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Le Haltbefehl

Cette rubrique renferme tout ce qui concerne le front ouest du conflit, y compris la bataille des Ardennes ainsi que les sujets communs à tous les fronts tels, les enfants et les femmes dans la guerre, les services secrets, espionnage...
MODÉRATEUR: gherla

Re: Le Haltbefehl

Nouveau message Post Numéro: 3301  Nouveau message de alias marduk  Nouveau message 01 Fév 2017, 22:23

Nicolas Bernard a écrit:
alias marduk a écrit:
Nicolas Bernard a écrit:
alias marduk a écrit:[...]Donc oui le journal du HGr A est fiable


Je ne dis pas le contraire, je l'interprète différemment pour ma part... ::ok je sors:: :mrgreen:

Bonjour,
Je ne l’avais pas oublié mais en l’espèce, je répondais à François qui développe une hypothèse différente de la vôtre et de la mienne à savoir que le scribe ( Blumentritt ? ) du HGr A rédige correctement le journal de marche du groupe d’armée mais qu’il est victime ( ainsi que Jodl ) d’une sorte de pièce de théâtre préparée à l’avance entre Hitler et Rundstedt.
Donc dans l’hypothèse de François, le rédacteur transcrit bien ce qu’il voit ( mais pas évidemment ce qu’il n’a pas vu avant la réunion ).

Nicolas Bernard a écrit:
A contrario, on a eu, depuis la publication de votre livre, la redécouverte et la publication des mémoires de Raoul Nordling :

« C’est donc le 10 mai que nous sommes arrivés à Berlin…
Le second jour de mon séjour, l’ingénieur Dalherus vint me trouver pour m’annoncer que le maréchal Goering désirait me voir ……. pour discuter de la possibilité d’un armistice avec la France.
Je fis observer que je n’étais qu’un simple particulier ………
Mais acceptes-tu de rencontrer Goering ? insista-t-il, et peut être cette nuit même ?
Si cela peut être d’une utilité quelconque, je suis à votre disposition
Je n’avais pas vu Goering. Mais le lendemain, Dahlerus m’apporta un message de sa part : il me remerciait de mon obligeance et comprenait fort bien qu’à l’heure présente il n’y avait aucune chance de décider les Français à engager des négociations séparées. Les conditions de l’Allemagne ne comportaient aucune clause déraisonnable. La France garderait ses frontières, sauf peut être l’Alsace-Lorraine. Les colonies feraient l’objet de négociations ultérieures. A la suite de cette paix séparées, s’ouvrirait l’ère d’une collaboration économique intime entre l’Allemagne et la France.
Mais les événements avaient été si vite, poursuivait le message du maréchal Goering, que ces conditions ne présentaient déjà plus d’intérêt à l’heure actuelle.
Goering comptait être à Calais sans onze jours et il entamerait alors des négociations directes avec la France, sur des bases plus sévères. Il terminait en disant que l’Allemagne possédait 30 000 avions, et la France pas un seul : l’issue du conflit était assurée.
Mon voyage de Berlin en Suisse a duré presque une semaine, et j’ai passé quatre nuits dans le train, allant et venant …..
Mon arrivée à Paris, tard dans la soirée du 18 mai…….
»

Les mémoires de Nordling obligent à relire autrement le document de Coulondre :
En premier lieu, il apparaît que Goering n’a jamais mandaté Nordling pour une éventuelle mission diplomatique
Celui-ci n’a d’ailleurs jamais rencontré Goering ( ni le 11 , ni le 12 ni le 15 mai )

Le document Coulondre semble d’ailleurs être une sorte de synthèse entre 2 propos de Goering : une éventuelle proposition de paix « raisonnable » que Goering n’a finalement pas faîte et une possible et très vague proposition de paix sévère à venir plus tard.
Il ne retranscrit pas donc la réalité des propos tenus en laissant croire que l’Allemagne pourrait faire des propositions de paix raisonnables

Enfin, Hitler n’est jamais cité : Goering semble agir en son nom propre.

