1940 : le soutien de Franco à Hitler
Posté: 19 Avr 2010, 08:55
¡Hola chicos!
Je vous présente aujourd'hui une page d'histoire de l'Espagne franquiste.
On évoque souvent l'entrevue entre Franco et Hitler à Hendaye le 23 octobre 1940. En insistant trop sur cet événement, on risque d'occulter les relations entre l'Espagne et l'Allemagne au cours des mois précédents.
En juin 1940 l'armée française était en pleine débâcle. Mussolini en tirait derechef les conséquences : il obtenait du Grand Conseil fasciste une déclaration de guerre à la Grande Bretagne et à la France et informait aussitôt Franco de sa décision. Le Duce tenait à manifester sa présence dans le camp des vainqueurs. Qu'allait faire Franco ?
A l'instar de la majorité de ses généraux et de la plupart des membres de la classe politique, Franco était maintenant convaincu que les Alliés avaient perdu la guerre. La victoire finale de l'Axe semblait inéluctable. Telle était l'opinion dominante en Espagne et dans le reste du monde. C'est ce que pensait la plupart des hommes politiques et des techniciens militaires d'Europe et d'Amérique.
La tentation espagnole d'intervenir dans le conflit est alors très forte. Selon l'historien français Bartolomé Bennassar cette tentation est partagée par tous les milieux du régime franquiste. C'était l'occasion de récupérer aux dépens de la France des positions en Afrique du Nord dont l'Espagne avait été frustrée dans un passé récent. Evidemment, c'était aussi l'occasion de recouvrer Gibraltar au détriment des Britanniques.
Dans ces conditions, Franco a offert l'entrée en guerre de l'Espagne à Hitler dès le mois de juin 1940. Son émissaire à Berlin fut le général Juan Vigon, chef d'état-major, porteur d'une lettre où le Caudillo proposait son intervention et demandait son prix, soit le Maroc en totalité. Vigon fut reçu par Hitler le 16 juin. Mais le Führer traita l'offre espagnole avec une certaine désinvolture. Il croyait alors à une solution de compromis avec la Grande Bretagne et ne voulait pas irriter les Français à la veille d'un armistice qui était tout proche. Hitler éluda donc l'éventuelle participation espagnole, tout en feignant de reconnaître la légitimité des ambitions espagnoles en Afrique du Nord.
Bennassar explique les raisons de l'intransigeance d'Hitler : il ne voulait rien accorder parce qu'il pensait alors n'avoir nul besoin de l'Espagne.
Quelques semaines plus tard, le contexte avait changé. L'issue de la Bataille d'Angleterre restait indécise et Hitler n'était pas certain de pouvoir se passer de l'aide de l'Espagne. Hitler chargea l'OKW de concevoir le plan "Félix" en vue de l'occupation de Gibraltar par l'Espagne avec l'aide de troupes allemandes. Datée du 12 novembre, la directive n°18 rédigée par Adolf Hitler demande à l'état-major de préparer une opération militaire pour la prise de Gibraltar et l'envoie de troupes au Maroc espagnol.
L'OKW considérait l'opération comme parfaitement réalisable et prévoyait un délai de trois semaines au départ de la France pour pouvoir acheminer plusieurs Panzerdivisionen vers le Maroc espagnol en traversant la péninsule ibérique.
Comme le dit le journaliste et historien Paul-Marie de la Gorce, un engagement massif des forces allemandes en vue de conquérir l'Afrique du Nord n'était concevable qu'à la condition de franchir l'Espagne. La supériorité navale alliée en Méditerranée rendait impossible un débarquement en provenance des côtes de France ou d'Italie. L'engagement de la Luftwaffe pour faciliter le passage des troupes allemandes n'aurait pas suffi. « C'est par l'Espagne qu'elles auraient dû passer, avec les plus grandes chances de succès.» (P-M de la Gorce)
Le plan "Félix" devait être exécuté en janvier-février 1941. Mais Hitler ne tarda pas à abandonner l'idée de prendre Gibraltar. Il ne parla plus jamais du plan Félix. Il avait décidé de préparer l'invasion de la Russie soviétique.
