Suite d'un débat commencé ici :
viewtopic.php?f=20&t=13229
Je l'avais résumé ici :
http://www.delpla.org/article.php3?id_article=305
Je viens d'ajouter un codicille autocritique :
Les derniers travaux d’Edouard Husson ont déterminé un infléchissement de mon analyse.
Dans ses conditions de paix de mai 1940, dont le texte le plus précis reste hélas le document des archives Reynaud du 20 mai (faisant état de déclarations faites par Göring à Dahlerus le 6 mai), j’ai été jusqu’ici trop inattentif au fait qu’elles comportaient la livraison d’"une colonie", sans autre précision. J’avais tendance à estimer, lorsque j’y réfléchissais, qu’il s’agissait d’une monnaie d’échange. Cette revendication me semblait vouée à être abandonnée au cours des négociations et le fait de la présenter destiné à la fois à faciliter celles-ci par son abandon même, et à donner une légère consolation aux colonialistes allemands en prétendant qu’on ne les avait pas totalement oubliés.
De même, lorsque je considérais le projet temporaire des nazis d’une déportation des Juifs de certains pays d’Europe à Madagascar, j’étais frappé par son irréalisme et porté à penser qu’il s’agissait seulement d’une ruse destinée à habituer les bureaucrates à l’idée de la déportation, tout en laissant entendre qu’elle ne débouchait pas nécessairement sur le meurtre.
Cependant, le dernier livre d’Edouard Husson (http://www.delpla.org/article.php3?id_article=356 et viewtopic.php?f=21&t=18787) donne de solides fondements à l’idée que le RSHA a travaillé sérieusement pendant quelques mois sur ce dossier, et qu’il s’y est mis à peu près en même temps que se déchaînait l’offensive contre la France. Il se pourrait donc bien que l’unique colonie, non nommée, dont la revendication avait été présentée par Göring à Dahlerus le 6 mai, ait été dans son esprit (et surtout dans celui des futurs artisans du génocide) Madagascar. La "paix généreuse" est à reconsidérer sous cet angle. D’une part, elle n’aurait pas été des plus confortables pour les Juifs, massivement déportés depuis l’Allemagne, l’Autriche, la Pologne et un certain nombre de pays d’Europe centrale qui n’avaient plus rien à refuser au Reich. D’autre part, Madagascar n’était pas conçu comme un Etat juif loin de tout, mais comme une colonie administrée par les SS et propice (ainsi que le transport) à une mise à mort plus ou moins lente. Enfin, puisque nous supposons cette paix signée avec une Angleterre halifaxienne, celle-ci aurait été fortement tentée de fermer complètement la Palestine aux Juifs... voire de commencer à offrir aux pionniers sionistes déjà installés de grandes facilités de transport vers la grande île de l’océan Indien.