oeuvre par la même personne :
-ses informations pourraient être fausses;
-même si elles sont vraies, cela ne change rien.
Sur le premier point, un NON catégorique s'impose. Lequio est un ambassadeur chevronné, placé par Mussolini en un endroit stratégique. Il sait mesurer le caractère à la fois stupéfiant et capital de l'information qu'il transmet et ne le ferait pas sans d'excellentes raisons de la croire exacte. Y compris le fait que son collègue allemand Stohrer, lui aussi fort compétent, en fait autant de son côté : cela, il ne peut guère le tenir que de Stohrer, ce qui suggère qu'ils se sont entretenus et sont tous deux d'accord sur la véracité des nouvelles concernant la conversation Hoare-Hohenlohe, et l'urgence d'en informer leurs gouvernements respectifs.
Sur le second point, on nous dit que Hitler a bien pu sauter de joie en recevant ces nouvelles, mais qu'il a dû déchanter progressivement en voyant qu'il ne se passait rien à Londres et que, le 10 mai, l'espoir devait être complètement retombé. Hé mais, voilà une parfaite illustration d'un défaut que tant et plus certains contradicteurs, à tort, me reprochent : spéculer à partir de RIEN DU TOUT.
Car, encore une fois, nous ne savons rien de la réception de ce télégramme et de ces informations, ni en Italie ni en Allemagne. Le télégramme de Lequio est une pièce unique, miraculée, qui nous ouvre des perspectives révolutionnaires sur un moment charnière de la guerre.
Il y a cependant moyen (donc devoir) de le mettre en rapport avec deux ou trois choses : comme je l'ai déjà dit et répété, la conversation de Genève et le rendez-vous de Lisbonne, de nature à "prouver" à Hitler que l'affaire suit son cours... et à créer chez lui une exaspération devant la lenteur du processus. Mais il a aussi à se mettre sous la dent deux épisodes antérieurs du même acabit, où on a vu des dirigeants conservateurs de haut vol trahir Churchill en recherchant des interlocuteurs allemands pour causer de paix : la conversation Halifax-Bastianini du 25 mai 40
http://www.delpla.org/article.php3?id_article=377 et la conversation Butler-Prytz du 17 juin suivant
http://www.delpla.org/article.php3?id_article=102 . Sur la première, une difficulté : nous ne savons pas si Mussolini en a informé Hitler; mais au total, il a bien dû saisir le rôle moteur de Churchill dans le maintien de l'Angleterre en guerre... et le rôle frein de Halifax !
Donc la démarche de Hoare s'inscrit dans un ensemble, en amont et en aval. Il y en a assez pour que Hitler suppose l'existence d'un parti de la paix, et enrage de ne pas en savoir plus.