C'est sous ce titre que je relance le fil de discussion à propos du témoignage de Mr Pinsard de La Flèche (Sarthe).
La première présentation de ce sujet a été fait sur le fil : "Les "atrocités" françaises envers les Belges" (erreur d'aiguillage...)
Exposé :
Je termine en ce moment la numérisation 130 heures d'enregistrements sonores relatifs à la vie sous l'Occupation, plus généralement la période de 1939 à 1945, sur une région géographique, le sud Sarthe (axe Le Mans/La Flèche). Plus de 100 témoins directs de cette période ont été enregistrées dans les années 80/90 par un historien amateur. L'intérêt de cela, c'est d'abord une localisation précise des faits (un rayon de 15 km, avec La Fontaine Saint Martin comme point central) qui permet un croisement de témoignages sur un même fait, et aussi l'âge des personnes enregistrées qui avaient tous plus de 16 ans en 1939.
Parmi les enregistrement, le témoignage d'un ancien Instructeur et Commandant de compagnie au Prytanée militaire de La Flèche (Sarthe) en 1939/1940, avant de devenir instituteur à Oizé (Sarthe) en septembre 1940. En 1939, Monsieur Louis Pinsard avait 27 ans à cette époque et le collecteur du témoignage est formel : Mr Pinsard n'a pas raconté de "blagues".
Voici en lien son témoignage, un extrait de 9 minutes qui comporte 3 parties :
http://www.frequence-sille.org/parolesarthoise/depot/pinsard.mp3
1 - La Flèche, après le 10 mai 1940. Des trains « suspects » arrivent à La Flèche en provenance du nord de la France. Wagons de marchandises, fermés, avec des Belges dedans ? Cris hostile des habitants de La Flèche.
2 - Des rumeurs de parachutistes Allemands vers Mézeray en 1940 et la traque en forêt (espions ?). La 5e colonne.
3 - Retour sur le train "mystérieux" à La Flèche.
Questions :
Qui étaient ces "gens" dans ce ou ces trains ?
Qui est à l'origine de leur arrestation dans le nord-est de la France ?
Ont-ils été "déplacés" à cause de leur nationalité ? ou bien à cause de leur religion ou appartenance politique ?
Pourquoi ce passage à La Flèche sur une ligne secondaire ?
Des habitants ont lancé des cris hostiles à la gare : Qui étaient ces personnes ? Des habitants de La Flèche ? Si oui, comment ont-ils été prévenus ? par qui ? Ce fait n'était-il pas inscrit dans l'esprit de l'époque avec ce mythe de la 5eme colonne ?
Explications possibles :
Je vais laisser de côté pour le moment les thèses qui suggèrent qu'il s'agirait de Belges non francophones qui auraient pu été arrêtés et "déportés" (simplement parce qu'ils ne parlaient pas français) par l'armée française dans des "camps de concentration du sud de la France" pour d'abord explorer le chemin de l'histoire de la Shoa.
Le 10 mai 1940 la Belgique est envahie par l’armée allemande, le matin même est organisée l’arrestation des étrangers «nationaux ennemis », parmi eux une majorité de réfugiés juifs originaires des territoires du 3e Reich.
Tous les hommes de 17 à 65 ans citoyens allemands ou apatrides d'origine allemande sont, soit sommés de se présenter dans les commissariats, soit arrêtés dans la rue.
Cette rafle programmée par les autorités Belges se produit le jour du début des hostilités et se télescope avec l’exode des populations locales vers le Sud, fuyant l’avancée des troupes du Reich.
Un procès verbal d'une réunion du 9 mai 1940, daté du 10, émanant du Grand Quartier Général du Commandement de l'Armée Belge indique des dispositions complémentaires relatives aux arrestations et particulièrement l'implication des communes dans l'organisation de la garde des "ennemis".
Selon les sources on peut estimer que 6 à 10.000 personnes sont arrêtées lors de cette rafle, dont 3.000 pour Bruxelles et 3.000 pour Anvers.
http://www.jewishtraces.org/rubriques/? ... =10mai1940
Pour mesurer l'importance de cette rafle de 6 à 10 000 personnes, elle est à comparer avec celle du Vel' d'Hiv, avec 13 000 personnes arrêtées en juillet 1942.
Le 10 mai 1940, l’Allemagne envahit la Belgique. La police Belge procède alors à une vague massive d’arrestations des réfugiés juifs en provenance des territoires du Reich. Sortis à l’aube de leurs appartements, les réfugiés sont sommés de prendre des vivres pour 48 h. Ceux arrêtés dans la rue n’ont pas l’occasion de passer chez eux pour récupérer le nécessaire pour le voyage vers les camps du Sud de la France.
Bien qu’il ne soit en aucun cas inquiétants d’un point de vue politique, les réfugiés déportés de Belgique en dépit du droit d’asile, sont traités par la police et la population comme des Allemands suspects, espions appartenant à la 5e colonne.
A la frontière franco-belge, la gendarmerie française prend le relais, le voyage depuis Bruxelles ou Anvers jusqu’à St Cyprien dure 18 jours. Dans les camps de transit, les prisonniers sont dépossédés des quelques effets personnels qu’ils ont pu prendre avec eux.
Selon les sources, on dénombre de 5 000 à 8 000 réfugiés juifs venant du Reich, qui suite aux arrestations se sont retrouvés internés à St Cyprien. Le Rabbin Kappel, aumônier militaire français note après visite du camp, dans une lettre adressée au Grand Rabbin de France en date du 16 septembre 1940, le chiffre de 8 000 réfugiés, âgés de 16 à 62 ans. Le chiffre le plus communément admis tourne autour de 7 500 réfugiés, pour la plupart juifs en provenance de Belgique.
La commission Kundt de passage à St Cyprien fin Juillet 1940, effectue un décompte par nationalité des internés ; ils établissent un total de 5 065 personnes avec une majorité d’Allemands (2 675) et d’ex-Autrichiens (989).
http://www.jewishtraces.org/rubriques/? ... st_cyprien
Comme sur ce genre de sujet il faut battre le fer quand il est chaud, j'ai entrepris les démarches suivantes pour expliquer ce train "suspect" de juifs allemands et autrichiens réfugiés en Belgique :
1 - Auprès des responsables du site : jewishtraces.org, via leur association basée à Lyon
2 - Auprès de la SNCF pour accéder aux archives de ces trains de l'époque.
Il se trouve que ces archives de la SCNF sont au Mans, et l'inventaire en ligne présente le trafic militaire.
http://www.ahicf.com/ww2/etat_som/26lm.pdf. Sur le site jewishtraces.org, il est question de passages de trains à Orléans (150km de La Flèche)
Si quelqu'un a d'autres pistes sur ce sujet ou informations complémentaires, merci de m'en faire part.
Bien cordialement
Franck Pohu
Chargé de mission
Fréquence Sillé / Sauvegarde de la parole sarthoise