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La dénazification

La ww2 a laissé des situations conflictuelles dès mai 1945, elle a également entraîné des conséquences sur des pays (modifications des frontières) et sur les populations, enfin, la technologie mobilisée au service des belligérants a permis après guerre la mise en place d'applications diverses.
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La dénazification

Nouveau message Post Numéro: 1  Nouveau message de Prosper Vandenbroucke  Nouveau message 21 Oct 2018, 11:05

Bonjour,
Au début de l’année 1946, les quatre Alliés paraissaient encore partager une conception commune de la dénazification. Au cours de cette année-là, le déroulement du procès de Nuremberg devait donner au monde entier le sentiment d’un front commun pour rétablir la justice et châtier les principaux criminels du "III° Reich".
Le 30 septembre, le Tribunal international de Nuremberg condamnait à mort et faisait exécuter 12 des 24 inculpés. Aussi l’année 1946 reste-t-elle une grande date dans l’histoire de la dénazification et marqua-t-elle profondément les consciences allemandes.
Mais, hormis ce cercle extrêmement étroit des principaux responsables du régime nazi, le processus de dénazification se déroula au niveau de chacune des quatre zones d’occupation, selon des modalités bien différentes. En zone soviétique, après une période caractérisée par le manque d’instruction de l’occupant et les pratiques très hétérogènes de la dénazification, il fallait adopter des arrêtés uniformes dans les Länder.
Dès le début, la KPD (Kommunistische Partei Deutschland) disposa d’une position clé : le premier vice-président de chaque Land était responsable de la dénazification. Or, ce fut toujours un communiste qui occupa ce poste. De juillet 1945 à décembre 1946, les lois et les décrets des Länder constituèrent la base juridique de la dénazification. En Thuringe, la loi d’épuration du 23 juillet 1945 prescrivit le limogeage des "anciens combattants" (les Alte Kämpfer étaient ceux qui avaient adhéré à la NSDAP(National Socialistische Deutsche Arbeiterpartei) avant le 1° avril 1933) et des membres de la NSDAP qui avaient occupé des positions dirigeantes.
Les simples sympathisants (Mitläufer), en revanche, ne furent pas concernés. Dans le Brandebourg et le Mecklembourg-Poméranie-occidentale, tous les anciens membres de la NSDAP furent renvoyés. En Saxe, le rang au sein du parti ou de ses organisations fut le critère décisif dans la procédure de dénazification ; en Saxe-Anhalt, chacun fut soumis à un examen 
Jusqu’à la fin de 1946, 306 500 personnes furent congédiées ou suspendues en zone d’occupation soviétique (sans le Mecklembourg-Poméranie-occidentale). Ces chiffres peu précis, lacunaires ou même falsifiés, ne peuvent être considérés que comme des valeurs indicatives.
En décembre 1946, le gouvernement militaire soviétique appliqua la directive du conseil de contrôle no 24 transmettant la responsabilité aux membres des commissions de dénazification. Ces derniers devaient examiner au cas par cas tous les employés et fonctionnaires. Le parti socialiste unifié ( SED ou Sozialistische Einheitspartei Deutschlands ) supervisa leur travail.
850 000 anciens membres de la NSDAP furent recensés. Le nombre exact des sanctions est controversé, mais selon les dossiers de la SED, 520.000 anciens nationaux-socialistes, 80 % des juges et à peu près 20.000 des 39.348 professeurs durent abandonner leur travail. Ils furent immédiatement remplacés par des policiers populaires, des juges et des procureurs populaires (selon la réforme de la justice de 1946  et par de jeunes professeurs qui avaient reçu une formation sommaire . Le principal critère de sélection était leur dévouement au système communiste et à la politique de la KPD/SED, faisant d’eux un instrument de son autorité.
Bien que leur travail fût souvent freiné par la masse de dossiers et le manque de personnel, les commissions appliquaient à la lettre l’ordre de l’administration militaire soviétique en Allemagne (SMAD (Sowjetische Militäradministration in Deutschland).
Ce procédé eut pour conséquence de raréfier le nombre des spécialistes. Comme dans les zones occidentales, les partis politiques demandèrent alors à la SMAD une plus grande indulgence. Dans une lettre commune, ils écrivirent au gouvernement militaire soviétique le 17 février 1947.
La SMAD réagit le 16 août 1947 en modifiant radicalement sa politique. L’ordre n°201 devait permettre la réhabilitation d’une grande partie des anciens membres de la NSDAP.
En même temps, les Soviétiques transférèrent le jugement des criminels de guerre – à quelques exceptions près – aux tribunaux allemands. La dénazification fut désormais ciblée sur les membres actifs de la NSDAP. Ce changement permit, à l’inverse, aux membres nominaux de regagner le droit de vote actif et passif ainsi que tous leurs droits civiques et politiques. L’idée d’une rééducation dans le sens répressif et le principe de la culpabilité individuelle furent abandonnés. Les communistes commencèrent peu à peu à rechercher la faveur de leurs anciens ennemis et essayèrent de les intégrer dans le parti. Nombreux furent ceux qui comprirent vite que, pour prouver leurs convictions antifascistes, il fallait se présenter comme victime du régime national-socialiste d’une part, et affirmer vouloir participer à la construction d’une nouvelle Allemagne d’autre part.
Certes, ce fut en zone soviétique que l’épuration fut la plus rigoureuse et structurellement la plus profonde  mais elle ne se limita pas à la dénazification stricto sensu.
Dès 1946, un certain nombre d’éléments "bourgeois" et "fascistes", selon la dénomination marxiste-léniniste, furent également "épurés ", dont un nombre considérable de sociaux-démocrates après la fusion forcée de la KPD et de la SPD. Les membres de la SPD, après une courte période d’euphorie consécutive à l’unification des deux partis ouvriers, se rendirent compte qu’il ne s’agissait pas d’une coopération entre égaux, mais qu’ils étaient les otages des anciens membres de la KPD qui imposaient leur leadership à l’intérieur de la nouvelle SED
La définition de l’antifascisme était assez ambiguë pour être utilisée différemment dans le débat politique selon les moments et les objectifs. Les mesures répressives ne furent pas seulement exercées à l’encontre des nationaux-socialistes et des militaristes, mais aussi contre des individus qui n’entraient pas dans les catégories établies par les quatre Alliés. Il s’agissait d’éléments "ennemis" qui s’opposaient à la politique officielle de la SMAD .
Au lendemain de la guerre, les Soviétiques avaient installé dans leur zone onze camps d’internement. Entre octobre 1945 et septembre 1947, ils en réduisirent le nombre à cinq, puis à trois après novembre 1948 : Bautzen, et les anciens camps de concentration de Sachsenhausen et Buchenwald.
Selon des informations soviétiques, 122.671 personnes furent internées dans ces camps entre 1945 et 1950 ; 42.889 d’entre elles moururent, 45.261 furent libérées, 12.770 déportées en Union soviétique, 6.680 transférées dans des camps de prisonniers de guerre et 14.202 remises au ministère de l’Intérieur de la RDA lors de la dissolution des camps en 1950. Sous le couvert d’une "dénazification-démocratisation ", la SED était parvenue à un changement de "système", imposant une "socialisation-soviétisation".

