Forum Le Monde en Guerre

attention de ne pas tomber dans deux travers :

-croire que Churchill est informé du contenu de ce papier; rien ne l'indique dans les docs d'époque et, matériellement, même si le Département d'Etat avait fait diligence pour cafter dans les oreilles anglaises, Churchill n'aurait pu lire ce texte en temps utile pour qu'il pèse dans sa décision de Mers el-Kébir;

-croire que les positions prises par Pétain et Darlan reflètent un vieil atavisme anti-anglais. C'est la terre entière qui pense alors, sauf exceptions, que Hitler a partie gagnée et que ses gains ne peuvent plus être limités que par la négociation. Le "pas si vite, je me bats encore" de Winston est un fétu balayé de vents puissants.

Pétain et Darlan ne sont donc pas seulement-et Bullitt a tort de les présenter seulement ainsi- des Français assommés et déboussolés par une défaite écrasante; ils sont aussi en pleine action diplomatique, cohérente sinon intelligente : il est essentiel de convaincre Roosevelt que plus rien ne tient en Europe, afin qu'il renonce lui-même au plus vite à tout espoir de solution militaire contre le nazisme et aide la France à limiter les dégâts sur le front diplomatique.

brehon a écrit:Le sang des marins français de Mers el-Kébir est plus sur les mains de Pétain et Darlan que sur celles de Churchill.

Il ne faut quand même pas exagérer ! Je rejoins François dans son analyse. Et puis, parler de Vichy le 3 juillet est un peu prématuré : à preuve, les propos de Lebrun. Si l'opération catapult a permis de balayer les apeasers, elle n'en demeure pas moins un sale coup qui a freiné le développement de la France Libre et renforcé un courant anglophobe qui n'avait pas besoin de cela pour prendre de l'ampleur. L'opinion publique en a été désarçonnée et ne pouvait plus -dès lors- qu'acclamer le maréchal.

Pour en rajouter sur le second argument de François: on a affaire ici à ceux qui ont prôné l'Armistice, avec de bonnes raisons (pour eux). Il semblerait assez étrange qu'ils renient leurs propres arguments.

Le cas Darlan, qui se montre fort vindicatif, bien plus qu'un Pétain, plus posé, "m'interpelle". En tant que marin, technicien militaire, il devrait être le premier à se rendre compte qu'une invasion des USA, voire de la GB, par les Allemands est totalement irréaliste. Est-il convaincu, et cela démontrerait à quel niveau important d'autointoxication les partisans de l'Armistice en sont arrivés?

Cela démontrerait, au passage, deux autres choses: la nuisance, le pouvoir de contagion du défaitisme de ce parti au sein des élites Françaises, qui va conduire Pétain au pouvoir, entraînant par la même la population, ainsi que la facilité avec laquelle les spécialistes les plus avertis peuvent perdre la tête, au point d'en oublier leurs propres compétences.

Chef Chaudart a écrit:Le cas Darlan, qui se montre fort vindicatif, bien plus qu'un Pétain, plus posé, "m'interpelle". En tant que marin, technicien militaire, il devrait être le premier à se rendre compte qu'une invasion des USA, voire de la GB, par les Allemands est totalement irréaliste. Est-il convaincu, et cela démontrerait à quel niveau important d'autointoxication les partisans de l'Armistice en sont arrivés?

Au contraire ! Darlan a été frappé de la vulnérabilité des navires face à la menace aérienne. La plupart des navires français qui ont été coulés du 10 mai au 24 juin l'ont été par des avions. De même pour la Royal Navy. Il est certain que Darlan s'exagère la puissance de la Luftwaffe et n'a certainement pas bien saisi l'importance du nouveau radar dont vont bénéficier les Anglais. Mais, dans cette optique, l'invasion de l'Angleterre est totalement réaliste. Reconnaissons d'ailleurs qu'il s'en est fallu de peu. Donc, jusqu'à fin septembre 1940, Pétain, Darlan... et les autres sont convaincus d'avoir joué la bonne carte. Jusqu'à ce qu'ils comprennent que l'Angleterre a en fait gagné une bataille qui va lui permettre de continuer la guerre. Et ça, ça ne fait pas leurs affaires... Dammed !

Bonjour,
J'admets que les objections qui m'ont été faites, je me les faisais moi-même en écrivant.
Il n'en reste pas moins que Pétain et Darlan on commis une lourde faute en négligeant la volonté et la capacité de résister de la Grande-Bretagne derrière Churchill.
Sinon, qu'en est-il de la soit-disant certitude de Darlan au sujet de l'entrée des allemands en Espagne?

Bonsoir à tous,

je relance ce fil pour vous dire que la traduction du télégramme est terminée.
Ceux d'entre vous qui sont intéressés peuvent me contacter par MP, je leur enverrai le doc en pdf.

J'en profite pour poser une question:
sait-on qui est le mystérieux personnage cité par Bullitt (Section 17) sans donner son nom et ayant toute sa confiance ?

J'aimerais également bien savoir ce que le Général Requin lui raconte dans sa lettre (section 17 encore).

bien cordialement

Raph