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Sabotages communistes en 1940 : mythe ou réalité ?

Nouveau messagePosté: 13 Oct 2009, 10:58
de Bruno Roy-Henry
En effectuant une rapide recherche, je m'aperçois que cette question n'est pas vraiment traitée ici. Il me semble que c'est l'occasion de réparer cette lacune :

J'ai relevé ceci sur le forum; par "l'Officier sans nom" :
M.Jacques Robineau qui a écrit dans le courrier des lecteurs du magasine Avion n°149 :
[...]Non seulement le P.C approuvait et soutenait en pleine guerre le pacte d'alliance germano-soviétique mais il organisait simultanément le sabotage des fabrications de guerre et la démoralisation systématique dans kes unités de l'armée française. On pouvait lire dans un tract officiel du P.C de février 1940 cet appel:
"Ouvrier, ne soyez pas complice de vos pires ennemis qi combattent dans l'Union soviétique le triomphe du socialisme, par tous les moyens appropriés en mettant en oevure toutes vos ressources d'intelligence et de toutes vos connaissances techniques, empêchez, retardez, rendez inutilisable les fabrications de guerre...

Voyons certains fait par exemple:

En avril 1940, on constate qu'un certain nombre d'avions sortis des usines FARMAN, à Boulogne-sur-Seine, explosent en plein vol. Des vérifications sont faites. on découvre que les avions sont sabotés. L'écrou qui fixe le tuyau d'arrivé de l'essence est sectionné. En vol, l'essence se répandait sur la tubulure d'échappement, prenait feu et provoquait l'explosion.

La surveillance établie permet alors de prendre en flagrant délit les frères RAMBAUD et leurs complices. Roger RAMBAUD a reconnu qu'il obéissait aux consignes du P.C. et qu'il sabotait une vingtaine d'avions par jour. Il ne manifesta aucun regret de ses actes. Mieux, ou pis, il raconta que pour se protéger il organisait lui-même dans l'usine des collectes d'argent en faveur des pilotes victimes des accidents que son sabotage provoquait. Cet argent était versé au Parti !

Le 27 mai 1940, le troisième tribunal militaire condamna pour le sabotage des avions de l'usine FARMAN : Raymond ANDRIEU, agé de 18ans; Raymond LEROUX,âgé de 17ans, à vingt ans de travaux forcés. Roger RAMBAUD, âgé de 17ans et demi; Marcel RAMBAUD, âgé de 23 ans, frère du précédent; Maurice LEBEAU, âgé de 33ans et Léon LEBEAU, son frère, âgé de 18ans, furent tous les quatre condamnés à la peine de mort. Tous étaient des ouvriers de chez FARMAN et membres des Jeunesses Communiste et du P.C.

Le 29 mai 1940, le pourvoi en cassation des condamnés était rejeté. Ils furent transférés à Bordeaux. le Président de la République n'accorda la grâce qu'à un seul des quatre condamnés à mort : Léon LEBEAU. Les trois autres furent fusillés.

Cette action de sabotage ne se limita pas aux avions FARMAN. On découvrait de la limagne métallique dans les filtres à huile moteur (LEO 45), des tiges métalliques dans les boîtiers des commandes des gouvernes d'empennage (AMIOT 351), des mauvais calage des distributeurs d'allumage moteur (MORANE 406), des bouteilles d'oxygènes défectueuses sur des avions de chasse (MB 152, MS406, D-520), ect.

En dehors du secteur aéronautique, elle s'étendait à de nombreuses usines et poudreries de la région parisienne et de province. Les rapports de l'autorité militaire signalent les formes les plus variées de sabotage : chars de combats aux tourelles bloquées et installations électriques déteriorées, réservoirs de carburant, déréglage des engins de contrôle, casemate des régios fortifiées, fusée d'obus et de balles perforantes en pleine bataille de France.

Voir à ce sujet le Journal Officiel : débats, séance du 18 juillet 1946 page 2683. je conseille de lire la revue du SNPL Icare dans les numéros consacrés à "Bataille de France", lorsque des pilotes évoquent leurs souvenirs et leurs déboires, lors de la prise en compte d'avions de remplacement dans les parcs et les usines, dus à des contremaîtres ou chefs de services syndiqués CGT à l'époque."