Mais l’essentiel, c’est le début du récit où Goering fait finalement faux bon à Nordling et après lui avoir fait croire qu’il le mandaterait pour une mission de paix lui indique ( via Dahlerus ) qu’il a renoncé à faire une proposition à la France
Pourquoi ?
Pour ma part, je reprends l’analyse de Kersaudy ( dans « Hermann Goering » ) qui estime que la proposition vient de Goering ( et non de Hitler ) et que le revirement tient à un véto impératif de Hitler finalement mis au courant par Goering de la diplomatie personnelle de celui-ci.


J'avais le bouquin de Nordling (acheté d'occase à l'extraordinaire librairie Pêle-Mêle à Bruxelles) mais depuis mon déménagement, il est introuvable... Bref, en relisant votre seul extrait, j'avoue ne guère voir en quoi les mémoires du diplomate vous conduisent à ces conclusions.

Tout d'abord, lesdits mémoires ne constituent pas un document d'époque, mais un écrit postérieur qui, pour intéressant qu'il soit, ne saurait être fiable en lui-même.


Tout à fait mais cela vaut aussi pour les 2 autres documents cités par François ( note Coulondre et encore plus pour le récit de Benoist-Méchin )

Par contre un complément sur les conclusions : elles sont de Kersaudy mais avec un choix de ma part de ne faire figurer qu’une des deux hypothèses

Les 2 hypothèses que présente Kersaudy sont :
- Un véto de Hitler finalement mis au courant par Goering d’une tentative diplomatique faite dans son dos
- Une lubie passagère de Goering

Nicolas Bernard a écrit: Ne serait-ce que par son auteur peut tenter de redorer son rôle dans les événements qu'il relate - et Nordling s'efforce manifestement de dissimuler le plus possible tout contact avec l'odieux Göring, quitte à nier, de manière fort peu crédible, l'avoir rencontré...

Pas trop d’accord sur ce point là car Nordling admet :
- Avoir accepté de rencontrer Goering
- Et surtout avoir accepté de convoyer une offre diplomatique

On peut difficilement lui reprocher de dissimuler des contacts

Nicolas Bernard a écrit: Bref, cet extrait doit impérativement être confronté à d'autres éléments documentaires. F.D. s'y colle, d'ailleurs, sur son site, en y ajoutant une autre pièce révélée par l'"historien" ex-collabo Jacques Benoist-Méchin.

Il en ressort que

1/ plusieurs jours avant le Haltbefehl, Göring parle bien de conclure une paix "raisonnable" avec Paris (non sans un parfum de menace: Français, négociez vite, à défaut vous aggraverez votre cas);
2/ quoique ces conditions de paix évoluent vers une plus grande "sévérité", elles s'avèrent "généreuses" pour un pays dont on s'attend à ce qu'il subisse une déconfiture militaire telle que l'armée teutonne parade dans Calais sous dizaine (et, de fait, la "bataille de France" sera perdue en cinq jours, du 10 au 15 mai);

3/ Göring transmet cette information à un négociateur suédois, Dahlerus (or ce dernier est surtout en contact avec les Anglais), et, soit directement, soit par l'intermédiaire de Dahlerus, à Nordling qui la répercute au gouvernement français.

En d'autres termes, le N°2 du Reich (rien que ça!) informe les Français, via un diplomate suédois, qu'ils peuvent espérer, malgré leur déroute (imminente ou actuelle), une paix généreuse. Qu'il mentionne, selon les sources (mais pas toutes) que le Führer émettra de lui-même une offre de paix ne me paraît soulever aucune contradiction avec l'hypothèse "diplomatique" expliquant le Haltbefehl: le fait est que le gouvernement français sait vite à quoi s'en tenir, et, compte tenu des informations délivrées par Göring, peut de lui-même demander grâce, sans impérativement attendre des nouvelles de Hitler.