Dans les trois zones occidentales, il n’y eut pas non plus d’harmonie du processus, bien que tous les Allemands aient dû remplir les fameux "questionnaires" établis par les autorités alliées.
En 1945-1946, les Américains, si l’on s’en tient aux chiffres bruts, paraissaient mener la politique la plus sévère à cet égard, suivis par les Britanniques, et plus loin encore, par les Français, à tel point qu’on évoque parfois le laxisme des autorités françaises. En réalité, plutôt que de s’en tenir strictement aux critères définis par le Conseil de contrôle et les directives initiales de 1945, formulées par les Américains , le gouvernement militaire français pratiqua une politique d’épuration plus individualisée, recourant souvent – comme dans le domaine universitaire – à des entretiens personnalisés qui devaient compléter les questionnaires. Pour les Français, plus encore que pour les deux autres occupants occidentaux, l’épuration, outre la dénazification, devait également viser à la démilitarisation de la société (c’est ainsi, par exemple, que des directives furent édictées pour empêcher ou réglementer très strictement l’inscription à l’Université des anciens officiers d’active).

L’année 1946 marque une nouvelle étape avec la mise sur pied, en zone américaine d’abord, puis ultérieurement dans les autres zones occidentales, des tribunaux d’épuration (Spruchkammer) allemands, ce qui signifiait que des responsables allemands, non compromis avec le régime nazi, se voyaient désormais confier la tâche fondamentale, de prononcer les sanctions affectant leurs compatriotes. La loi du 5 mars 1946 sur la dénazification et la démilitarisation (Gesetz zur Befreiung von Nationalsozialismus und Militarismus) avait déterminé cinq catégories (non coupables ; sympathisants ; personnes compromises de façon mineure ; personnes compromises ; personnes compromises de façon majeure), mais un nombre important de ces trois dernières catégories purent passer au travers des mailles du filet grâce à des certificats de complaisance .
Cette nouvelle étape du processus de dénazification est généralement considérée comme un échec, car il y eut, au final, peu de sanctions lourdes, et le processus d’épuration devait bientôt décliner au fur et à mesure que se précisait la guerre froide, pour prendre fin au tout début des années 1950, avec les lois d’amnistie 
Cet état de fait devait ultérieurement susciter bien des interrogations sur le bilan de la dénazification et les continuités personnelles entre le "III° Reich" et la future République de Bonn, le non-renouvellement des élites  et le manque général de courage pour affronter le passé.
Mais, après Nuremberg et en dépit de cette incitation à la réflexion lancée par l’un des plus grands intellectuels allemands, l’intérêt du public pour le passé proche décrût, et la société allemande d’après-guerre s’enferra dans le "tabou" du passé national-socialiste. Il faudrait attendre la fin des années 1950 et les années 1960 pour que, après d’autres grands procès , l’opinion publique allemande accepte la confrontation à son propre passé et ouvre largement le débat.

Sources :
https://www.cairn.info/revue-guerres-mo ... age-47.htm
http://tribouilloyterminales.over-blog. ... 53678.html
http://www.maxicours.com/se/fiche/4/6/357246.html
https://www.laliberte.ch/dossiers/histo ... ion-316070
https://fr.wikiversity.org/wiki/Le_si%C ... _Nuremberg
http://www.alliiertenmuseum.de/fr/theme ... ation.html
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Re: La dénazification

Nouveau message Post Numéro: 2  Nouveau message de thucydide  Nouveau message 25 Oct 2018, 22:01

Merci pour ce résumé!

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