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RAVITAILLEMENT

Cette rubrique renferme tout ce qui concerne le front ouest du conflit, y compris la bataille des Ardennes ainsi que les sujets communs à tous les fronts tels, les enfants et les femmes dans la guerre, les services secrets, espionnage...
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RAVITAILLEMENT

Nouveau message Post Numéro: 1  Nouveau message de Camille François  Nouveau message 24 Jan 2011, 03:26

Mon père était militaire, cavalier de manège à l'Ecole de Cavalerie de Saumur. En 1939, à la déclaration de guerre, en tant que militaire, il a été mobilisé et envoyé, en plusieurs étapes, sur la Ligne Maginot, pour accompagner son cheval qui devait servir dans l'Armée. La bête était prioritaire sur l'homme. Le cheval voyageait dans un wagon, avec paille et foin à volonté. Le cavalier ne devait en aucun cas le laisser seul. Mon père a donc passé X jours, enfermé dans le wagon avec son cheval.
Ma mère bien entendu reste à Saumur. Très vite, et comme toutes les femmes à cette époque, elle se débrouille pour obtenir du ravitaillement et faire quelques travaux qui lui permettent de vivre. Mais au fil des ans, la vie devient de plus en plus difficile, ponctuée par d'incessants bombardements. Fin 1943, n'en pouvant plus, elle quitte Saumur et s’installe à Noirmoutier, auprès de ses beaux-parents.

Noirmoutier étant une île, pour le ravitaillement, il faut se rendre (à bicyclette, avec de la paille dans les pneus, puisqu'il n'y a plus de chambre à air) sur le continent et pour cela, traverser le célèbre passage du Gois, cette chaussée submersible, longue de cinq kilomètres, qui ne découvre que quelques heures par jour, lorsque la marée est basse.
Les Allemands gardant le passage du Gois côté île et côté continent, il faut montrer « patte blanche » pour circuler.
Ma mère a donc demandé à la mairie de Noirmoutier une carte de circulation pour elle et son vélo. La précision a son importance, car il faut savoir qu'à l'époque, il fallait payer un impôt sur les vélocipèdes !

Les Allemands sont arrivés sur l'île de Noirmoutier le 20 Juin 1940. Jusqu'en 1942, les Noirmoutrins sont tranquilles. L’ennemi garde le passage du Gois côté île et côté continent, mais de façon bon enfant. Il ne se sent pas menacé, tout va bien. Mais arrive le 28 Mars 1942 et «l'Opération Chariot » mené par un Commando Britannique sur Saint-Nazaire.
A partir de là, les Allemands s’énervent : ils se rendent compte que Noirmoutier est une presqu'île à marée basse. L'ennemi pourrait alors être tenté d'y organiser un débarquement partiel. De plus, le nord de l'île se trouve devant l'embouchure de la Loire, quasiment en face de Saint-Nazaire, grand port de l'Atlantique d'une part, mais surtout base sous-marine de la Kriegsmarine d'autre part !
Pour les Noirmoutrins, c'en est fini de leur tranquillité. Désormais, il faut déployer un trésor de patience pour traverser le Gois. Et puis l'ennemi n'est pas dupe : il sait très bien que la Résistance s'organise sur l'île. Elle est d’ailleurs menée par les quatre transporteurs principaux qui assurent le ravitaillement et le transport des voyageurs.
En 1943, une visite inattendue va encore accentuer l'âpreté des contrôles : il s'agit de celle de Rommel, venu en tournée d'inspection sur le Mur de l'Atlantique. Et ce que voit le maréchal ne lui plaît pas : les côtes noirmoutrines sont sans défense, notamment la côte nord. Pas pour longtemps. Une ceinture de blockhaus est rapidement érigée sur le trois-quarts des côtes.

