Trieste
Fin de la première Guerre Mondiale l'Europe se disloque en un puzzle de pays émergents. L'Empire austro-hongrois des Habsbourg fond comme neige au soleil au profit de nouveaux pays avec de nouvelles frontières déterminées sur carte. Celles ci ne tiendront peu ou pas compte des différentes ethnies aux langages dissemblables qui les peuplent et dont les habitants, par voie de conséquence seront soumis à une cohabitation forcée, générant dans la plupart des cas un climat de tensions.
Trieste en est l'exemple. Ainsi l'Italie n'attendra pas les décisions de la conférence de la paix et même la fin des hostilités pour prendre possession de cette ville et des terres irrédentes, soit la Dalmatie le Trentin et le Frioul.
La ville appartient à l'Empire austro-hongrois, elle était réclamée depuis la fin du XIXe siècle par l'Italie. Italophones, Slovènes, germanophones y cohabitaient, non sans tensions .
« Le 3 novembre 1918, vers 16 heures, une flottille de quatre contre-torpilleurs d'Italie sort du brouillard et entre dans le port autrichien de Trieste devant une foule enthousiaste. Plusieurs milliers d'hommes débarquent sous les ordres du général Carlo Petitti di Roreto qui a été désigné gouverneur militaire de la région Vénétie Julienne et de l'Istrie. Il annonce que la victoire est assurée et que la guerre est finie. C'est pourtant à peu près à la même heure que l'armistice vient d'être signé entre l'Italie et l'Autriche Hongrie, dans une villa non loin de Padoue. Le cessez-le-feu a été fixé au lendemain, 4 novembre, à 15 heures, les troupes autrichiennes devant se retirer et laisser leurs adversaires victorieux occuper le territoire libéré jusqu'aux lignes de front de 1917. Avec une journée d'avance, l'Italie a donc pris pied à Trieste, comme elle le fait d'ailleurs à Trento (Trente). A 19 heures, le commandement suprême de l'armée italienne se félicite que le drapeau tricolore » .
Conformément au pacte de Londres de 1915 qui promettait des territoires en cas de victoire, Trieste et ses terres irrédentes deviennent Italiennes.
Lorsque les Italiens en prennent possession, ils trouvent un port qui a été laissé à l'abandon.
Dans cette ville, en particulier, se développera, le Parti National Fasciste et où se recrutera le plus grand nombre de ses sympathisants. Le 13 juillet 1920 les fascistes incendient la maison de la culture de la communauté slovène. En octobre de la même année un incendie criminel est provoqué par les squadristes contre le siège du journal socialiste, Il Lavorator.
Le 1er octobre1943, l’Italie quitte l'Axe, l'Allemagne nazie occupe aussitôt la ville et crée une province (l'Adriatische Küstenland) sous administration du Reich. Les nazis y édifieront un camp de transit ( Risiera di San Sabba) où seront rassemblés, Juifs, Slovènes, résistants irrédentistes, en vue de leur extermination, 12 à 15000 d'entre eux périront.
Le 1er mai 1945, la IVème armée yougoslave, communiste, sous les ordres de Tito, investit Trieste. Le 2 mai, c'est la 2ème division néo-zélandaise sous les ordres du général Bernard Freyberg qui entre à son tour dans la ville.
Le massacre des Foibe (Les Foibe sont des cavités naturelles situées dans l'arrière-pays de Trieste dans lesquelles des milliers de personnes furent jetées), commence alors et durera 40 jours. Malgré la présence des Alliés qui ne s'opposeront en rien. Les communistes yougoslaves effectueront une sanglante épuration. Les fascistes et même parfois leur famille mais aussi d'autres habitants ceux qui s'opposeront aux communistes seront exécutés. Pour la forme, des procès précéderont parfois une condamnation à mort, mais la sentence était décidée à l'avance.
Le traité de Paris de 1947 définit un Territoire libre de Trieste sous contrôle de l'ONU. Il sera coupé en deux zones:
Zone A, administrée par les Anglo Américains. Elle comprend la ville de Trieste à majorité italienne, 310.000 habitants.
Zone B: Yougoslave, peuplée en majorité de Croates et de Slovènes, environ 54.000 habitants qui comprend la ville de Koper. A noter qu'une grande partie des habitants de cette zone, Italiens, Croates et Slovènes, la quittera progressivement et émigrera de 1947 à 1954 par suite du climat de terreur communiste.
Le 26 octobre 1954, s'ajoute au traité de Paris précédemment signé, un protocole qui cède la zone A à l'Italie. Ainsi la zone B restera définitivement à la Yougoslavie qui, au sein de cet État sera partagée entre la Croatie et la Slovénie.
Mais il faudra attendre 11 octobre 1977, l'entrée en vigueur du traité d'Osimo du 10 novembre 1975 signé entre l'Italie et la Yougoslavie, cette dernière reconnaît l’appartenance de Trieste à l'Italie, de son coté l'Italie renonce à revendiquer l'ancienne zone B, ce faisant elle perd aussi une grande partie de l'Istrie.
On peut penser, qu'enfin, l'affaire serait close et que chacun des États concernés, mettra fin à ses revendications territoriales, c'est sans compter avec la chute du rideau de fer. Ainsi avec l'émergence de nouveaux États (Slovénie et Croatie) en Italie des voix s'élèvent dénonçant le précédant traité qu'ils estiment caduc. Mais l'intégration de ces nouveaux États dans l'Union Européenne, à savoir l'ouverture des frontières, sauve la mise.
Regrets : En passant à Koper en 2010 et visitant son port, venant de Ljubljana , j'ai négligé d'effectuer un petit détour par Trieste, probablement trop surpris de constater que la Slovénie possédait une ouverture donnant sur la mer, dune largeur de seulement 25 Kilomètres environ. Elle doit néanmoins ces cours rivages, aux âpres discutions de partage territoriales de la zone B, avec les Italiens d'abord puis avec Tito et ensuite avec la Croatie.