François Delpla a écrit:@ fix
Vous tombez, au début de votre message (comme d'ailleurs à la fin), dans un défaut qui avait été à peu près évité depuis l'ouverture de ce fil : dire que Hitler est mauvais avant 40 parce qu'il l'est après 40 -période où le défi churchillien lui complique énormément la tâche. Il avait tout bien calculé pour un triomphe en mai, avec Chamberlain au pouvoir il avait toutes chances d'y parvenir, là est l'affirmation que je mets en débat et qu'il s'agit, pour mes contradicteurs, de réfuter.
Puis vous en revenez à l'avant 40 de façon intéressante. En commençant en 38 dites-vous, il avait autant de chances de gagner (en mai 39 ???) qu'un an plus tard. Or en argumentant vous omettez complètement le pacte germano-soviétique. Vous me permettrez donc de détailler à nouveau ses vertus :
-priver la France de son alliance de revers une fois éliminée la Pologne;
-rendre les communistes français sinon globalement saboteurs, du moins pas aussi ardents, au moins pour la mobilisation antinazie sinon pour le combat;
-détourner définitivement ceux qui chercheraient encore la clé du comportement de Hitler dans Mein Kampf (où il annonce sa volonté de liquider l'armée française en deux temps trois mouvements), de le faire;
-alimenter, de ce fait, l'idée qu'en lui déclarant la guerre le 3 septembre 39 on l'embête, alors qu'on va au-devant de ses voeux les plus chers;
-faire croire que c'est reparti comme en 14, Russes en moins et armée allemande bien moins affûtée, et donner par là une illusion très forte de sécurité;
-et surtout peut-être faire croire (comme lors de la nuit des Longs couteaux où Hitler aurait, la mort dans l'âme, sacrifié Röhm !) qu'un Hitler aux abois a agi précipitamment pour briser le front anglo-franco-russe qui s'esquissait, s'est fâché, en faisant ami-ami avec d'épouvantables matérialistes athées, avec ses soutiens comme Mussolini ou ceux qui ne lui tapaient pas trop dessus comme les églises chrétiennes, n'a plus d'idéologie ni de stratégie, est sur le point d'être renversé par les conservateurs, bref a de tout autres chats à fouetter que la France...
-... et que l'écroulement menaçant du Reich ferait, tout compte fait, le jeu du communisme !
Non c'est plutôt l'inverse, je ne pense pas que "Hitler est mauvais avant 40 parce qu'il l'est après 40", mais que "ce n'est pas pasqu'il a été brillant avant (et après aussi sur pas mal de coté) 40 qu'il n'a pas fait d'erreurs non plus". Il n'y a pas un avant et un après, simplement c'est, je pense, plus visible après 40 car il prend une part grandissante dans la direction des opérations militaires (prééminence de l'OKW sur l'OKH, prise de contrôle directe du groupe d'armées A,....) alors qu'avant 40 il laisse quand même le commandement aux militaires (qui suivent malgré leur réticences)
Avant 40 c'est principalement un combat politique, et a ce jeu la il est très fort, après 40 on entre surtout sur un combat militaire et une gestion à long terme de l'Allemagne en guerre. je ne pense pas qu'Hitler ait été différent avant et après 40, juste que la nature des décisions a prendre n'est pas la même, et que sa part de génie n'est pas militaire mais politique (ce qui ne l'a pas empeché non plus de faire des erreurs politiques, mais elles ne sont pas de même ordre).
