Nicolas Bernard a écrit:alain adam a écrit:Bonsoir ,
Je précise qu'un ami lisant ce fil ( je ne le cite pas , mais il se reconnaîtra ) m'a donné les effectifs du PzRgt 2 au 23 mai : 17 chars , soit l’équivalent d'une compagnie. J’étais donc optimiste dans mes évaluation , et il faut considérer que la PzD 1 devait avoir environ 35% de ses effectifs a cette date ( je compléterai mes données ultérieurement avec des chiffres précis après lecture du roll qui m'a été indiqué ) .
Pour info, vous évoquez ici une division blindée qui se situe devant Gravelines et qui, le 24 mai, tentera sans succès de s'emparer de la ville (un contributeur, RoCo, a
posté un message intéressant à ce sujet, pour décrire le volet allemand de l'affaire. Au passage, question de ma part: les effectifs blindés du PzRgt. 2 que vous m'indiquez ne correspondraient-ils pas plutôt à la soirée du 24 mai, à l'issue de ces affrontements? En toute hypothèse, rappelons que, malgré leurs difficultés, les Allemands sont parvenus à avancer - légèrement - dans ce secteur, ce jour là.
Globalement, j'ai tout de même l'impression, et je vous l'ai déjà écrit, que vous voyez le verre à moitié vide, et voici pourquoi:
1/ J'observe, en reprenant votre tableau, que les effectifs blindés PzRgt. 1 sont tombés à 42% de la dotation théorique (et 41,9 % de la dotation initiale) le 23 mai, ce qui vous fait dire qu'il était plutôt sage de stopper l'avance. Or, j'observe également que ce régiment était réduit à 48 % de la dotation théorique (et à 43,4 % de la dotation initiale)
le 13 mai, le jour où la 1.
Panzer-Division a entrepris de franchir la Meuse. Sauf erreur de ma part, l'ampleur des pertes n'a pas dissuadé les Allemands d'aller de l'avant, non? Si j'applique votre raisonnement, il aurait fallu que, déjà, les Allemands stoppent leur avance, par crainte de pertes exponentielles?
2/ Par ailleurs, je suppose que la 1.
Panzer-Division possédait, en sus des chars, de l'artillerie, des véhicules, de l'essence, des munitions, ainsi qu'accessoirement des tankistes, et l'infanterie: quels en sont les effectifs et les ressources, au 23-24 mai?
3/ Enfin, voyez la situation d'ensemble:
- Comme l'a écrit le général Armengaud, ne faisait face au Panzergruppe Kleist, le 23 mai au soir, qu'une
"fragile barrière qui s'étire le long du canal de l'Aa, constituée à l'aide d'éléments disparates, de renforts à peine arrivés, sans organisation d'ensemble, sans aviation organique, initialement sans autre appui d'artillerie que quelques pièces de marine" (Armengaud,
Le drame de Dunkerque,
op. cit., p. 143 et 144). De fait, malgré l'accroc de Gravelines, les Allemands parviendront, le 24 mai, à créer deux têtes de pont.
- Jacques Mordal ajoute:
"Pour les arrêter, [l'amiral]
Abrial avait jeté dans la mêlée tout ce qu'il avait sous la main. Il n'avait plus à ses ordres que la 68e Division d'Infanterie encore au-delà de la frontière belge et dont les premières unités - exception faite pour le groupement de reconnaissance - ne serait pas en ligne avant le 26 [mai]. C'est dire si l'ennemi avait la part belle!" (
Dunkerque,
op. cit., p. 284-285). Au-delà de l'Aa,
"l'on débouchait sur une route plate, rectiligne, sans autre défense naturelle que la misérable coupure de l'ancien canal de Mardyck - un fossé de trois mètres de large qui coupe la route à Pont-les-Roseaux, 9 km de Dunkerque - puis aux lisières mêmes de la ville, le canal de dérivation des Wateringues" (
ibid., p. 214-215).