Cependant, la mention, dans le document "Coulondre", que "le Führer ferait une proposition de paix" prouve au moins une chose: Göring n'agissait pas à l'insu de Hitler. Car dans cette mention, c'est bien du Führer dont il s'agit, non de Göring. Et il en ressort expressément que Göring s'exprimait au nom du Führer. En toute hypothèse, au vu de l'ampleur des conditions "généreuses", il me paraît absolument inimaginable que le chef de la Luftwaffe se soit engagé sans l'accord du dictateur.

Dans cette logique, l'ordre d'arrêt sine die délivré par Hitler le 24 mai 1940 (sous couvert de Von Rundstedt, qui se limitait, lui, à une pause de 24h) ne peut se comprendre autrement que pour des considérations diplomatiques: Hitler retient ses dogues cuirassés avant qu'ils ne déchirent leurs victimes, pour donner du crédit à ses propositions de paix "généreuses" et éviter d'humilier l'Occident.


Le document N° 1 ( récit de Benoist-Méchin ) a le très grand désavantage de citer une source qui non seulement n’a jamais été retrouvée mais dont l’existence même est douteuse ( vanwelkenhuysen, miracle à dunkerque page 168 ).

Ajoutons que le récit de BM qui fait traverser 3 pays ( dont 2 en guerre ) et 2 frontières par Nordling en 48 heures me semble particulièrement douteux compte tenu des embouteillages de transports qu’il invoque au début de son récit pour justifier de la rencontre.
C’est par ailleurs le seul document qui indique que Nordling a rencontré Goering.

Bref un document impossible à recouper ( source disparue ou inventée ) par un auteur qui sent quand même le souffre : la crédibilité de Benoist-Méchin ne pouvant à mon sens pas être placée au même plan que celle de Nordling.

En tout cas, le document est totalement incompatible avec le récit des mémoires de Nordling puisqu’il situe la rencontre le 15 mai soit à une date où Nordling a déjà quitté Berlin selon ses mémoires : un des 2 documents est donc une invention pure et simple.

Le document Coulondre présente lui un certain nombre de similitudes avec les mémoires de Nordling notamment en identifiant l’interlocuteur de Goering comme étant Dahlerus et non pas Nordling, il indique aussi comme dans les mémoires de Nordling que Goering n’a pas fait de propositions de paix et que celles-ci seraient faites plus tard de façon « raisonnables »
C’est là la grande différence entre le texte Coulondre et celui des mémoires de Nordling puisque Nordling explique dans ses mémoires que la proposition raisonnable a été annulée par Goering et qu’une proposition plus vague et plus sévère serait faite plus tard.

Par ailleurs le document Coulondre présente une lourde inexactitude « M. Nordling, Consul Général de Suède à Paris, qui avait accompagné M. Coulondre et le général Mittelhauser lors de la mission accomplie en Scandinavie du 12 au 14 avril, est revenu 15 jours plus tard à Paris en traversant l’Allemagne. Il s’est joint à une mission suédoise qui comprenait M. Dahlerus, industriel connu pour ses relations avec le Maréchal Göring, le Directeur des Affaires Économiques au Ministère des Affaires étrangères suédois et le chef d’État-Major des forces navales suédoises. »
Puisqu’il fait revenir Nordling à Paris le 29 avril ( ou vers le 29 avril ) soit à une date où Nordling n’a pas encore quitté la Suède ( il arrivera le 18 mai soit 19 jours plus tard ).

Cela démontre que la personne qui a rédigé le document l’a fait avec une certaine légèreté et que le document Coulondre n’est pas nécessairement exact dans sa relation du trajet de Nordling en Allemagne.

Ce qui amène donc à mon analyse du texte et à aux conclusions que j’en tire ( en fait que j’emprunte à François Kersaudy ) : je ne reviens pas sur mon analyse puisqu’elle est présentée dans le post 3281 page 329

La question finale est donc de savoir si les mémoires de Nordling sont exactes ou fausses : à ce stade, il faut noter que Nordling est très précis sur son trajet ce qui indique seulement 2 possibilités à savoir soit il ment soit il dit la vérité mais avec autant de précisions dans ses propos, une erreur involontaire est à exclure.