Bartolomé Bennassar, Franco, Perrin, 1995
Paul-Marie de la Gorce, 39-45, une guerre inconnue, Flammarion, 1995
Je vous présente aujourd'hui une page d'histoire de l'Espagne franquiste.
On évoque souvent l'entrevue entre Franco et Hitler à Hendaye le 23 octobre 1940. En insistant trop sur cet événement, on risque d'occulter les relations entre l'Espagne et l'Allemagne au cours des mois précédents.
En juin 1940 l'armée française était en pleine débâcle. Mussolini en tirait derechef les conséquences : il obtenait du Grand Conseil fasciste une déclaration de guerre à la Grande Bretagne et à la France et informait aussitôt Franco de sa décision. Le Duce tenait à manifester sa présence dans le camp des vainqueurs. Qu'allait faire Franco ?
A l'instar de la majorité de ses généraux et de la plupart des membres de la classe politique, Franco était maintenant convaincu que les Alliés avaient perdu la guerre. La victoire finale de l'Axe semblait inéluctable. Telle était l'opinion dominante en Espagne et dans le reste du monde. C'est ce que pensait la plupart des hommes politiques et des techniciens militaires d'Europe et d'Amérique.
La tentation espagnole d'intervenir dans le conflit est alors très forte. Selon l'historien français Bartolomé Bennassar cette tentation est partagée par tous les milieux du régime franquiste. C'était l'occasion de récupérer aux dépens de la France des positions en Afrique du Nord dont l'Espagne avait été frustrée dans un passé récent. Evidemment, c'était aussi l'occasion de recouvrer Gibraltar au détriment des Britanniques.
Dans ces conditions, Franco a offert l'entrée en guerre de l'Espagne à Hitler dès le mois de juin 1940. Son émissaire à Berlin fut le général Juan Vigon, chef d'état-major, porteur d'une lettre où le Caudillo proposait son intervention et demandait son prix, soit le Maroc en totalité. Vigon fut reçu par Hitler le 16 juin. Mais le Führer traita l'offre espagnole avec une certaine désinvolture. Il croyait alors à une solution de compromis avec la Grande Bretagne et ne voulait pas irriter les Français à la veille d'un armistice qui était tout proche. Hitler éluda donc l'éventuelle participation espagnole, tout en feignant de reconnaître la légitimité des ambitions espagnoles en Afrique du Nord.
Bennassar explique les raisons de l'intransigeance d'Hitler : il ne voulait rien accorder parce qu'il pensait alors n'avoir nul besoin de l'Espagne.
Quelques semaines plus tard, le contexte avait changé. L'issue de la Bataille d'Angleterre restait indécise et Hitler n'était pas certain de pouvoir se passer de l'aide de l'Espagne. Hitler chargea l'OKW de concevoir le plan "Félix" en vue de l'occupation de Gibraltar par l'Espagne avec l'aide de troupes allemandes. Datée du 12 novembre, la directive n°18 rédigée par Adolf Hitler demande à l'état-major de préparer une opération militaire pour la prise de Gibraltar et l'envoie de troupes au Maroc espagnol.
L'OKW considérait l'opération comme parfaitement réalisable et prévoyait un délai de trois semaines au départ de la France pour pouvoir acheminer plusieurs Panzerdivisionen vers le Maroc espagnol en traversant la péninsule ibérique.
Comme le dit le journaliste et historien Paul-Marie de la Gorce, un engagement massif des forces allemandes en vue de conquérir l'Afrique du Nord n'était concevable qu'à la condition de franchir l'Espagne. La supériorité navale alliée en Méditerranée rendait impossible un débarquement en provenance des côtes de France ou d'Italie. L'engagement de la Luftwaffe pour faciliter le passage des troupes allemandes n'aurait pas suffi. « C'est par l'Espagne qu'elles auraient dû passer, avec les plus grandes chances de succès.» (P-M de la Gorce)
Le plan "Félix" devait être exécuté en janvier-février 1941. Mais Hitler ne tarda pas à abandonner l'idée de prendre Gibraltar. Il ne parla plus jamais du plan Félix. Il avait décidé de préparer l'invasion de la Russie soviétique.
Bartolomé Bennassar, Franco, Perrin, 1995
Paul-Marie de la Gorce, 39-45, une guerre inconnue, Flammarion, 1995