Ton raisonnement se tient mais ce n'est visiblement pas celui de Hitler, puisqu'il a stoppé l'offensive. Il a peut-être longuement hésité, nous ne le saurons jamais. En tout cas, il y avait foule sur l'autre plateau de la balance : ce que risquait de retenir l'opinion anglaise c'est qu'on avait appelé Churchill trop tard. Quant à l'affaire norvégienne, il était notoire que Winston voulait l'engager de tout autre façon, par le biais de l'aide à la Finlande, donc dès le mois de décembre, et que les
appeasers l'avaient retenu par le maillot.
Voici un petit bilan d'étape, adapté d'un autre forum
http://www.empereurperdu.com/tribunehis ... 868#p19868 .
Reprenons posément.
Les explications militaires du Haltbefehl, toutes greffées sur les déclarations variées et contradictoires de celui qui l'édicte (Hitler), ont pour inconvénient que, lorsque l'arrêt est ordonné, nul n'a plus aucune raison de craindre une contre-attaque d'envergure, ni un enlisement des chars dans des marais (car ils foncent sur des routes ! et possèdent l'équipement nécessaire pour emporter rapidement les rares barrages), ni une rancune des Flamands en raison de la destruction de leurs villes (que le Haltbefehl ne peut qu'accentuer). Quant à la vantardise de Göring demandant de laisser "le travail à la Luftwaffe, arme nazie" pour rabaisser le caquet des généraux conservateurs, outre son illogisme (le gros du travail ayant été fait avant, par les troupes au sol, l'attribution de la victoire à la Luftwaffe relèverait d'une propagande grossière et des moins convaincantes), elle vient bien tard (le 23 dans l'après-midi) et n'est cependant pas suivie d'un effet rapide.
La chronologie fine pulvérisant toutes les explications militaires, sur quoi diable reposent-elles ? Sur une idéologie, que j'appelle l'antinazisme primaire. La même qui fait croire que le Reichstag a brûlé tout seul (à peine aidé par un anar hollandais malvoyant et ignorant tout des lieux), que Hess au contraire a monté tout seul et dans un secret total une opération aussi voyante que complexe, que la victoire contre la France est due, elle à un trio (Guderian, Rommel et dame Chance), que Hitler ne savait rien faire à part des discours mais que ses bévues ont longtemps été rattrapées par des subordonnés (en ne lui attribuant même pas le mérite de leur nomination), qu'une bissectrice séparant ses réussites de ses erreurs ne se prénommait pas Winston, que la déclaration de guerre aux Etats-Unis procédait d'une méconnaissance totale de leur potentiel, etc. etc. D'ailleurs, le fait de mettre en avant l'intervention de Göring comme facteur essentiel (et sous certaines plumes, primordial voire unique) de l'arrêt est un magnifique exemple d'antinazisme primaire : ce gros lourdaud... ce Hitler improvisateur, mal assuré et influençable...
A la vérité, non seulement les documents mais les actes, et leur logique, montrent que Hitler y croyait, à son offensive à travers les Ardennes suivie d'une déroute adverse et d'une paix rapide. Et que c'est ce dernier acte, la paix, qui motive les inquiétudes qu'il manifeste de façon très discontinue.
Il n'a parlé à personne, que l'on sache, d'un gigantesque encerclement, bouclé dans la région de Dunkerque, et ce n'était absolument pas le projet de Manstein (qui se l'attribue donc frauduleusement dans ses mémoires). Hitler s'énervait donc, en particulier, quand des généraux voulaient franchir l'Aisne, puis la Somme, pour s'égailler plus loin en France, ce qui aurait risqué de retarder la paix.
En regardant les choses ainsi, on voit clairement que l'arrêt devant Dunkerque, sorti de la casquette dictatoriale le 24 mai à 12h 30 comme un lapin du chapeau d'un prestidigitateur, ne saurait avoir que des causes politiques, liées à la finalité même de l'offensive. Qui découle l'essence du nazisme.
Dans cette entreprise "raciale", une entente avec le "cousin aryen" britannique est un objectif qui ne saurait être contourné ni modifié.