Si il dit la vérité, c’est évidemment le document Coulondre qui est à remettre en cause ( et je ne parle même pas des révélations de Benoist-Méchin )

Comment déterminer si Nordling ment ou dit la vérité : soit en recoupant avec les mémoires de Dahlérus ( mais elles sont introuvables sur amazon et semblent porter essentiellement sur septembre 1939 ) soit en mettant la main sur le rapport « interne » qu’il a rédigé le 19 novembre 1944 et que Fabrice Virgili identifie sous la référence suivante :
UD Utrikes Departament, 1920 ars doss. HP , Frankrike 385
Si quelqu’un lit le suédois couramment et passe par Stochkolm ? ( je plaisante :cheers: )
En espérant que ce rapport ne s'en tienne pas qu'aux événements de 1944

Pour revenir à ma réponse à François : le fait qu’un document sérieux ( même si sa véracité ne peut être confirmer ou infirmer ) présente une version alternative aux révélations de Goering à Nordling est une source de faiblesse du document Coulondre : celui-ci devenant douteux

Bonne soirée


J'entends bien que les documents sont incertains quant à la chronologie des déplacements de Nordling. Cependant, là n'est pas du tout l'essentiel, et ce n'est notamment pas ce qui intéresse le haut-fonctionnaire français qui rédige la note du 20 mai 1940, au regard de l'information hautement sensible qui s'en dégage: Hitler indique à la France, par l'intermédiaire de son adjoint le plus proche (déjà lourdement impliqué dans de précédentes négociations informelles avec l'Occident dans les années trente) qu'il est prêt à lui accorder une paix "généreuse", dans le fil d'une victoire militaire qui conduira ses armées jusqu'à Calais. L'importance d'une telle révélation éclate d'autant plus ce 20 mai, alors qu'à Paris on sombre dans la panique au point de brûler les archives dans les jardins des ministères.



Bonsoir,

Pour des raisons professionnelles, je dois faire très court comme réponse

J'entends bien le raisonnement mais c'est justement l'exactitude de la note Coulondre que les mémoires de Nordling amènent à remettre en cause.

Le document qui a été rédigé 10 jours après les propos tenus par Goering à Dahlerus et qui ont été rapportés à Coulondre par un intermédiaire ( Nordling ) oralement et sans note est-il exact ou a t'il pu faire l'objet d'imprécisions soit de la part de Nordling dans son exposé soit de la part de Coulondre dans sa note ?

Si on considère les mémoires de Nordling comme exactes, la réponse est oui ( le document est imprécis ) et il faut en tirer les conséquences
Si on considère que Nordling ment, la réponse est non

Chacun se fera bien sur son opinion et je ne prétends pas qu'il existe un document ( sauf peut être en Suède ) qui peut trancher

Par contre 3 points sont factuels à mon sens :
- les documents Coulondre et les mémoires de Nordling sont partiellement compatibles ( ils se recoupent partiellement ) même si le sens général des propos diffère entre les 2 document
- les mémoires de Benoist-Méchin ( qui fait référence à une réunion le 15 mai ) et de Nordling sont totalement incompatibles

- compte tenu de la précision des mémoires de Nordling pour cet épisode, soit il ment soit il dit la vérité mais une erreur involontaire est impossible quand on apporte autant de précisions

J'ai bien sur mon opinion ( donné plus haut dans la conversation ) mais chacun pourra se forger son opinion à partir des documents cités

Bonne soirée


 

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Re: Le Haltbefehl

Nouveau message Post Numéro: 3302  Nouveau message de alain adam  Nouveau message 01 Fév 2017, 23:19

François Delpla a écrit:La nation japonaise était, face à cette guerre, coupée en deux comme les autres et peut-être plus encore. Si elle s'arrête en mai 40 sur le sable de Dunkerque, Hitler peut prendre son temps et guetter les meilleures occasions pour s'en prendre à la Russie en la mettant dans son tort et là, peut-être, le Japon l'aide. Mais s'attaquer aux Etats-Unis ? C'est à peu près inconcevable sans l'assurance que l'Allemagne fixe une grande partie de leurs forces de l'autre côté.