- Enfin, Gravelines pouvait aisément être contourné. Et l'avait d'ailleurs été. A ce titre, le général Halder avait une solide idée en tête, comme l'indique son journal à la date du 24 mai (quelques heures avant qu'il ne soit informé du
Haltbefehl:
Dans son Journal, le 24 mai, Franz Halder a écrit:11 h. Le général Mieth est dépêché au sein de la 4. Armee pour communiquer les idées suivantes:
A) Rétablir la situation à Béthune. Une fois les hauteurs sécurisées, la poursuite de la ruée des blindées devrait être envisagée à travers la ligne Estaires - Cassel, sur Ypres, en vue de rejoindre le saillant creusé par la Sixième Armée à travers la Lys, en direction de Roulers.
B) Apporter de l'artillerie à longue portée pour la défense de la côte contre les bombardements navals ou toute tentative de débarquement des Britanniques. [...]
Bref, dans la matinée du 24 mai, Halder ne se pose strictement aucune question sur la possibilité d'une poursuite de l'avance des chars. Elle coule de source, à tel point qu'il suggère à la 4.
Armee d'attaquer de telle sorte que, sauf erreur de ma part, le dispositif anglo-français faisant face aux forces blindées allemandes serait enfoncé dans son centre, ce qui couperait le corps expéditionnaire britannique de toute voie de retraite vers la mer. Et, de fait, la ligne de défense alliée, le 24, est effectivement crevée au centre.
Dans la mesure où Von Kluge a considéré, le 25 mai, que ses chars seraient sur les hauteurs de Cassel ce jour-là, n'eût été le
Haltbefehl, on peut logiquement en déduire que le sort des forces alliées aurait été scellé ce jour là - c'est d'ailleurs ce qu'écrit Jean Vanwelkenhuyzen dans son
Miracle à Dunkerque, p. 11-15.
Alain Adam a écrit:En ce qui concerne vos remarques : je n'ai jamais dit que continuer l'avance était impossible , relisez moi ,
Dont acte, quoique à ma connaissance, ce soit bien la première fois que je vous vois l'admettre - mais, sincèrement, peu importe...
Alain Adam a écrit:mais bien que continuer allait encore plus réduire les forces disponibles ( chute exponentielle de jour en jour , flagrante lorsque l'on observe les chiffres, comme je le fais ) , et allonger les distances , donc ralentir d'autant l'approvisionnement et le remplacement , pour finir avec des panzer divisions ayant le potentiel de combat au maxima d'un bataillon .
Faudrait pas exagérer, non plus: Dunkerque, Cassel ne sont qu'à une poignée de kilomètres, tout aurait pu être consommé dans les 24-48 heures. On n'est pas en présence d'un objectif lointain - auquel cas, je vous aurais suivi sans problème - mais à deux doigts de finir la campagne dans le nord, par un des plus gigantesques encerclements de la guerre.
Alain Adam a écrit:N'oubliez pas que les Allemands , lorsqu'ils débouchent dans cette zone , on tapé dans le ventre mou du dispositif Français , et n'ont rencontré quasi personne , sauf ponctuellement sur certaines zones comme par exemple Lille . Il est donc logique qu'un certain optimisme existe , et que l'on désire aller plus loin , puisque c’était si facile jusque la .
L'expression
"un certain optimisme" est un euphémisme: ce qui règne, chez les Allemands, c'est l'absolue certitude qu'en y allant encore à fond, on porterait le coup de grâce à un ennemi dont on perçoit déjà la désintégration. Même un Von Rundstedt, réputé prudent, ne va envisager qu'une vague pause de 24 heures, limitée aux chars...
Et pour cause: la ligne de défense alliée qui épouse, le 24 mai, la "ligne des canaux", relève, elle aussi, du "ventre mou". A tel point qu'elle est déjà percée le jour même, et que des têtes de pont sont établies. A 12 h 30, la
F.H.W. constate:
"Plusieurs messages radio et déclarations de prisonniers de guerre révèlent, au sein du groupe ennemi encerclé, un manque de munitions, de nourriture et de carburant" (
"Mehrere Funksprüche und Gefangenenaussagen zeigen, dass bei eingeschlossener Feindgruppe Mangel an Munition, Verpflegung und Betriebsstoff eingetreten ist"). Dans la soirée, il est même constaté que les unités alliées commencent à se mélanger entre elles, signe de dissolution et de désorganisation.
Alain Adam a écrit:Mais il est clair aussi , que les tankistes auraient fini à pied , avec une MG-34 sur l'épaule , tout juste démontée de leur char en panne , abandonné sur le terrain .
