Bruno a écrit:Aucune comparaison possible ? On se demande pourquoi...
Tout simplement parce qu'il ne s'agit pas de la même chose et je ne vois pas trop bien ce que vous voulez comparer : son coût, sa valeur militaire ? éclairez-moi.
Bruno a écrit:Pour le reste, les chiffres ne sont pas mon fort. Il est cependant exclu que les Allemands aient dépensé autant d'argent DE SEPTEMBRE 1936 à AOÛT 1939 ! Exclamation
Bien. Je note que c'est exclu, selon vous, simplement parce que vous n'en étiez pas informé. En général, lorsqu'on s'oppose à des données, on en fournit d'autres, mais comme les chiffres ne sont pas votre fort, vous refusez les miens parce qu'ils ne correspondent pas à l'idée que vous vous en étiez faite. Cela n'a pourtant rien de confidentiel et c'est l'estimation qui en est donnée à peu près partout.
Sachez qu'en 1936, le budget d'expansion sur quatre ans (1937-1940) de la Wehrmacht lui allouait 35,6 milliards de Reichmarks en équipement et munitions, dont 8,7% (3,1 milliards) étaient destinés au seul Westwall contre seulement 4,7% (1,7 milliards) pour les blindés et les véhicules, 32% (11,4 milliards) pour l'artillerie et les munitions, le reste se partageant entre la Luftwaffe et la Kriegsmarine. (cf les travaux sur l'économie du IIIe Reich d'Adam Tooze, Harrison, Milward, entre autres).
En 1938, suite à un rapport incendiaire de Göring, les travaux réalisés par l'armée furent confiés à l'organisation Todt. En fait, les chantiers n'avançaient guère par manque de priorité dans l'allocation de matières premières, en particulier l'acier, pour lesquelles la compétition était rude entre les différents programmes militaires et l'industrie civile.
Après les évènements de mars 1938, le chantier reçut la priorité absolue et fut même renforcé par de nouvelles constructions pour un coût supplémentaire estimé à un milliard de RM à terminer avant le 1er octobre suivant, ce qui fut fait. Pour ce faire, on n'a pas lésiné sur les moyens : Aux 100.000 travailleurs militaires (Festungpionnierstäbe), on ajouta 350.000 de l'organisation Todt et 100.000 autres du Reicharbeitdienst. Cela, sans compter les dizaines de milliers qui travaillaient dans les services de transport, rail, fluvial et routier. On prolongea des voies ferrées dans l'Eifel, construisit des routes, un réseau de télécommunications et plus de 190 camps de travailleurs. Le seul coût de la main-d'oeuvre sur les chantiers est estimé à 155 millions de Reichsmarks par mois. Un ouvrier non qualifié était payé entre 6 et 8,5 RM par jour (selon le rendement) pour 10 heures de travail et il était astreint à 10 à 12 heures de travail quotidien, 25 jours par mois dans des conditions difficiles. Il fallait, en moyenne, 2500 jour/hommes de travail pour chaque blockhaus d'infanterie.
Furent achevés avant le 1er mai 1940 :
- 11.820 Infanterie-Bauwerke
- 1.192 Pak-Bauwerke (antichar)
- 2.673 Artillerie-Bauwerke
- 1.544 LVZ-West (Flak)
Au total, 17.229 blockhaus plus 32 B-Werke (gros ouvrages) sur un total prévu d'environ 22.000 blockhaus (78%). 340 km d'obstacles antichars (dents de dragon, fossés) furent réalisés sur un front de 630 km. Le prix budgété des seuls blockhaus, nus, était de 40-70.000 RM, sans les blindages, le transport des matériaux et les frais généraux mais il fut largement dépassé.
La construction du Westwall a nécéssité l'arrêt de tous les programmes gouvernementaux importants de construction de bâtiments (y compris pour l'armement), elle absorbait à elle seule 5% de la production annuelle de ciment et d'acier de l'Allemange, créa une énorme pénurie dans le bois de construction, le gravier et le sable. Le seul chantier de 1938 absorba 1 million de tonnes de ciment, 7,5 millions de tonnes de sable, gravier et pierraille, 212.000 tonnes de poutrelles d'acier, 110.000 tonnes de profilés et 29.000 tonnes de feuillage. A cela s'ajoutait 150.000 mètres cubes de bois et 120.000 poteaux.