Il me convient de signaler que le Japon devient exsangue de ressources suite aux décisions d’embargo a cette époque la , et qu'il n'existe pas beaucoup de solutions : plier et retirer ses conquêtes en Chine et mandchuko , ou se lancer dans la guerre et construire un empire exploitant les ressources de l'asie du sud est . Le traité de versailles ayant été assez "aimable" avec le japon , ce pays se trouvait en position de force -au niveau naval - par rapport a une puissance comme les USA partagée sur deux océans . Nation d'orientation guerroyante , avec d'anciennes traditions basée sur l'honneur etc , les généraux( et amiraux ) ont vite pris le pas sur le pouvoir de l'empereur qui ne voulait pas d'une guerre ouverte face aux nations occidentales . C’était un formidable jeu de dés , que Yamamoto lui même estimait improbable en potentialité de réussite ( il avait effectué ses études aux USA et connaissait le potentiel industriel du pays ) , sauf si un grand coup était porté a la flotte américaine , d'ou l'opération sur PH , forçant l'amérique a revenir a la table de négociations avec le Japon . Celle ci visait en priorité des porte-avions , mais il n'y en avait aucun sur place . Cela ouvrait le champ libre a un président US ne demandant qu'une opportunité pour que le congres le suive dans une démarche de guerre . Du coup , l'opération sur Pearl harbor , ce "jour d'infamie" est en fait un moment salvateur pour une entrée en guerre désirée , et c'est aussi pour cela qu'il existe des polémiques sur le fait que les US savaient ou non que l'attaque allait être effectuée ( théorie du complot ) .
A cette époque la , les relations entre le japon et l'Allemagne sont plutôt confidentielles, et ne touchent pas encore la technique ou le matériel . L'hypocrisie Nazi et la distance fera que peu de choses seront partagées jusqu'au bout , sauf sur des micro événements comme les avions suicides a réaction , mais c'est déjà la fin de la guerre . En fin de compte, les japonais se sont retrouvés seuls , isolés , mais ont bien entendu attendu que la Russie soit attaquée , pour pouvoir libérer des troupes pour leurs projets d'invasion . Du coup , c'est le japon qui a tourné le dos a l'Allemagne , en n'attaquant pas le front russe sur sa partie orientale , se focalisant sur ses propres besoins .

Amicalement ,
Alain
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Re: Le Haltbefehl

Nouveau message Post Numéro: 3303  Nouveau message de Nicolas Bernard  Nouveau message 02 Fév 2017, 17:12

alias marduk a écrit:Pour des raisons professionnelles, je dois faire très court comme réponse

J'entends bien le raisonnement mais c'est justement l'exactitude de la note Coulondre que les mémoires de Nordling amènent à remettre en cause.

Le document qui a été rédigé 10 jours après les propos tenus par Goering à Dahlerus et qui ont été rapportés à Coulondre par un intermédiaire ( Nordling ) oralement et sans note est-il exact ou a t'il pu faire l'objet d'imprécisions soit de la part de Nordling dans son exposé soit de la part de Coulondre dans sa note ?

