Post Numéro: 24 de Aldebert 05 Mar 2010, 20:44
L'école était située comme la majeur partie des maisons du village, en bordure de l'axe principal càd la RN Rennes- Brest. Juste en face, de l'autre coté se tenait la maréchalerie, il suffisait de traverser la rue au sortir de l'école et hop, je me retrouvais dans un de mes territoires, sans risque de se faire renverser par une voiture automobile: Pas de carburant pas de voitures. Même le médecin de la commune limitrophe avait une carriole tirée par un cheval, nous n'avions pas de médecin dans le village. Un véhicule de transport hippomobile de l'armée française, recyclé par les allemands, tiré par deux chevaux passait très souvent dans le village. C'était un allemand passablement âgé qui le conduisait. Il effectuait la navette entre plusieurs lieux de stockage de matériel disséminés autour de Rennes. Les chevaux étaient donc très importants, il fallait s'en occuper, les entretenir soigneusement , la maréchalerie prenait là, toute sa dimension
Je sentais dans la forge, des odeurs que j'aimais. La corne du sabot du cheval qui grille au moment du ferrage, l'odeur de fer brulé, celle de la graisse des machines agricole en attente de réparation. L'entrée de la forge était libre, on ne se privait pas de regarder, on admirait les opérations successives de fabrication d'un superbe fer à cheval à partir d'une simple barre de fer. Combien de coups de marteau a t'il fallu donner pour réaliser cette transformation. Le fer repartait souvent au feu, je ne laissais pas ma place pour actionner le grand soufflet. Le forgerons n'ignorait pas le plaisir et la fierté que nous avions en actionnant ce soufflet, il prenait plaisir à nous faire plaisir. A portée de chaque enclume, il y avait un fût rempli d'eau dans lequel le forgeron trempait le fer qu'il travaillait pour le refroidir, cela provoquait de la vapeur et ajoutait à l'odeur particulière de la forge, cette odeur que j'aimais tant. Contre les murs étaient disposés quantité d'outils, presque tous fabriqués pour des opérations particulières. C'était surtout les pinces que je remarquais. C'était une grande maréchalerie, constamment en activité, les chocs des marteaux sur les enclumes étaient comme une musique et donnaient un air de gaité au village. Le dimanche était triste, la forge ne fonctionnait pas, mais elle avait toujours ses portes grandes ouvertes, il n'était pas interdit d'y jouer. L'ensemble des bâtiments se composait d'une grande maison de construction moderne avec un étage, construite en schiste rouge . L'étage était réservé pour les appartement privés et le rez de chaussée pour le café. On y servait du cidre à la bolée et au litre. Les fûts étaient à la cave et on tirait le cidre à partir du bar.Pour les enfants il existait des sodas. Je les appelait les verts, les jaunes et rouge, je ne connaissais pas les appellations Menthe, Citron ou grenadine. Les bouteilles étaient en verre blanc épais, afin qu'on distingue bien la couleur du produit. Pour ouvrir cette bouteille il fallait appuyer sur une bille bloquée dans le goulot. Quand on l'ouvrait j'aimais bien entendre le bruit du gaz qui s'échappe brusquement. La clientèle du café était la plus nombreuse de tous les cafés du village qui en comptait je pense au moins six. Il possédait la cabine téléphonique numéro 1. On téléphonait, on buvait un coup d'cid. Quand il y avait la sonnerie du téléphone qui fonctionnait pour annoncer un appel, personne dans les parages ne pouvait l'ignorer, car Tailleau, mon copain, le bon chien du patron se mettait à hurler tant que la sonnerie n'avait pas cessé. On en "cause" encore maintenant chez les anciens. Le patron avait le verbe haut mais combien il était brave et les services qu'il rendait ne se comptait plus, il avait perdu une main et travaillait avec un crochet. Son épouse le dépassait encore en gentillesse, elle était d'une grande bonté. Le fils, Pierrot, travaillait aussi à la forge, c'était mon idole. C'est lui qui portait la bannière de l'église à chacune des processions.
Parmi les évènement périodiques qui se déroulaient publiquement au village à partir de la maréchalerie il y avait le ferrage des roues de charrette avec le charron et la castration des chevaux de traits, plein de spectacles gratuits et intéressants que les enfants ne manquaient pas.