Ces documents incomplets mais capitaux seraient-ils enfin au centre du débat comme je m'y emploie depuis 25 ans ?
Ici se dessine nettement une alliance Reynaud-Halifax pour la négociation avec l'Allemagne, que Churchill est obligé de tolérer... au point de pousser son ministre à causer seul à seul avec Reynaud, mais attention, pas plus de quelques minutes ! (avant-avant dernier paragraphe de la page 2)
Je ne sais s'il y a beaucoup d'étrangetés de ce genre dans toute l'histoire de la politique et de la diplomatie : un premier ministre qui pousse son MAE à faire bande à part avec un étranger pendant un bref moment, au cours d'une discussion entre gouvernements.
Je rappelle que ces minutes du cabinet sont en libre consultation dans la grande salle des archives de Kew depuis 1971.
Quelques minutes, cela laisse le temps de recueillir une information de Reynaud (le point à approfondir semble bien être "nous savons que nous pouvons obtenir une offre") et d'en donner une soi-même : Halifax pourra causer de sa conversation avec Bastianini, dont Churchill n'a sans doute pas envie qu'il soit fait état dans la discussion officielle.
Surtout, cela met les deux pacifistes (au sens de "favorables à la négociation plutôt qu'à la guerre à outrance") au pied du mur : Halifax est libre de pratiquer la solidarité gouvernementale ou d'exprimer son désir de paix et Reynaud ne pourra pas dire que Churchill contraignait ses ministres à dire le contraire de leurs pensées.
Comme nos démocraties sont imparfaites, et notre Europe en carton-pâte, pour que ce moment capital des relations entre la France et l'Angleterre, concernant aussi au premier chef l'Allemagne et l'Italie, ne reste, trois quarts de siècle plus tard, connu que par des bribes sur lesquelles personne ne demande jamais de comptes !
Il y a tout de même de quoi tordre le cou à l'idée que les concessions qu'on envisage de faire à Mussolini seraient destinées à le tenir à l'écart de la guerre. Halifax avoue crûment à la fin qu'il s'agit de passer par lui pour "adoucir Hitler".