Post Numéro: 9
de François Delpla
08 Mar 2011, 03:57
Que le vol de Hess ait été discrètement assisté, c'est une hypothèse séduisante mais, jusqu'à preuve du contraire, entièrement fondée sur des considérations indirectes, concernant la difficulté d'assumer à la fois le pilotage et la navigation. Or l'absence de preuve directe, par exemple les aveux d'après guerre d'un complice chargé d'envoyer des signaux de guidage depuis une station quelconque, nous fait sombrer dans une théorie de la conspiration complexe et bien peu nazie : il y aurait eu un réseau de complices parfaitement pris en main et chambrés, comme Hess lui-même, pour se taire jusqu'à la tombe.
Or les très nombreux témoins qui ont déposé sous une forme ou sous une autre racontent tous la même et plausible histoire : Hess s'entraînait comme un malade, bichonnait son appareil et suivait de près la météo, mais ne disait rien de la date ni de la destination d'un éventuel envol et personne n'était d'humeur à cuisiner sur un secret d'Etat le numéro 3 du régime.
L'énigme intéressante, sur laquelle les tenants de la théorie d'un Hess "acteur unique", volant indépendamment de toute complicité dans l'appareil dirigeant et allemand, et anglais, s'attardent fort peu, porte sur l'inexistence d'un entraînement au parachutisme, alors que l'arrivée devait être nocturne dans une région fort accidentée. Hess, qui a raconté son vol dans une lettre à son fils quelques jours plus tard, écrit qu'il ne s'était même pas penché sur la difficulté d'ouvrir le cockpit en plein vol et a vu le moment où il n'y arriverait pas. Tout en reconnaissant qu'il n'avait jamais sauté, et en prétendant qu'il pensait que c'était facile ! Il veut donc lui-même faire accroire que c'était prévu mais nous, nous sommes bien obligés de déduire soit qu'il était idiot et suicidaire, soit qu'il avait prévu d'atterrir et que le vol, parfait jusque là, s'est déréglé dans sa partie finale. Or un atterrissage, en temps de guerre et chez l'ennemi, suppose un contact au sol, surtout de nuit (mais il ne peut être que nocturne, pour augmenter les chances d'échapper à la chasse ou, si celle-ci est complice, la plausibilité d'un échec des tentatives d'abattre l'appareil).
Les tenants d'un Hess acteur pas unique ont longtemps emprunté, c'est le cas de le dire, une fausse piste : puisqu'il allait voir le duc de Hamilton (un aveu nazi, dès le 13 mai 41, que les Anglais n'ont pas démenti), on a supposé qu'il comptait atterrir sur son terrain privé de Dungavel. Après avoir longtemps négligé de répondre, les tenants de l'acteur unique ont marqué un point dans les années 90 : Roy Nesbit a démontré que ce terrain était, à l'époque, inutilisé (il devait être prêté aux services sanitaires l'année suivante) et, de toute manière, beaucoup trop court.
Mais si Martin Allen a fâcheusement négligé ce point, un mordu de la théorie d'un Hess piégé par le MI6, John Harris, a relevé le défi et présenté une autre hypothèse : il y a à quelques kilomètre de Dungavel un aérodrome adapté, celui de Prestwick, et c'est là que Hess allait. Ce qui a pour inconvénient, mais en est-ce un ? de multiplier les complicités britanniques.
Et puis zut, on est presque obligé d'adhérer malgré tous les inconvénients car sinon, comment expliquer l'absence d'entraînement au parachutisme ?