17 Juin 1944. Les nouvelles du Débarquement sont excellentes. Loin d'être rejetés à la mer, nos Alliés avancent à grands pas, malgré de durs combats et de lourdes pertes. Fernand qui, avec son car, fait la ligne Noirmoutier-Nantes, est chargé de renseigner la population. Aussi, le soir, lorsque le gazogène se gare au terminus, devant le port, il se trouve toujours deux ou trois personnes à l'attendre. On l'aide à décharger le ravitaillement tout en discutant :
- « Alors Fernand quoi de neuf aujourd'hui ?
- Je suis bien content, j'ai su que la cousine de ma femme allait bien !
- Ah ! Tant mieux ! Et elle habite où la cousine de ta femme ?
- A Carentan !"
Deux heures plus tard, le bouche à oreilles ayant parfaitement fonctionné, les Noirmoutrins savent que Carentan a été libéré. Il ne reste plus qu'à aller discrètement voir André l'instituteur, qui sur la carte de France de l'école, épingle religieusement l'avance des Alliés.
Et c'est ainsi qu'en peu de jours, les Noirmoutrins apprennent que le frère de Georges est marié avec une fille de Quineville et que l'oncle de René, qui lui s'appelle Charles, est facteur à Bayeux !
Donc tout va bien : Quineville est libéré et Charles de Gaulle est à Bayeux.
Mais il y a des nouvelles moins bonnes : le petit Jacques de Caen n'a pas encore été retrouvé, et Mimi cherche toujours son chien dans Cherbourg. M***e ! Ça veut dire que Caen et Cherbourg sont toujours aux mains des Allemands.
Le 17 au soir, Jean vient trouver ma mère pour lui demander un coup de main :
- « Camille...Demain je passe les deux derniers clandestins sur le continent. Mais les sentinelles au Gois ont changé. Demain ce ne sera pas nos deux vieux habituels qui seront là, mais deux nouveaux, arrogants et fiers. Dangereux quoi. Tu peux m’aider ?
- Bien entendu. Que veux-tu que je fasse ?
- Les distraire pendant que je passe avec le gazogène.
- Compte sur moi !"
Le lendemain, dès sept heures, Jean passe chercher Camille et son amie Fifine. Il charge les vélos dans le gazo et en route. La marée sera basse vers dix heures, ils vont pouvoir traverser le Gois quasiment à pieds secs. Les deux femmes se serrent dans la cabine du camion. Pas un mot sur les clandestins qui sont cachés là, quelque part. Un kilomètre avant le Gois, et à l'abri des regards indiscrets, Camille et Fifine descendent du camion, enfourchent leur vélo et partent en avant. Camille, avant de descendre, a juste murmuré à Jean :
-"J'ai mon plan. Quoiqu'il arrive, passe et ne t'occupe pas de nous
- D'accord."
Voici le passage. Les deux femmes mettent pied à terre. En effet ce sont deux nouvelles sentinelles, la quarantaine, apparemment très imbu de leur personne.
- " Halt ! Papieren ! "
(à suivre)


 

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Re: RAVITAILLEMENT

Nouveau message Post Numéro: 2  Nouveau message de Camille François  Nouveau message 24 Jan 2011, 12:26

