Dommage... La bataille compte pourtant parmi l'une des plus dévastatrices du conflit. Une typique guerre de siège, à l'assaut des fortifications médiévales. La vieille ville n'y a pas survécu.
Le commandant allemand de la place, Andreas von Aulock, avait pourtant prévenu :
"Ein deutscher Soldat kapituliert nicht !" Il avait ajouté qu'il défendrait Saint-Malo jusqu'au dernier homme,
"même si je dois être celui-là". Hitler, dans un ordre personnel du 8 août 1944, avait indiqué la marche à suivre :
1. La forteresse doit être défendue tant qu'il restera un homme et une arme.
2. Un tribunal sera constitué à Saint-Malo de façon à ôter une fois pour toutes à la population le goût de se révolter.
3. S'il reste encore dans le secteur quelques Osttruppen en qui on puisse avoir confiance, carte blanche leur sera donnée pour la répression du terrorisme.
A la même époque, Hitler avait ordonné de détruire les insurgés de Varsovie avec de semblables moyens. Bref, aucune pitié n'était prévue pour la population civile. Aulock, quoique fanatique, avait toutefois fait évacuer les habitants de Saint Malo le 5 août, après avoir rejeté la proposition du conseil municipal de la déclarer "ville ouverte". Il avait déjà formulé une telle recommandation d'évacuation aux Français peu après le Débarquement.
La suite fut une véritable boucherie. Les Américains n'avaient pas tenu compte des renseignements de la Résistance et avaient sous-estimé l'importance de la garnison (5.000 hommes selon eux, 10.000 en réalité). Ils payèrent cher leur optimisme, car ils éprouvèrent de lourdes pertes, et durent regrouper une puissante artillerie pour pilonner la citadelle, renforcée par l'Organisation Todt. L'eau fut coupée, ce qui facilita la propagation des incendies. Les Allemands purent détruire les installations portuaires. Finalement, von Aulock se résolut à se rendre, le 17 août, quarante minutes exactement avant l'heure prévue pour un terrible raid aérien - en conséquence annulé.
Von Aulock ne manquait pourtant, à cette date, ni d'hommes, ni de vivres, ni de munitions. Mais le moral de ses soldats s'était effondré. Ses principales pièces d'artillerie étaient hors de combat, ses postes de mitrailleuses détruits. Toute résistance supplémentaire apparaissait d'autant plus vaine que les Allemands avaient rempli leur mission : le port était inutilisable pour les Alliés, lesquels avaient été retardés dans leur libération du territoire français. Bref, l'objectif stratégique des Américains, à savoir sécuriser une base portuaire conséquente, n'était pas atteint - il faudrait attendre la conquête d'Anvers.
La bataille pour l'île de Cézembre (à 6 km au large, longue 1 km de long et de 500 m de large), se prolongea jusqu'au 2 septembre, à grand renfort de tirs d'artillerie terrestre, navale et aérienne, des obus de 15 pouces au napalm. Le commandant allemand avait poursuivi la résistance parce qu'il n'avait pas, disait-il, reçu l'autorisation de se rendre. Il se rendit, toutefois, pour cause de pénurie d'eau. Cette fois, les Américains eurent de la chance : l'assaut amphibie était prévu pour le jour même !