Si on considère les mémoires de Nordling comme exactes, la réponse est oui ( le document est imprécis ) et il faut en tirer les conséquences
Si on considère que Nordling ment, la réponse est non

Chacun se fera bien sur son opinion et je ne prétends pas qu'il existe un document ( sauf peut être en Suède ) qui peut trancher

Par contre 3 points sont factuels à mon sens :
- les documents Coulondre et les mémoires de Nordling sont partiellement compatibles ( ils se recoupent partiellement ) même si le sens général des propos diffère entre les 2 document
- les mémoires de Benoist-Méchin ( qui fait référence à une réunion le 15 mai ) et de Nordling sont totalement incompatibles

- compte tenu de la précision des mémoires de Nordling pour cet épisode, soit il ment soit il dit la vérité mais une erreur involontaire est impossible quand on apporte autant de précisions

J'ai bien sur mon opinion ( donné plus haut dans la conversation ) mais chacun pourra se forger son opinion à partir des documents cités

Bonne soirée


Bonjour,

Pour faire vite, disons que j'ai tout de même tendance à accorder plus de crédit au document d'époque qu'aux Mémoires de Nordling ou à la retranscription effectuée par Benoist-Méchin - et confirmée par un Paul Reynaud manifestement gêné aux entournures.

Je comprends l'intérêt de déterminer exactement la chronologie ou de trancher la question de savoir si et quand Nordling a effectivement rencontré Göring (j'incline vers l'affirmative) - François Delpla s'y attelle ici de manière que je juge convaincante.

Cependant, tout cela me semble pour le moins accessoire au regard de ce que ces trois sources attestent: le fait est que le plus haut ponte du régime nazi après Hitler parle bel et bien d'accorder à la France une "paix généreuse", qu'il communique l'information à un interlocuteur suédois, Dalherus, bien connu pour être en contact avec le gouvernement britannique, et à un diplomate suédois, Nordling (directement ou indirectement), chargé de la transmettre au gouvernement français.

Ce simple fait prouve qu'à l'offensive militaire du 10 mai 1940 se greffe une "offensive de paix" censée conduire à un armistice à bref délai (puisque les nazis font miroiter à la France une paix "généreuse" malgré sa débâcle - et je vois mal Dahlerus, premier informé, ne pas en causer aux Anglais). L'ordre d'arrêt de Hitler du 24 mai 1940 ne peut se comprendre si l'on en fait abstraction.
« Choisir la victime, préparer soigneusement le coup, assouvir une vengeance implacable, puis aller dormir… Il n'y a rien de plus doux au monde » (Staline).

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Re: Le Haltbefehl

Nouveau message Post Numéro: 3304  Nouveau message de François Delpla  Nouveau message 10 Fév 2017, 08:27

Je viens d'écrire une recension du livre de Christian Destremau Churchill et la France http://www.delpla.org/site/articles/art ... =11&id=115
(Paris, Perrin, 2017).

Extrait :



Le succès foudroyant de l'offensive allemande surprend tout le monde car la solidité de l'armée française était une opinion universellement partagée... mais dans cet ensemble Churchill est présenté comme spécialement fautif car spécialement confiant dans les généraux français. C'est ici que l'absence de tout regard au-delà du Rhin se fait le plus dommageable. Car tout ce qu'on a dit sur la révolution des blindés manoeuvrant en larges masses, appliquée par l'Allemagne seule tandis que l'adversaire en restait à la doctrine de 1918 du char accompagnant l'infanterie, méconnaît la différence principale entre 1918 et 1940 : la présence à la tête de l'Allemagne d'un pouvoir ferme, résolu, constant dans des objectifs caressés à loisir, passé maître dans l'art de la surprise et disposant à sa guise de tous les leviers civils et militaires. En d'autres termes, Hitler savait mieux que personne que l'armée française ne pouvait être vaincue, du moins par la sienne, si ce n'est par KO dans les premières secondes du premier round. La mise sur pied de dix divisions blindées et le rodage de cette arme en Pologne étaient, de ce point de vue, un simple détail d'exécution. L'important était la création d'une atmosphère dans laquelle l'Allemagne apparaissait comme un gagne-petit, terrorisé à l'idée d'affronter la France sur terre et l'Angleterre sur mer, et plaçant tous ses espoirs dans une "bataille des neutres", c'est-à-dire une mainmise progressive sur ses petits voisins. Il fallait que, le 10 mai, Hitler ait l'air de ne s'en prendre, après l'Autriche, la Tchécoslovaquie, la Pologne, le Danemark et la Norvège, qu'à la Belgique et aux Pays-Bas, en sorte que l'adversaire place à son tour sa mise sur une seule carte : la contention de l'offensive le plus loin possible dans ces pays, et l'émergence consécutive, pour un Hitler stoppé dans son aventure, de difficultés politiques gigantesques. C'est si l'adversaire se précipitait tête baissée en Belgique, et seulement à cette condition, que se dessinerait la possibilité d'un coup allemand mortel dans la région de Sedan. Et c'est ce qui advint. Si on tient à ne pas faire de Churchill un portait trop hagiographique, c'est son parfait aveuglement devant ce processus qu'il conviendrait avant tout de relever. La cécité était certes universelle, mais précisément Winston était censé être le veilleur perçant à jour les ténèbres. Quant à de Gaulle, écrivant le 10 mai à son Yvonne qu'il pensait que l'heure de la "grande attaque" sonnerait "un peu plus tard", il n'était pas plus perspicace.