(suite)
Fifine montre son permis de circuler la première :
- « Gut ! Vous passer… »
Très bien. C'est au tour de Camille :
- « Ja ! Vous passer aussi !»
Ma mère remet son permis dans sa poche, mais ne bouge pas. L'arrogante sentinelle s’énerve :
- « Vous quoi attendre ? Aller !
- C'est que... J'avais emporté quelque chose pour les deux gardes qui sont là habituellement.
- Ah ?
- Oui. Ils sont très aimables et je tenais à les en remercier.
- Mais eux partis rejoindre leur unité. Nous là à présent.
- Bon. Et bien puisque c'est vous qui êtes là maintenant, je vais vous donner ce que ... »
Au même instant, un bruit de moteur se fait entendre. C'est Jean avec le gazogène. Il s'arrête à la hauteur de ma mère :
- « Des ennuis Camille?
- Bonjour Jean. Non, pas d'ennuis, simplement j'avais emporté quelques cerises pour les offrir à nos gardes habituels, mais monsieur me dit qu'ils sont partis avec leur unité.
- Et bien laisse-lui tes cerises.
- C'est ce que je vais faire.
- Très bien. Allez à bientôt Camille. Bonne journée messieurs. »
Le gazogène repart tranquillement et ma mère, tout sourire, tend un cornet de papier à l'ennemi qui l'entrouvre d'un air soupçonneux. Mais non, ce sont de belles cerises bien rouges, et ma mère croit bon de préciser :
- « Elles sont toutes fraîches, cueillies d'hier au soir. »
Le fridolin murmure un vague merci. Ma mère enfourche son vélo et rattrape Fifine qui l'attend un peu plus loin. Jean et son gazogène sont déjà à la moitié du Gois. Arrivée à la hauteur de son amie, ma mère lui murmure :
- « Ce soir ... Tu reviendras toute seule
- Quoi ? Mais pourquoi ?
- Parce que dans pas longtemps, les frisés vont avoir une dent contre moi ! Et ceux du continent ce soir ne me laisseront pas rentrer »
Elle refuse d'en dire plus. Direction la ferme du père Alfred à Châteauneuf, là où elles se ravitaillent en beurre.
A l'heure de la marée du soir, Fifine se présente la première au poste de Beauvoir.
- « Ah ! Vous rentrer chez vous ! Gut ! Aller ! »
Ma mère est juste derrière.
- « Vous neine ! Neine ! Mauvaise Française. Vous rester ici ! Vous peut-être fusillée !"
Il ne reste plus qu'à mettre pied à terre et rester là sans bouger, tandis que l'Allemand lui tourne autour :
- « Vous rapporter beurre?
- Oui.
- Et vous où mettre beurre ?»
Elle n'a pas d'autre choix que de soulever sa longue jupe, qui en laisse apparaître une autre en dessous, ornée de trois lourds volants confectionnés dans de la grosse toile. Dans ces volants, il y a... quarante livres de beurre !
D'un geste brusque, l'ennemi en fait tomber quelques-unes. Il oblige ma mère à les ramasser et ricane :
- « Vous cirer bottes à nous en attendant de partir !
- Mais monsieur, si je ne prend pas le Gois tout de suite, la mer va monter et je ne pourrais plus passer !
- Silence !»
Les larmes pleins les yeux et la rage au coeur, elle se voit obliger de cirer les bottes de l'ennemi avec du beurre qu'elle étale avec ses doigts, puis les lustre avec un coin de sa jupe, sous les ricanements et les quolibets des fridolins.
Mais l'heure tourne. La mer revient et commence à lécher les bords du Gois. L'Allemand la relève d'un coup de pied dans le derrière, et lui intime l'ordre de partir. Mais avant qu'elle n'enfourche son vélo, il retire la selle !
Ma mère sait qu'elle ne pourra pas franchir les cinq kilomètres avant que la mer n'ait recouvert la chaussée. Elle va se noyer !
Elle reste là sur le bord de la route, pétrifiée, incapable de faire un pas. Mais l'ennemi devient menaçant. Il lève son arme ... Il va tirer !
Entre mourir noyée ou fusillée, elle h'hésite pas longtemps : elle prend son vélo, inutilisable, et commence sa descente vers la chaussée submersible. Les premières centaines de mètres se font à pieds secs. Mais au bout d'un kilomètre, la mer lui bat déjà les chevilles ... Au deuxième kilomètre, l'eau lui arrive à mi-cuisse. La force du courant l'oblige à lutter pour avancer et avancer encore. Elle se cramponne à son guidon de bicyclette, alourdie par tout le poids du beurre qui reste dans la doublure de sa jupe, et dont elle ne songe pas un seul instant à se débarrasser. Elle chante, prie, jure pour se donner du courage. Ah ! Voici la balise qui annonce la moitié du trajet ... Encore deux kilomètres et demi à parcourir ... En cet instant, elle se trouve à l'endroit le plus creux du passage. L'eau lui affleure la taille ... Elle lâche sa bicyclette ...
C'est fini.
Un dernier regard vers Noirmoutier, là-bas, loin, trop loin, et tout à coup ... Elle croit voir un point noir qui semble flotter comme un bouchon ! Non ! C'est pas possible !
Un bateau !
Elle a de l'eau jusqu'à l'estomac. Le point noir grossit, enfle, s'anime. C'est bien une barque à bord de laquelle des bras s'agitent pour l'encourager à tenir bon. Vite ! Vite !
- « Alors ma vieille ? T'avais décidé de prendre un bain de pieds ? »
Jean et Fernand ! La première chose qu'elle demande, c’est :
- « Les clandestins ?
- A l'abri à Nantes. Sauvés.
- Et bien moi les gars, j'ai sauvé le beurre ! »
Fifine, en larmes, les attend près du poste des sentinelles, vide à cette heure, les Allemands ne restant pas sur place à marée haute. Le retour dans le gazogène est joyeux. Mais coincée entre Jean qui conduit et Fernand qui a Fifine assise sur ses genoux, Camille doit s’expliquer :
- « J'ai pensé aux cerises parce qu'hier au soir on en a mangé !
- On a bien compris, mais ça ne nous dit pas pourquoi ils t'ont arrêtée ! T'avais pas mis une grenade sous les cerises tout de même !
- Non bien sûr, mais ... »
Elle se met à rire :
- « Figurez-vous qu'hier au soir, j'ai récupéré toutes les queues et tous les noyaux qui étaient restés sur la table. J'ai tout mis dans un cornet en papier, une dizaine de cerises par-dessus et hop ! Le tour était joué !
- Bon Dieu ! Tu aurais pu te faire fusiller !
- J'aurais pu surtout me noyer !
- Heureusement que Fifine nous a prévenu tout de suite. Mais on ne pouvait rien faire tant que les gardes étaient à leur poste.
- L'emmerdant maintenant c'est que je n'ai plus de vélo.
- Camille ! L'emmerdant maintenant c'est que tu ne peux plus sortir de l’île ! Tu n'imagines tout de même pas te représenter devant le chleu de garde non !
- Mais comment je vais faire pour aller au ravitaillement ? Qu'est-ce que je vais donner à manger à mes beaux-parents et à mes deux petits ?
- Des cerises !
(à suivre)