La Reichsbahn fut sévèrement mise à contribution avec 4.500 à 8.000 wagons quotidiens pour approvisionner les chantier, en plus des péniches et des 7.500 camions pour alimenter les 100.000 tonnes quotidiennes rien que pour le gravier. Des milliers de bus furent réquisitionnés pour le transport des travailleurs ainsi que 60% des compresseurs et 40% des bétonnières du Reich. En mars 1939, Todt fit son rapport dans lequel il nota que sur les 12 milliards de RM de constructions en cours, 50% étaient consacrés à l'armée (Westwall, casernements, entrepôts, etc.), 30% à l'industrie et 20% aux logements privés.
Bruno a écrit:Mais peut-être les chiffres fournis englobent-ils les dépenses totales en ce compris celles de la guerre: les Allemands ont continué les travaux, notamment face à la Belgique et la Hollande, jusqu'en avril 1940. Ils les ont repris en juin 1944, jusqu'en novembre...
J'ai précisé que ce chiffre était global jusqu'à l'arrêt du chantier en 1940. Mais si on va par là, c'était un ordre de grandeur par rapport au programme CORF qui lui aussi comprend les constructions ailleurs que sur la frontière Allemande, notamment dans les Alpes. L'essentiel du Westwall, et tout ce qui a été achevé avant la guerre, se trouve face à la frontière française, comme l'essentiel du programme CORF. Le fait est que les Allemands ont bien dépensé quatre fois plus que les Français pour leurs fortifications frontalières qu'ils ont bâties en très peu de temps. En fait, une énorme part du travail fut réalisée en à peine quelques mois en 1938, l'intensité diminua en 1939 et 1940 pour laisser place aux fabrications des munitions devenues ultra-prioritaires. Si le programme français a pris dix ans, c'est faute de crédit. On pouvait très difficilement y consacrer 550 millions par an entre 1927 et 1936. De nombreux travaux ont été annulés sur le programme Maginot faute d'argent pour acheter les terrains. Il ne faut pas oublier qu'une grosse part des dépenses est relative au foncier, comme pour les voies ferrées et les routes.
Bruno a écrit:Voici l'opinion de Kevin R. Austra par le lien donné plus haut
Si l'on voulait s'en donner la peine, il y aurait de quoi écrire un très très long article avec tous les témoignages qui existent sur les "insuffisances" de la ligne Maginot mais ce ne serait pas objectif, à mon sens, de faire une telle compilation. Si l'on juge le système défensif Allemand avec le même oeil, ça ne l'est pas non plus. Göring l'a inspecté en juin 1938 et il a rendu un rapport incendiaire ; Hitler l'a inspecté en août 1938, en octobre 1938, en mai 1939, puis une dernière fois en juillet 1939. Ceci prouve bien l'intérêt que lui portait le sommet de l'exécutif, compte tenu des moyens considérables qui y ont été alloués.
Bruno a écrit:Faux pour les forts de la ligne Maginot (on parle plutôt d'ouvrages): la chute d'un ouvrage n'entraîne pas une trouée, car son emplacement est battu par les feux des ouvrages voisins qui le flanquent. Aucun de ces ouvrages ne fut pris par les Allemands du 15 au 25 juin 1940...
Qui flanque donc les "ouvrages" qui sont situés sur les ailes des secteurs ? Le système n'est pas continu et il y a de nombreuses trouées, censées être occupées par des troupes d'intervale. Mais ma remarque ne portait pas là-dessus, mais sur le fait qu'il y a une différence fondamentale entre une défense à plat (Maginot) et une défense en profondeur (Westwall). Cette différence se retrouve aussi dans la doctrine défensive respective des deux armées. En France, c'est la "défense sans esprit de recul", en Allemagne, c'est l' "elastiche Kampfverfharen". En quelque sorte, les Allemands se permettent la pénétration de leur secteur défensif, pas les Français et si la ligne craque en un point, tout s'effondre. Maintenant, ça ne m'intéresse pas vraiment de discutailler sur "qui pisse le plus loin" entre le Westwall et la ligne Maginot. Il me semble bien que cette dernière a pourtant été percée en son point le plus faible, à Sedan, sur son aile (où se trouvait donc l'ouvrage de flanquement ?) n'est-il pas ?
Tous les traités de stratégie disent pourtant, depuis la nuit des temps, que la valeur d'une fortification ne se mesure qu'à son endroit le plus faible. Les Allemands nous l'ont rappelé assez brutalement.
Bruno a écrit:La ligne Siegfried, mieux armée et mieux occupée en 1944 qu'en 1939, fut néanmoins franchie par les Américains et les Français, dès qu'ils s'en donnèrent les moyens.
Certe.
(Là, c'est moi qui sourit).
Olivier