Soxton a écrit:Hitler est venu rendre visite à Rundstedt dans son quartier général de Charleville. Quand la discussion est terminée, c'est l'ordre d'arrêt qui est communiqué : "Par ordre du Führer — attaque au nord-ouest d'Arras limitée à une ligne Lens - Béthune - Aire-sur-la-Lys - Saint-Omer - Gravelines — le canal ne sera pas franchi".
Pendant la matinée du 24 mai, il est impossible pour les officiers qui commandent les régiments blindés de connaitre l'interdiction de franchir le canal.
Chef, il te faut expliquer pourquoi la diffusion de cet ordre n'a pas été possible avant qu'Hitler rencontre Rundstedt à Charleville. Sans explication de ta part, il sera difficile de croire qu'Hitler avait pris sa décision avant de rencontrer Rundstedt.
La nature de la directive formulée par Hitler le 24 mai 1940 vers 12h30 prouve, d'abord et avant tout, que cet ordre se distingue radicalement de celui formulé la veille par Von Rundstedt:
- ce dernier, en soirée du 23 mai, prescrit aux groupes blindés Kleist et Hoth de faire une pause de 24 heures;
- Hitler, le lendemain, interdit à toute unité, qu'elle soit blindée, mécanisée ou à pied, de franchir une ligne soigneusement délimitée, ce indéfiniment, ce qui a pour effet de bloquer l'offensive allemande vers Dunkerque, et donc d'achever de prendre au piège les forces alliées, en les coupant de toute voie de ravitaillement/évacuation maritime.
Quant à Hitler, il est évident qu'il avait pris sa décision avant de rencontrer Von Rundstedt, même en faisant abstraction du contexte global de ses approches diplomatiques vers la Grande-Bretagne et la France. Le hiatus entre les intentions de Von Rundstedt et l'ordre délivré par Hitler, la brièveté même de la réunion, de même qu'une analyse des documents d'époque (journal de Jodl et journal de marche du Groupe d'Armées A), le prouvent sans discussion.
Du reste, l'entourage de Von Rundstedt, à savoir le général Sodenstern (son chef d'état-major) et le colonel Blumentritt, prétendra après la guerre avoir nettement ressenti que le Führer avait cette idée en tête avant la réunion du 24 mai. S'il n'est pas exclu qu'ils cherchent à se couvrir (et à couvrir leur ancien patron de groupe d'armées), il n'en demeure pas moins le témoignage de l'aide-de-camp de Hitler, Gerhard Engel, qui a attesté en 1954 que, selon lui, Hitler n'était pas venu au Q.G. de Von Rundstedt avec la ferme intention d'arrêter les chars, mais qu'il avait évoqué cette possibilité lors d'une réunion de travail la veille au soir (le 23 mai, donc), compte tenu de la nature du terrain dans les Flandres (Hans Meier-Welcker, "Der Entschluß zum Anhalten der deutschen Panzertruppen in Flandern 1940", Vierteljahrshefte für Zeitgeschichte, II, 3, juillet 1954, p. 288).
On sait que ce dernier mobile n'est qu'un prétexte (il ne transparaît même pas du compte-rendu, certes très bref, de la réunion de Charleville), qui d'ailleurs ne trompera nullement l'O.K.H., du moins le général Halder. Il faut en déduire que Hitler songeait déjà à arrêter ses troupes... et concoctait la poudre aux yeux qu'il offrirait à la Wehrmacht.