 

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Re: RAVITAILLEMENT

Nouveau message Post Numéro: 3  Nouveau message de Prosper Vandenbroucke  Nouveau message 24 Jan 2011, 15:53

Bonjour et merci pour ce témoignage ma chère Marie-Thérèse.
Ce sujet était un tantinet en sommeil mais grâce à ton texte, cela repart de plus belle.
Je subodore une réaction positive de la part du Rédac'Chef de notre Histomag44. :mrgreen:
Amicalement
Prosper ;)
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Re: RAVITAILLEMENT

Nouveau message Post Numéro: 4  Nouveau message de Pierre.S  Nouveau message 24 Jan 2011, 19:28

Bonjour Marie Thérèse,

Très interessant témoignage, qui m'amène à une demande de précision: sur cette carte postale ancienne qui daterai du début du XXe siècle au moins une plateforme/balise pour les naufragés est visible et il y en aurait 3. Ce type de plateforme existait avant la guerre, étaient-elles toujours en place ou auraient-elles pu être démontées sous l'occupation?

carte postale du gois.jpg
carte postale du gois.jpg (55.75 Kio) Vu 3454 fois


Sur ce lien, une photo d'un défilé de FFI à Noirmoutier:
http://www.archinoe.net/cg85v4/visu_aff ... isu&page=1

Ce lien ne fonctionnerait pas: voir plus loin
Bonne soirée,

Pierre
Dernière édition par Pierre.S le 24 Jan 2011, 20:53, édité 1 fois.


 

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Re: RAVITAILLEMENT

Nouveau message Post Numéro: 5  Nouveau message de Camille François  Nouveau message 24 Jan 2011, 20:25

Bonsoir Pierre,

Effectivement, la carte postale date du tout début du XXème siècle. On y voit la voiture de Monsieur Labbé (c'était son nom), qui fut le premier véhicule à moteur à rentrer sur l'île. Les balises-refuge, au nombre de trois, existaient déjà. Elles sont toujours restées en place, même pendant l'Occupation, aujourd'hui, elles y sont encore. Et malgré que depuis 1971 il y a un pont, chaque année, surtout l'été, elles sauvent la vie aux imprudents qui se lancent sur la chaussée, alors que la mer monte. Tous les étés, des voitures restent dans le Gois et malheureusement, on déplore des morts par noyade.