Dans un laps de temps aussi bref et sur une distance aussi courte, face à un ennemi qui n'aurait pas eu le temps de se ressaisir??? Vous êtes sûr?
Et vous faites quoi du ravitaillement? Il était à ce point sinistré?
Alain Adam a écrit:Pis , c'est sans considérer la crainte d'une attaque sur les flancs qui était bien réelle dans l’état major Allemand , et désirée dans l’état major Français .
Déjà répondu à cela. Le 24 mai, il est certain que la "crise d'Arras" est totalement surmontée, ce qui permet aux forces blindées teutonnes de remonter vers le nord-est. Au point que, comme le relatera l'historien (ouest-)allemand Hans Meier-Welcker,
"les forces allemandes ont atteint le sud-ouest de Lens (hauteurs de Vimy) dans la soirée du 24 mai" (Meier-Welcker, "Der Entschluss zum Anhalten der deutschen Panzertruppen in Flandern 1940",
op. cit., p. 280). Ce que confirme, du reste, la carte que vous trouverez
p. 847 de cet article.
D'après Jacobsen dans son
Dünkirchen,
op. cit., p., ce 24 mai, à 9 h 41 du matin, Von Kluge téléphone au commandement du Groupe d'Armées A et ne fait état que d'un risque d'attaque, conduites par de
"faibles forces", sur Amiens (de fait, dans la journée, Halder consigne dans son Journal qu'une telle attaque se produit dans le secteur Abbeville-Amiens, laquelle, quoique
"vigoureuse" sur Corbie-Péronne, est manifestement repoussée). Kluge ajoute qu'il souhaite libérer davantage de forces motorisées pour conduire la bataille sur l'aile nord, et à ce qu'une division lui soit transférée, visiblement pour obtenir le maximum d'unités dans la perspective du transfert de son armée du Groupe d'Armées A au Groupe d'Armées B.
"Ce n'est qu'en procédant de la sorte qu'un commandement unifié deviendra possible".
Bref, Von Kluge a bel et bien en tête de rameuter davantage de formations blindées pour soutenir l'effort dans le nord. Il a l'intention d'autoriser le Groupe Kleist à s'emparer de Cassel, et d'autoriser le Groupe Hoth à rejoindre la
"ligne des canaux". Ce qui n'a aucun sens s'il s'inquiète pour Arras - du reste, il ne fait mention, sans s'en préoccuper, que d'un risque de contre-attaque alliée sur Amiens.
Au matin du 24 mai, le commandement du Groupe d'Armées A sait donc à quoi s'en tenir.
Contre-attaque alliée il y aura, du reste, mais si j'en crois le Journal de Von Bock, il suffira à Von Kluge de rameuter au sud trois divisions qu'il réservait au nord - bref, pas de quoi bouleverser ses projets! Alain Adam a écrit:Au moment du Haltbefehl , je n'ai pas repris mon fichier de comptage , mais de mémoire la France doit encore disposer d'environ 1500 chars modernes disponibles ( auxquels on peut ajouter un bon millier de FT ) , c'est pas rien face a une panzerwaffe qui est déjà réduite a , grosso modo , 1000/1200 chars disponibles .
On finirait presque par croire que l'armée française était à la veille du triomphe, après deux semaines de débâcle!
Et puis, c'est pas vous qui m'incitiez à ne pas
"faire dire n'importe quoi aux chiffres selon la perspective qui est prise, et la connaissance du sujet que l'on a"? Or donc, 1.500 chars modernes disponibles: où ça? dans quels secteurs? répartis comment? quelle dotation en munitions et en essence? quels délais de remplacement et de réparation? degré d'expérience des équipages? et qu'en est-il de la supériorité aérienne allemande? Je dis ça, parce qu'il me semble tout de même que, grâce au
Haltbefehl, qui a retardé la chute de Dunkerque et alourdi les pertes teutonnes, l'armée française a gagné un certain délai pour se préparer à subir le Plan Rouge - et elle n'a nullement empêché la
Wehrmacht de déferler sur le reste du territoire français (non sans de terribles combats initiaux). Notre meilleur corps de bataille avait été dézingué au mois de mai, non?