La performance de Churchill commence le 15 mai, lorsque l'annonce de la percée de Sedan lui inspire une série de gestes salutaires qui vont frustrer in extremis Hitler d'un triomphe absolu. Si la place manque pour les résumer ici, il convient de montrer le peu de pertinence des reproches que croit devoir lui faire Destremau. Il semble d'après lui tarder à comprendre la révolution des blindés et n'abandonner ses préjugés antérieurs qu'à reculons; le facteur principal de ce retard serait la vanité. En réalité s'il fait flèche de tout bois pour tenter de faire croire aux Français que tout n'est pas perdu, il mesure parfaitement la gravité de l'heure. A preuve, son discours radiodiffusé du18, dont Destremau isole quelques phrases sur la possibilité de contre-attaques, exagérément confiantes mais de bonne guerre pour éviter une débandade (p. 220-221). Pire, Churchill serait alors obnubilé par "sa place dans l'Histoire" : l'historien ne peut écrire cela que s'il oublie que cet homme pare à chaque seconde au plus pressé pour qu'un autre homme échoue au dernier moment dans l'application complète d'un programme délirant et effrayant, après avoir pris de court toute une planète.

Un parent pauvre du livre est la crise qui se déroule entre le 24 et le 28 mai, à la fois sur le champ de bataille, au sein des deux principaux gouvernements alliés et dans leurs relations. Destremau indique à juste titre, de façon encore trop rare, que Churchill dans un premier temps sacrifie son armée de terre sur l'autel de l'alliance avec la France, en se refusant à envisager son embarquement. Cependant il omet complètement le facteur qui permet tout de même l'évacuation : la suspension de l'offensive hitlérienne par un fameux "Haltbefehl" entre le 24 et le 27 mai. En lieu et place, c'est le général Gort qui est censé, en désobéissant, avoir ordonné un "repli vers les ports". Sur les empoignades entre Churchill et Halifax au sein du cabinet de guerre, à raison de trois réunions par jour les 26, 27 et 28 mai, il faut se contenter d'une allusion rapide et inexacte : "C'est dans les jours qui suivent qu'ont lieu les trois réunions de Cabinet dramatiques qui, depuis, divisent les historiens" (suivant quelles lignes, mystère; d'autre part ces débats, loin de "diviser les historiens" depuis toujours, avaient été niés avec aplomb dans les mémoires de Churchill, n'ont été révélés que par l'ouverture des archives du cabinet, en 1971, et ont pris quelques décennies de vacances supplémentaires avant d'arriver au centre des discussions). De façon très surprenante, Destremau attribue la "première attaque" à Chamberlain qui accuserait Churchill d'une présentation "totalement trompeuse" de la situation. Or une telle imputation ne figure pas dans les documents, cités d'ailleurs sans précision (comme souvent dans le livre). En réalité c'est Halifax qui, dès le 26, a dégainé en souhaitant qu'on s'enquière des conditions allemandes de paix, ce à quoi Churchill s'est opposé très péniblement avant de clore la discussion le 28, non pas sur une décision, mais sur le constat qu'il fallait avant de statuer connaître le bilan de l'évacuation par Dunkerque... moyennant quoi la discussion sur l'opportunité de s'enquérir des conditions allemandes ne revint jamais à l'ordre du jour.

