Nicolas Bernard a écrit:Je ne renie pas la théorie du Haltbefehl, mais il m'est impossible d'admettre que Hitler aurait à ce point épargné la France.
Je note l'accord sur le fait qu'Hitler ne demande rien à l'Angleterre en Juillet. Il faut donc que les conditions soient encore plus douces en mai.
L'armistice peut être vite bâclé: ligne de démarcation sur la Somme et l'Aisne, transfert des troupes encerclées sans leur matériel de l'autre côté. Têtes de pont de 30 km autour d'Abbeville, d'Amiens et de Péronne. Peut-être autour de Rethel. Hitler joue les généreux, mais il n'est pas fou non plus...
Rappelons qu'à ce stade, nous avions déjà perdu 1 200 blindés. Donc, il n'y a pas lieu d'être trop inquiet pour une résistance excessive de la France au cours des négociations de paix.
Mais c'est l'Angleterre qu'il faut séduire. Dans ce qui suit un "Haltbefehl accepté", il n'y a pas de négociations séparées: la France et l'Angleterre se présentent ensemble pour discuter avec le teuton.
Dans ces conditions, le réglement de compte avec la France est bien secondaire. Et soyons clair: dans l'état où était notre pays fin mai 1940, je ne le vois pas redevenir dangereux militairement parlant avant des années.
Ne nous y trompons pas: l'offre du Hatlebefehl n'est pas dissociable de conditions de paix lénifiantes. Pas tellement pour faire plaisir à la France, mais bien pour amadouer l'Angleterre.
Si l'armistice ne débouche pas sur la paix, tout est à refaire... Bien sûr, Hitler écrase la France en juillet (et sans doute est-ce un peu plus dur), mais on en revient au déroulement classique de l'Histoire.
Mais comme son obsession, c'est la constitution d'un Lebensraum à l'Est, le reste n'est pas déterminant.
Certes, à l'issue d'une "paix de Dunkerque", Hitler n'aurait pas occupé notre pays, ni annexé plus ou moins discrètement l'Alsace-Lorraine comme il l'a fait dans notre réalité (ladite annexion ne résultait pas de la convention d'armistice, et s'est produite de facto), et aurait-il négligé nos colonies. Aurait-il pour autant épargné notre potentiel militaire ? Aurait-il cohabité avec un gouvernement d'union nationale germanophobe ? François Delpla pense que "oui" : en ce qui me concerne, j'estime que le dictateur nazi n'était pas si crétin.
Mais il n'y a rien de crétin à acheter la neutralité bienveillante de la France et de l'Angleterre pour avoir les mains libres à l'Est.
Je le répète, il ne peut y avoir d'armistice sans l'énoncé simultané des conditions de paix. D'une manière ou d'une autre, celle-ci ont été communiquées à Reynaud et à Churchill.
Ce dernier a dit "No" et a dû passer un savon à Reynaud: "que vous êtes naïf, mon cher: acceptez l'armistice et nous serons nus ! Nos peuples n'accepterons jamais de reprendre le combat... Vous ne pouvez pas faire confiance à Hitler."
Reynaud était un piètre personnage. Il s'est laissé circonvenir. Il aurait dû poser des conditions draconiennes à Churchill, du style: "ok, je m'incline, mais il me faut 20 squadrons de la RAF tout de suite et sous les ordres directs de Weygand"... Mais, on sait qui était le big boss !
La défaite de la France ôte à l'Angleterre sa principale armée de terre sur le continent. Il est dès lors normal que Hitler n'ait rien à réclamer à Londres. En revanche, cette victoire lui donne les mains libres à l'Est. Hitler aurait ainsi pu laisser libre cours à la violence qui le caractérise.
L'erreur capitale de François Delpla est de sous-estimer le poids de l'antisémitisme et de l'irrationalité chez le Führer, ce qui en définitive revient au même, outre de mépriser les concepts les plus élémentaires de la stratégie. Oui, comme il l'écrit, Hitler "pouvait s'arrêter", mais une fois l'Union soviétique balayée et les Juifs exterminés. Comme le souligne Mein Kampf, toute cohabitation avec une grande puissance en Europe (la France) est impossible, et toute alliance avec le communisme est criminelle : il convenait, pour sécuriser l'espace vital, de conquérir la plus large portion de l'URSS possible, et d'annihiler l'Armée rouge et le système communiste.
Qui parle de cohabitation entre une Allemagne de 100 millions d'habitants et une France de 40 millions ? Quel gouvernement français aurait eu la vélléité d'attaquer l'Allemagne ? Après la paix blanche de "Dunkerque", Hitler serait devenu populaire même en France...
Vous semblez considérer qu'entre une paix rassurante avec l'Occident et l'extermination des juifs, Hitler aurait toujours choisi la seconde option. Je ne le crois pas, quitte à y parvenir en douce et de manière détournée...