Post Numéro: 12 de Nicolas Bernard 17 Aoû 2007, 01:49
Eisenhower a laissé Berlin aux Soviétiques pour deux raisons : la première, d'ordre militaire ; la deuxième, d'ordre nationaliste.
A ses yeux, rien ne justifiait de pousser vers la capitale. Les éléments avancés de la 9th Army avaient beau avoir franchi l'Elbe le 12 avril, la 83rd Infantry Division avait beau se trouver à 80 km de Berlin deux jours plus tard, il n'estimait pas nécessaire de poursuivre. Ses lignes de communications étaient trop étirées, alors qu'il n'en était rien pour l'Armée rouge, qui préparait son offensive depuis des semaines. Son adjoint Omar Bradley lui avait signalé que la conquête de Berlin lui coûterait 100.000 soldats. Autant laisser l'Armée rouge s'en occuper, ce d'autant que Staline, rusé, lui avait garanti que la STAVKA avait l'intention de "n'envoyer que des forces secondaires dans cette direction", lui faisant ainsi croire que le coeur administratif de l'empire nazi n'avait pas d'importance militaire.
C'était approuver - faussement - l'état d'esprit d'Eisenhower. Ce dernier considérait que l'objectif stratégique le plus important de la campagne d'Allemagne, à l'heure présente, n'était pas Berlin, abandonnée jour après jour par les pontes du gouvernement nazi, mais ce que ses services de renseignements désignaient sous le nom d'Alpenfestung, réseau de forteresses alpines infranchissables même pour Harry Potter, regroupant des usines d'armement, des dépôts de carburant et de munitions, et vers lequel semblaient transiter les dernières grandes unités allemandes, notamment des Waffen S.S. Hitler, après tout, pouvait très bien quitter Berlin et diriger la résistance allemande dans ce réduit, du haut du nid d'aigle de Berchtesgaden !
La dernière bataille de la guerre en Europe devait ainsi être livrée, non à Berlin, mais dans le sud de l'Allemagne. Et, ce qui nourrissait les prétentions politiques américaines, elle serait remportée, non par les Britanniques ou les Soviétiques, mais par l'armée des Etats-Unis. Superbe symbole pour la prochaine conférence de la paix !
Inutile d'ajouter qu'Eisenhower commettait là une erreur militaire et politique de première grandeur. L'Alpenfestung n'était en réalité qu'un fantasme de fanatiques nazis et des services d'espionnage américains. Berlin conservait une éminente valeur politique et symbolique, ce d'autant que Hitler avait résolu d'y finir ses jours.
Reste à savoir si ses troupes auraient réussi à atteindre la capitale. Possible : les Allemands avaient prévu de les laisser faire. Le chef de l'O.K.H., le General der Infanterie Hans Krebs (qui se suicidera le 1er mai 1945 dans le bunker de Hitler), espérait follement que les chars américains franchiraient la distance qui les séparait de Berlin, "et qu'alors tout irait pour le mieux."
Mais Hitler aurait-il laissé la 9th Army libérer la ville ? J'en doute. L'Armée rouge a du déployer des efforts considérables pour la conquérir. Les Américains n'avaient pas les moyens d'en rassembler autant dans cet unique secteur à la même époque. Outre que rien n'aurait empêché les armées de Joukov et Koniev d'atteindre la capitale allemande.
« Choisir la victime, préparer soigneusement le coup, assouvir une vengeance implacable, puis aller dormir… Il n'y a rien de plus doux au monde » (Staline).