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Re: Le Haltbefehl

Nouveau message Post Numéro: 3305  Nouveau message de Loïc Charpentier  Nouveau message 10 Fév 2017, 18:41

Ce n'est plus une recension, c'est un "aimable" taillage en pièces... parce que son analyse ne concorde pas avec votre thèse! ::mortderire::

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Re: Le Haltbefehl

Nouveau message Post Numéro: 3306  Nouveau message de François Delpla  Nouveau message 12 Fév 2017, 07:07

Loïc Charpentier a écrit:Ce n'est plus une recension, c'est un "aimable" taillage en pièces... parce que son analyse ne concorde pas avec votre thèse! ::mortderire::


quand vous serez ressuscité de ce rire autoproduit, il sera temps de vous expliquer plus avant.

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Re: Le Haltbefehl

Nouveau message Post Numéro: 3307  Nouveau message de Michel 44  Nouveau message 12 Fév 2017, 07:35

François Delpla a écrit:
quand vous serez ressuscité de ce rire autoproduit, il sera temps de vous expliquer plus avant.


::pipo::


 

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Re: Le Haltbefehl

Nouveau message Post Numéro: 3308  Nouveau message de François Delpla  Nouveau message 12 Fév 2017, 12:23

Un récent point de vue italien



https://orologiodellastoria.wordpress.c ... dunkerque/

Cet Eduardo transalpin, même s'il ne dit rien de ses sources, a beaucoup lu sur la question du Haltbefehl. Mais non point cependant la décisive analyse de John Costello (1991), ni les prolongements que je lui ai donnée en 1992, 1993 et 1997.

Il passe en revue toutes les explications classiques, sans vraiment conclure et avec des poncifs déjà lus tant et plus : l'explication n'est sûrement pas monocausale (qu'en sait-on puisque précisément on renonce à en proposer une ?), si Hitler songeait à favoriser la paix avec l'Angleterre en tolérant l'évacuation il s'est mis le doigt dans l'oeil puisqu'il a transmué le moral en berne de l'ennemi en un vigoureux "esprit de Dunkerque", etc.

Pourtant, Hitler apparaît bien ici aux commandes de son régime, et son rêve d'alliance avec l'Angleterre, dévoilé dans Mein Kampf, est opportunément rappelé. Mais il serait peut-être influençable par un général comme Rundstedt, qualifié pour l'occasion de timoré, ou par les rodomontades de Göring, et il peinerait à comprendre la mentalité britannique.




En somme, un mauvais article d'histoire, qui tourne autour de la vérité sans oser y entrer.



@ Loïc : elle vient, cette critique de ma recension ::tank:: ?

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Re: Le Haltbefehl

Nouveau message Post Numéro: 3309  Nouveau message de Michel 44  Nouveau message 12 Fév 2017, 16:27

François Delpla a écrit:
@ Loïc : elle vient, cette critique de ma recension ::tank:: ?


Pourquoi faire ? Monsieur Delpla a toujours raison....


 

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Re: Le Haltbefehl

Nouveau message Post Numéro: 3310  Nouveau message de François Delpla  Nouveau message 12 Fév 2017, 16:35

Michel 44 a écrit:
François Delpla a écrit:
@ Loïc : elle vient, cette critique de ma recension ::tank:: ?


Pourquoi faire ? Monsieur Delpla a toujours raison....


et Monsieur Michel 44 a, sinon la foi du charbonnier, du moins foi en le Charpentier !

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