N'étant pas homme de peu de mots, veuillez pardonner la longueur de cette présentation, qui dépassera probablement les cadres acceptables d'une discussion sur Internet!
Marthe Simard est née en Algérie (Bordj-Menaïel), le 6 avril 1901, de parents français. Elle est décédée à Québec, en 1993. Son père, Édouard Caillaud, fait carrière dans le droit. Elle se marie à l’âge de 19 ans à Socrate Bastenti. Mais celui-ci meurt subitement peu de temps après la naissance d’une petite fille à Tunis. Marthe et sa fille se réfugient chez ses parents, à Douai en France, où son père avait été nommé juge d’instruction.
Et c’est en France, à Berck plus précisément, que Marthe rencontre le Dr André Simard, un Canadien-Français de Québec venu se spécialiser dans le traitement de la tuberculose osseuse (il est le petit-fils de l’ancien premier ministre du Québec Félix-Gabriel Marchand). Ils se marient à Paris en 1932, et s'installent à Québec la même année.
Même installée à l’étranger, Marthe Simard demeure profondément attachée à la France. Lorsque la guerre éclate en septembre 1939, son mari et elle envoient des vivres et des médicaments en France. Au moment de l'armistice, Marthe Simard se sent investie du devoir d’agir devant l’effritement de la société française. Le soir de l'Appel du 18 juin, elle fonde spontanément le premier comité de la France Libre en dehors de la France et de l'Angleterre.
Les Simard logent, nourrissent et soignent plusieurs transfuges, ainsi que des personnalités de passage à Québec comme l'amiral Thierry d'Argenlieu, chef des Forces navales françaises libres à partir de 1943. En sillonnant le Canada afin de faire connaître la France Libre, elle contribue à la création de plusieurs comités locaux à travers le pays (plus de quatre-vingt).
Témoignage éloquent de la valeur que l’on accorde à son action, les Français établis au Canada délèguent Marthe Simard à l'Assemblée consultative provisoire d'Alger. Elle sera l'un des quatre représentants de la Résistance extérieure. Elle devient le 20 octobre 1943 la première femme parlementaire de France, un an avant que l’éligibilité des femmes ne soit votée. L'Assemblée nationale consultative regagne Paris après la Libération en 1944, et Marthe Simard y rejoint d’autres femmes.
Le Général de Gaulle demande à Marthe Simard de demeurer en France pour y faire une carrière politique. Elle décline l’invitation. Au cours des dernières années, c’est le sens du devoir qui la motivait dans son combat pour la Libération de la France, et non pas une quelconque ambition personnelle. Elle préfère retourner à Québec auprès de son mari. Le couple recevra de la France plusieurs décorations, dont la Légion d’Honneur et la Médaille de la Résistance.
Dès lors, les historiens perdent sa trace. Dans Les femmes députés, de 1945 à 1988 (édité par l’auteur, 1990), Jean Pascal se contente de glisser son nom dans une liste des femmes déléguées aux Assemblées consultatives provisoires d'Alger et de Paris, et ce, malgré tout un chapitre consacré aux femmes parlementaires. Dans La Chambre ardente (Les Éditions de Paris, 2001), l’auteur et directeur de la Mission éditoriale de l’Assemblée nationale à Paris, Bruno Fuligni, lui consacre un court chapitre au ton un peu sarcastique, intitulé « Marthe Simard, la députée inconnue ». Il en dit ceci :
On ne sait rien de Marthe Simard.
Rien, ou si peu qu'il est presque indécent de prétendre lui consacrer une notice biographique. Date et lieu de naissance inconnus, date et lieu de décès de même. On peut conjecturer qu'elle exerçait un métier intellectuel, peut-être dans l'enseignement, mais rien ne l'atteste de façon définitive. Quant à sa vie elle-même, le chercheur jette l'éponge, impossible d'en reconstituer ne serait-ce que la trame. Sa photo est perdue. Les archives parlementaires ne contiennent aucun dossier, pas un courrier, rien sur la mystérieuse Marthe Simard, parfaitement ignorée aussi des ouvrages spécialisés sur les femmes parlementaires.
Or Marthe Simard fut la première d'entre elles. Mieux: elle a obtenu son siège hors de tout cadre juridique, avant même que les Françaises soient électrices et éligibles!
Mais qui se souvient de Marthe Simard?
Je compte bien pallier à cette méconnaissance, bien humblement, ayant notamment retracé la descendance et les archives personnelles de Marthe Simard.
Il me fera plaisir de répondre aux questions suscitées par ce (trop long) exposé ou de recevoir toute information que vous jugeriez pertinente.
Frédéric
Québec, Canada
Elisabeth de Miribel, Alain Savary, l'amiral Thierry d'Argenlieu, André Simard, la fille de Marthe Simard et Marthe Simard elle-même, à Québec, le 1er avril 1941 (Source : Archives privées)