Par contre, je n'arrive pas à ouvrir le lien pour voir le défilé FFI


 

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Re: RAVITAILLEMENT

Nouveau message Post Numéro: 6  Nouveau message de Camille François  Nouveau message 24 Jan 2011, 20:32

(Suite et fin)
8 août 1944. Camille qui a récupéré un autre vélo (et volé la selle d'un Italien par la même occasion !) décide de retourner sur le continent pour le ravitaillement. Seulement, pas question de sortir de l'île par le Gois. Le docteur de Noirmoutier lui conseille alors de passer par la Fosse, pointe extrême sud de l'île. Là, Francis et ses deux bons vieux marins assurent, quotidiennement, au nez et à la barbe des Allemands, la liaison La Fosse Fromentine par le Goulet.
Accompagnée de Fifine (qui dit toujours – « Je meurs de peur, mais pour rien au monde je ne raterai ça ! ») elle enfourche son vélo et direction La Fosse et l'estacade, à côté de laquelle Janine tient une buvette. Mais dès leur arrivée, elles trouvent Francis inquiet. C'est que les nouvelles ne sont pas bonnes :
Dans la nuit du 7 au 8, quatre dragueurs de mines allemands ont quitté la base sous-marine de Saint-Nazaire pour rejoindre le port de La Pallice. Ils avancent à vitesse réduite pour avoir le temps de repérer les mines flottantes posées par les Alliés. Le 8 vers les 7 heures du matin, ils atteignent sans problème le Goulet de Fromentine, lorsqu'un message radio leur signale la présence d'une flotte anglaise au large, en pleine mer. Les quatre commandants décident alors de rester à l'abri entre la pointe de La Fosse et Fromentine. Vers 8 heures 30, les ancres sont jetées et les Allemands se retrouvent dans la buvette de Janine pour se restaurer et discuter de ce qu'il convient de faire. Finalement, ils décident de rebrousser chemin et de rentrer à Saint-Nazaire.
Entre-temps, la mer a baissée et les quatre navires, (appelés les « 4 As, » cause à leur nom respectif : « l'As de Pique, » « l'As de Trèfle, »« l'As de Cœur » et « l'As de Carreau ») sont à présents posés sur le sable, chaudières éteintes. C'est ce qui fait monter l'inquiétude chez Francis et ses hommes. Il sait en effet qu'en cas d'attaque aérienne, ils seront aux premières loges. De fait, son inquiétude se transforme en angoisse lorsque vers 10 heures, un avion de reconnaissance anglais vient rôder dans le secteur ! Mais il repart très vite, et les heures continuent à défiler longues comme des siècles.
15 heures 30. La mer remonte rapidement, et les Allemands qui ont regagnés leur bord se préparent à partir. Les chaudières sont de nouveau sous pression.
16 heures. Francis demande à Camille et à Fifine d’embarquer : - « Allez-y tout de suite. Comme ça, dès que les chleus auront effectués leurs manoeuvres, nous traverserons. »
Elles prennent leur vélo et commencent à parcourir l'estacade au moment ou ...
Venant de la mer, dix-huit chasseurs bombardiers Beaufighter se ruent sur les 4 As pour éliminer, sous un déluge de rafales de mitrailleuses les servants de la DCA. Puis, ils reviennent presque aussitôt à l'attaque par le travers bâbord, en bombardant de roquettes les navires qui éclatent et explosent. L'As de Trèfle et l'As de Carreau chavirent sur le côté, tandis que l'As de Pique et l'As de Coeur coulent à pique. C'est l'enfer.
Les deux femmes, qui sont arrivées à la moitié de l'estacade, se jettent à plat ventre, persuadées tout à coup que leur dernière heure vient de sonner ! Elles lâchent leurs bicyclettes et parviennent à ramper jusqu'à la buvette et se laissent tomber dans la cave où Janine, Francis et ses marins sont déjà. Au deuxième passage des Beaufighter, une roquette coupe en deux la ligne à haute tension ce qui occasionne un mémorable feu d'artifice. L'enfer n'en finit pas.
Lorsqu'ils réussissent enfin à sortir de leur abri, nos amis ne peuvent que constater l'ampleur des dégâts. Très vite, la buvette est transformée en hôpital de fortune, et tous les médecins de la région sont réquisitionnés pour apporter les premiers soins aux blessés, la plupart ayant été affreusement brûlés. C'est une véritable catastrophe maritime pour les Allemands qui comptent au moins cinquante morts et plus de quatre-vingt-dix blessés. Miraculeusement, aucun habitant de l'île n'a été blessé.
Pour ma mère, aller au ravitaillement sur le continent, c’est bel et bien terminé. Heureusement, c'est la fin. Le 4 septembre, les Allemands quittent définitivement l'île de Noirmoutier.