Ce qui me ramène à la Tchécoslovaquie fin 38 (et non début 39) car Fall Grun est une décision militaire avant tout. Le fait de peser la valeur de l'armée allemande comparé aux armées occidentales et à l'armée rouge. Et sur le plan purement militaire, Hitler n'a rien d'un génie. La sous-estimation de l'armée rouge en 41 ne me semble pas différente d'une sous-estimation des tchèques et de l'armée rouge en 38 (même si en 41 c'est aggravé par la guerre d'hiver), d'autant que l'entrée en guerre soviétique est loin d'être acquise, sans compter le peu de cas qu'il fait des "sous-hommes slaves" en terme militaire. Par ailleurs je n'ai pas dit qu'il a autant de chance de gagner en commençant en fin 38 qu'en fin 39, je dit que son choix est tout a fait plausible et n'est pas un moins un pari que la déclaration de 39. Par contre militairement c'est évidement une gageure car l'armée tchèque n'est pas l'armée polonaise et l'armée allemande de 38 n'est pas celle de 39. les choses sont d'ailleurs un peu plus complexes car il y a d'autre facteurs militaires à considérer
- l'entrée en guerre soviétique et britannique est largement à mettre sous point d'interrogation, surtout la britannique. Quand a la soviétique, encore faut il qu'une frontiere commune soit disponible pour l'armée rouge, et sur ce point les polonais ont été clairs : c'est niet (enfin Nie, les polonais seraient fâchés de parler russe
).
- l'Allemagne peut espérer un soutient des slovaques, des allemands des sudètes (sabotages, surtout que les usines tchèques sont dans les sudètes), des hongrois et des polonais, surtout si l'URSS rentre dans la danse (on ne trouvera pas meilleur chiffon rouge pour les polonais et les hongrois, surtout qu'avant avril 39 la Pologne penche vers l'Allemagne et non vers les démocraties)
- la France n'a pas une armée en forme capable de mener une offensive rapidement (et c'est pareil en 39, d'ou la faiblesse de la poussé de Sarre), et les allemands savent que l'offensive n'est plus à l'ordre du jour dans le GQG français. Et ce n’est pas le réarmement de la Rhénanie qui va les contredire
- l'Italie est d'une neutralité douteuse, revancharde face à la France (déclarations sur le retour à faire de la Savoie, de Nice de la corse et de la Tunisie dans le giron italien) et tenu en grand respect par Hitler qui apprécie Mussolini (plus que l'inverse d'ailleurs) et la faire pencher coté allemand n'est pas impossible, loin de la.
Bref la situation, pour mauvaise qu'elle est à comparer à celle de 39 (qui n'est évidement pas une donnée en main des allemands puisqu'ils sont en 38 et que la situation avec la Pologne n'est pas du tout engagé) n'est pas noire, loin de la.
Par ailleurs, dans mon souvenir, Mein Kampf est de toute façon une mauvaise source pour les gens de l'époque car la version traduite en vente en France (et peut être au royaume uni) est tronqué et passe allégrement sur la question du clash qui est inévitable avec les démocraties. Donc si les instances françaises ont lu le livre dans sa version expurgée, ils n'ont évidement pas tous les éléments pour juger.
Enfin daniel, pour revenir sur ce que tu dis, j'ai parlé d'erreur dans le fait de vouloir tout contrôler (le groupe A, le plan du groupe B, ....) et pas les actions entreprises elles même. Si Stalingrad n'est pas si idiot (la directive "plus un pas en arrière" de Staline met bien en exergue l'importance qu'il accorde à l'offensive allemande), de même que le non retrait de la ville, la gestion de la bataille elle n'est pas forcément géniale. Tous les combats gagnés par l'armée allemande ont étés des batailles de mouvement et d'encerclement. Hors Sébastopol qui est un cas particulier. Maintenant des décisions stupides dans la campagne de l'été 42 c'est pas ce qui manque pour autant
- transfert de la 4e armée de panzer de B a A puis de A a B
- attaque de front de Stalingrad
- prise de contrôle du groupe d'armées A
- sauvegarde des flancs du GA B par des unités peu solides
- bombardement de destruction sur Stalingrad
...
Mais on en revient à ce qu'on disait au dessus, la gestion du caractère politique de la ville est bien mené, mais c'est une décision politique. La décision de la gestion militaire de l'affaire n'a elle pas été très bien menée, et c'est une décision militaire. La gestion politique est assurément le point fort d'Hitler, la gestion militaire son coté critiquable. C'est pour quoi pour moi, avant ou après 40, la vue de ces actions est à regarder avec le niveau de décision à prendre, et ne pas croire que pasqu'il est fort politiquement il l'est aussi immanquablement militairement