Bonjour,
Je souhaite rebondir sur une observation d'Alfred, son post 892 – Guerre d'Ukraine.
Il a écrit : Je suis vieux, je savais donc lire sous l'occupation et la collaboration pro-nazie.
Tout comme lui et je peux l'avouer ici, je ne suis pas de récente conception. Ceci dit, j'ai également eu l'occasion d'entendre de beaux discours de propagande qui invitaient à croire en un avenir aux lendemains qui auraient du chanter.
Il est nécessaire d'énoncer le contexte dans lequel je les ai entendus. Ils expliqueront peut être les raisons qui ont conduit beaucoup à se laisser prendre aux chants des sirènes rouges, après en avoir tant entendus d'autres sonner avant chaque bombardement.
1946, lendemain de la guerre, d'intenses bombardements aériens alliés avaient détruit beaucoup de nos villes, destructions quasi totales pour certaines d'entre elles mais aussi la bataille de reconquête du sol français, ont eu pour conséquence de faire naître une population de sans logis.
Les rapides constructions de logements provisoires, ont les nommait «maisons ou baraques suédoises» ne suffisaient pas à reloger d'une manière suffisante l'entière population en quête d'un toit.
Il a fallu caser toutes ces familles, composées souvent de nombreux jeunes enfants, soit dans des anciens camps d'internement administrés auparavant par les Allemands, très sommairement reconvertis, soit dans ceux des gens du voyages, internés sous l'occupation, qui avaient repris la route en laissant des places vacantes, mais aussi dans ceux qui avaient accueilli des Espagnols de la Retirada et dans lesquels des places étaient encore disponibles. C'est dans un de ces camps que ma famille et moi avons passé cinq années. 1946-1950
Il s'agissait pour ces derniers de longs baraquements en bois ou en parpaings, couverts de tôles, divisés en plusieurs pièces par un léger mur, sans isolation, sans eau, sans chauffage, chaque famille se débrouillant pour organiser et rendre vivable l'espace qui lui avait été attribué. Des famille espagnoles y vivaient encore depuis 1939.
Ajoutons à cela un hiver rigoureux à la fin de l'année 1946 et début 1947, la vie chère, difficile de se nourrir convenablement même si le pain était taxé. Il faut rappeler les grandes grèves, pour certaines sanglantes, notamment à Rennes, qui illustraient d'autant les moments tragiques d'après guerre.
A cette époque, cette situation d'urgence était vécue et considérée par tous comme une simple précarité du moment. Les restrictions, les privations de l'occupation avaient habitué les Français à supporter bien des aléas. Aujourd'hui on l'apprécierait tout autrement, elle serait nommée, grande misère.
Malgré tout, dans ce camp, la majeure partie des résidents, une population regroupée très hétérogène, vivait en bonne harmonie, les mêmes difficultés de la vie les frappant tous. Tous espéraient une vie meilleure, tous espéraient une amélioration rapide de leur condition de vie. Le parti communiste le leur promettait comme d'ailleurs les autres partis politiques. Mais le PC avait le vent en poupe et l'art de persuader, le petit père des peuples était adulé.
Ce long préambule pour avouer que mon père gaulliste qui écoutait régulièrement sous l'occupation radio Londres écoutait après la Libération, la nuit venue, radio Moscou sur ondes courtes.
J'avais neuf ans. La promiscuité que nous imposait notre logement, me permettait, comme d'écouter durant la guerre Radio Londres, d'écouter radio Moscou.
L'émission commençait par l'hymne Russe.
Puis venaient ce que je considérais comme des histoires intéressantes, toujours contées par une femme.
Les Américains étaient tout d'abord stigmatisés, en effet leurs industries ne travaillaient essentiellement que pour la guerre. Il fallait que tout les arsenaux soient reconvertis en fabriques de tracteurs et matériels agricoles.
A contrario elle annonçait que l'URSS travaillait pour la paix. Puis venait la longue énumération des bienfaits que Staline réservait à son peuple, la construction de X. Hôpitaux, X. jardins d'enfants, X. écoles, d'innombrable logements, usines de tracteurs.
Bien sûr, je n'ai retenu que très peu du contenu de ces longs discours. Entendre la nuit venue une voix féminine monocorde débiter tous ces contes de fées, comme celle de ma mère qui était récemment décédée, m'endormait.
Mon père qui a participé aux dures grèves de 1936 dans le Nord, n'a néanmoins pas succombé à la tentation. Mais bon, jusqu'à longtemps, une brèche avait été ouverte, se méfier des Américains.