Ces sabotages sont d'ailleurs évoqués dans le livre de Dominique Lormier Comme des lions, page 108 au sujet des AMD de la 4ème D-Cu :
Le matériel repose sur des automitrailleuse Panhard 178 dont les canons de 25mm, sabotés par des admirateurs du pacte Germano-Soviétique, sont inutilisables. Il faudra combattre avec les seules mitrailleuse de bord !


Francis Deleu y ajoutait ces éléments :

Charles Tillon :

"Il faut vous dire que je recevais un numéro de L'Humanité clandestine avec pour consigne de reproduire le plus grand nombre d'exemplaires possible. Je m'exécutais en omettant d'y faire figurer les consignes de sabotage. Mais je sais que Frachon, qui rapidement en est venu à ne plus me faire de confidences, en faisait parvenir directement de Paris par un service de cheminots. Ceux qui venaient de Paris contenaient bien, eux, les ordres de sabotage"

un entretien accordé en 1981 à la revue "Histoire magazine".

Un livre utile :
Jean-Pierre Besse - Claude Pennetier, "Juin 40 - La Négociation secrète - Les communistes français et les autorités allemandes", Les Editions de l'Atelier/Editions Ouvrières, Paris, 2006

Sur "Livres de guerre" : http://www.livresdeguerre.net/forum/suj ... sujet=1022

Francis Deleu.


Donc, il y a bien eu des sabotages communistes. On polémique encore sur leur nombre et leur ampleur !

Re: Sabotages communistes en 1940 : mythe ou réalité ?

Nouveau messagePosté: 13 Oct 2009, 11:47
de Daniel Laurent
Bonjour,
Il y a les faits averes :
- La direction stalinienne du PCF a bien fait circuler des consignes de sabotage.
- Certains communistes ont obeit a ces consignes et on commis des sabotages.

Puis il y a les faits qui font polemiques :
- Quelle fut l'etendue de ces sabotages ? Ca, ca va etre dur a etablir, les saboteurs ne tenaient pas de comptes ecrits...

- Quel est le % de militants communistes ayant obei ? Pas 100%, loin de la. Un bon nombre, comme Charles Tillon et celle qui n'etait pas encore son epouse, ont "sabotes les sabotages". La aussi, pas simple d'avoir des chiffres.

En 1939 [...] je reussis a me faire embaucher dans une usine de meuble requisitionnee pour faire des caisses d'obus. De nombreuses femmes y travaillaient. Chaque quinzaine, au moment de la paie, avec une camarade, nous collections pour la confection de colis aux premiers internes politiques. Les ouvriers versaient genereusement. Dans mon groupe des JC (jeunesses communistes, ndDL) nous fabriquions de courts tracts appelant les mobilises au combat contre les troupes hitleriennes. Aidee de ma camarade, je glissais tracts et cigarettes dans les caisses d'obus.

Raymonde Tillon, J'ecris ton nom, Liberte, Editions du Felin, 2002, page 43

Re: Sabotages communistes en 1940 : mythe ou réalité ?

Nouveau messagePosté: 13 Oct 2009, 12:48
de Bruno Roy-Henry
Oui, Daniel, les saboteurs ne tenaient pas de comptes, c'est sûr ! ;)

En outre, le PCF a soigneusement bloqué toute enquête à ce sujet après-guerre. Perso, j'ai souvenir de discussions orageuses à ce sujet, dans ma famille. Un de mes oncles se prenait régulièrement la tête avec mon grand-père. En résumé, les cocos avaient saboté tous azimuts et mon grand-père soutenait que c'était la 5ème colonne et nullement les communistes... A part ça, le père et le fils s'aimaient beaucoup ! 8)

Re: Sabotages communistes en 1940 : mythe ou réalité ?

Nouveau messagePosté: 13 Oct 2009, 12:58
de Daniel Laurent
Bruno Roy-Henry a écrit:En résumé, les cocos avaient saboté tous azimuts

Et il avait des sources pour soutenir le "tous azimuts" ?

Re: Sabotages communistes en 1940 : mythe ou réalité ?

Nouveau messagePosté: 13 Oct 2009, 13:00
de JARDIN DAVID
Ce serait bien de sonder F DELPLA sur ce sujet, comme il le suggérait sur l'autre fil .....
Pour ma part le comportement du PCF (1936-1941) me semble clair et largement aussi contestable que l'action de VICHY.
Par contre je serais intéressé de recouper les sources disponibles.

Re: Sabotages communistes en 1940 : mythe ou réalité ?