 

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Re: RAVITAILLEMENT

Nouveau message Post Numéro: 7  Nouveau message de Prosper Vandenbroucke  Nouveau message 24 Jan 2011, 20:47

Bonjour Marie-Thérèse.
Grand merci pour la suite du témoignage. C'est vraiment passionnant et édifiant.
Quant au lien, je suis arrivé au même point que toi.
J'ai bien une nouvelle page qui s'affiche mais rien ne se passe.
Amicalement
Prosper ;)
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Re: RAVITAILLEMENT

Nouveau message Post Numéro: 8  Nouveau message de Pierre.S  Nouveau message 24 Jan 2011, 20:51

Peut-être avec ce lien, il y a aussi une photo de Rommel lors de sa visite dans l'ile:

http://recherche-archives.vendee.fr/arc ... all/page:7

Il faut utiliser le défilement , c'est assez loin- plus de la moitié- et cliquer sur la photo pour l'agrandir.

Pour les 4 As, c'est là:

http://www.plongepave.com/rubrique,les- ... 45390.html
Dernière édition par Pierre.S le 24 Jan 2011, 21:07, édité 1 fois.


 

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Re: RAVITAILLEMENT

Nouveau message Post Numéro: 9  Nouveau message de Camille François  Nouveau message 24 Jan 2011, 21:06

C'est sans doute cette photo datant de 1943 dont tu veux parler
Fichiers joints
Rommel à Noirmoutier.jpg
Rommel à Noirmoutier.jpg (97.71 Kio) Vu 3436 fois


 

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Re: RAVITAILLEMENT

Nouveau message Post Numéro: 10  Nouveau message de Camille François  Nouveau message 24 Jan 2011, 21:13

Pour terminer avec l’histoire de ma chère maman, je voulais préciser que lorsque nous allions sur le Continent, soit par le passage du Gois, soit par le bateau de Fromentine, c'était toujours une épreuve pour elle. Par le Gois, elle regardait fixement la chaussée, se rappelant, au mètre près, l'endroit où elle avait cru mourir noyée, (bien loin d’une balise !). Par le Goulet de Fromentine, c'était encore pire, car au fur et à mesure qu'elle avançait sur l'estacade, on la sentait inquiète jusqu'au moment ou elle montait enfin sur le bateau. Je ne sais pas qu'elle aurait été sa réaction si un avion était passé dans le ciel à ce moment-là ! Elle a été soulagée, dans les années 60, lorsque cette vieille estacade à été détruite (on peut encore en voir quelques vestiges) et que l'actuelle a été construite un peu plus loin. Par contre, elle ne regardait jamais les épaves des bateaux, et si quelqu'un en parlait devant elle, elle se détournait de la conversation.
Mon père m'a souvent raconté qu'un soir, alors qu'il jouait à la belote avec ma mère et un couple d'ami, il l'a vu tout à coup devenir toute pâle et demander à ce que les cartes soient redistribuées. Comme personne ne comprenait pourquoi, elle a montré son jeu : dans la donne, elle venait de recevoir les quatre as.


 

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