Nouveau messagePosté: 13 Oct 2009, 13:09
de Daniel Laurent
JARDIN DAVID a écrit:Ce serait bien de sonder F DELPLA sur ce sujet, comme il le suggérait sur l'autre fil .....

Son email est disponible sur son site :
www.delpla.org

Re: Sabotages communistes en 1940 : mythe ou réalité ?

Nouveau messagePosté: 13 Oct 2009, 13:30
de Bruno Roy-Henry
Daniel Laurent a écrit:
Bruno Roy-Henry a écrit:En résumé, les cocos avaient saboté tous azimuts

Et il avait des sources pour soutenir le "tous azimuts" ?


Il est toujours en vie... A 90 ans. Les sources ? Ses copains, pardi ! Heureusement, la plupart ont échappé à la mort, même s'ils ont fait 5 ans dans les stalags. Lui, il a juste dû rendre son fusil aux Allemands à Angoulême, le 24 juin sur ordre de ses supérieurs. En effet, il était encore au dépôt du 107 ème RI où il achevait de "suivre le peloton"... Et en 44, il était de la résistance, dans la poche de La Rochelle. Bien qu'étant instituteur, il a failli être requis pour le STO. Pour être précis, il faisait allusion aux chaînes d'assemblage chez Renault et pour les avions.

Re: Sabotages communistes en 1940 : mythe ou réalité ?

Nouveau messagePosté: 13 Oct 2009, 14:11
de JARDIN DAVID
Daniel Laurent a écrit:Son email est disponible sur son site :
www.delpla.org

Mais il y a aussi les MP ! Pourquoi faire compliqué ? J'y cours.

Re: Sabotages communistes en 1940 : mythe ou réalité ?

Nouveau messagePosté: 13 Oct 2009, 14:13
de Daniel Laurent
JARDIN DAVID a écrit:
Daniel Laurent a écrit:Son email est disponible sur son site :
http://www.delpla.org

Mais il y a aussi les MP ! Pourquoi faire compliqué ? J'y cours.

Parcequ'il ne viens pas tous les jours ici mais regarde ses mails plusieurs fois par jour.

Re: Sabotages communistes en 1940 : mythe ou réalité ?

Nouveau messagePosté: 13 Oct 2009, 16:11
de François Delpla
Je n'ai aucune lumière particulière sur ces sujets et guère le temps d'en acquérir : je demande simplement qu'on ne généralise pas des cas ponctuels. Il me semble en particulier que la discussion précédente ne fait pas état de preuves, autres que des souvenirs, concernant une consigne générale de sabotage, donnée par la direction du parti. Or une telle consigne aurait dû laisser d'amples traces !

Il faut se méfier d'expressions telles que "la désertion de Maurice Thorez" : certes justifiée en droit, l'expression fait bon marché du fait qu'à l'époque le parti était interdit, ses dirigeants clandestins et Thorez, sous les drapeaux, menacé d'arrestation à tout moment. "Jeu de cache cache" serait une expression plus appropriée. En tout cas, causant ici d'histoire, nous devons être attentifs à préciser que cette désertion, si nous tenons à l'appeler ainsi, fut unique.

Il faudrait aussi reconnaître que l'accusation du PCF contre Daladier, de "faire la guerre à la classe ouvrière sous prétexte de la faire à Hitler", n'était pas absolument dépourvue d'un début de rationalité. En d'autres termes, l'indignation pourrait aujourd'hui à bon droit se donner libre cours si le gouvernement français avait à l'époque déployé un vigoureux antinazisme, suivi d'effet, et sonné le tocsin contre la foudre qui se préparait de l'autre côté du Rhin. Or c'est bien le contraire qui se passait. Les élites françaises, mal remises de 1936, suaient la peur du peuple à grosses gouttes et ne voulaient précisément pas que "la guerre dégénère", de peur d'avoir à faire appel aux soldats de l'an II !

Mêmes remarques sur le rôle de Munich dans la genèse du pacte germano-soviétique : il ne s'agit pas pour moi d'excuser l'un par l'autre mais précisément de montrer que personne n'est tout noir ou tout blanc, tout en rappelant que quelqu'un actionne toutes ces ficelles en portant moustache.

De ce point de vue, j'espère que l'expression de David sur un PCF qui se serait mal conduit, d'un point de vue national, "depuis 1936", relève d'une faute de frappe.