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1945-1947: le drame des expulsés allemands

La ww2 a laissé des situations conflictuelles dès mai 1945, elle a également entraîné des conséquences sur des pays (modifications des frontières) et sur les populations, enfin, la technologie mobilisée au service des belligérants a permis après guerre la mise en place d'applications diverses.
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1945-1947: le drame des expulsés allemands

Nouveau message Post Numéro: 1  Nouveau message de fbonnus  Nouveau message 16 Nov 2013, 19:54

Près de treize millions d’Allemands vivant en dehors des frontières sont chassés de chez eux et renvoyés vers l’ancien Reich. Un désastre méconnu qui a eu de profondes répercussions sur l’histoire de l’Europe.

Au mois de juin 1945, la guerre vient de prendre fin et pourtant en Tchécoslovaquie, comme en Pologne ou en Yougoslavie, la violence continue de se déchaîner. La chasse aux Volksdeutsche – les “Allemands ethniques” – commence. « Une vieille femme fut défenestrée, un musicien lynché en pleine rue parce qu’il ne parlait pas le tchèque, d’autres furent pendus, arrosés d’essence et enflammés comme des torches vivantes. La foule enragée écumait les hôpitaux pour y trouver des proies faciles. L’une d’elles était un patient, tchèque, mais dont les papiers indiquaient un lieu de naissance dans les Sudètes… »

L’heure est à la vengeance. D’abord populaire, spontanée, elle va vite être orchestrée par les autorités : armée, police, milice. Des centaines de personnes, dont beaucoup de femmes et d’enfants, sont exécutées au cours des mois de mai et juin 1945 ; des milliers d’autres sont chassées de Moravie, de Silésie, de Prusse. Telle est l’ouverture sanglante d’un épisode tragique de l’histoire européenne qui durera trois ans et constituera, selon l’historien R.M.Douglas, auteur d’une étude magistrale sur le sujet, « le plus vaste transfert forcé de population, peut-être la plus grande migration dans l’histoire de l’humanité ». Un transfert de population qui fera un million et demi de morts et marquera l’histoire de l’Europe « peut-être autant que le conflit lui-même ».

L’Allemagne est occupée par les forces alliées. C’est à elles, à leurs gouvernements, qu’incombe la gestion de l’après-guerre et, en premier lieu, des millions de civils germanophones vivant en Tchécoslovaquie, en Hongrie, en Pologne ou en Yougoslavie et qui ont commencé à quitter leur foyer. Réunis à Potsdam à la mi-juillet 1945 pour définir les modalités d’encadrement de ce processus, les responsables politiques ne peuvent ignorer « qu’à 25 kilomètres au nord-est, des trains surchargés quittaient les territoires allemands sous administration polonaise pour aller décharger les malades, les miséreux, les mourants et les morts sur les quais des grandes gares berlinoises ».

Premières victimes des expulsions sauvages, ils ont fui l’avancée de l’Armée rouge et de ses alliés. Ils n’ont pas eu le choix. Un officier tchèque exprimait clairement le point de vue “officiel” : « Nous devons accomplir nos tâches de manière si sévère et décisive que la vermine allemande, au lieu de se cacher dans ses maisons, préférera d’elle-même nous fuir puis, une fois dans son pays, remerciera Dieu d’avoir eu la chance de sauver sa peau… »

L’expulsion est voulue, organisée. Au milieu de l’été 1945, 5 000 Allemands s’exilent chaque jour. Des expulsés témoignent : « Durant la marche, les femmes étaient frappées, on leur arrachait leurs boucles d’oreilles, on leur prenait leurs bagues ; certaines sont mortes… » ; « Dieu sait combien de fois nous fûmes détroussés par des Russes ou des Polonais, les femmes violées à répétition. »

Ils fuient à pied, ou parfois entassés à la hâte dans des convois que personne n’escorte, que personne n’attend, car rien n’est encore prévu dans ce transfert chaotique de population. Des trains sont abandonnés sur des voies de garage, des enfants meurent de faim, des femmes deviennent folles. Une survivante raconte l’arrivée à un point de passage : « Avant de nous laisser, ils prirent tout ce que nous avions, vêtements, sous-vêtements, objets de valeur, et dirent : “Voilà la frontière. Traversez la. Ceux qui reviendront sur leurs pas seront abattus.” »

Le caractère désastreux des premières expulsions ne peut échapper aux Alliés qui se partagent désormais l’Allemagne et, à ce titre, voient affluer chaque jour, dans un pays dont ils ont pris soin de détruire méthodiquement les capacités de transport ou de logement, des milliers de personnes dans un état lamentable. Pourquoi, alors, avoir voulu organiser un processus qui, manifestement, ne pouvait que s’apparenter à un crime contre l’humanité ? George Orwell avait prévenu : « Ce crime énorme ne peut être réellement mené à terme, même s’il peut être entrepris, générant confusion et souffrances et semant les germes de haines irréversibles. »

Pour tenter d’éclairer cette décision, il faut se plonger dans l’histoire de l’Europe contemporaine. L’Europe de l’Alsace-Lorraine, du traité de Versailles, de ces territoires donnés à la Pologne, des Sudètes, du Lebensraum, “espace vital” dont rêvait Hitler pour son Reich. Traumatisées par les conflits mondiaux, les élites européennes sont persuadées que les guerres trouvent leur cause dans l’écart entre les frontières ethnographiques et celles des États nations, et qu’il suffirait de régler cette question pour garantir la paix. Ainsi Sumner Welles, ancien sous-secrétaire d’État, ami proche de Roosevelt, affirmait : « Nous devrions profiter de ce moment de bouleversement mondial pour effectuer des transferts de population là où ils sont nécessaires pour éviter de nouveaux conflits et permettre ainsi aux peuples de vivre sous le gouvernement qu’ils désirent, libres de toute discrimination raciale. »

L’échec des politiques de déplacement de masse

Pourtant, du déplacement des populations arméniennes de Turquie en 1915 jusqu’au pacte germano-soviétique, qui avait déjà concerné 250 000 personnes et fait de nombreuses victimes, en passant par le désastre gréco-turc des années 1920 (ou, plus loin encore dans l’Histoire, les cas des Irlandais ou des Indiens d’Amérique), tous ces épisodes soulignaient assez l’échec des politiques de déplacement de masse. Mais non, il suffisait de “désenchevêtrer” les peuples. Le transfert de population apparaissait comme un remède à toutes les difficultés résultant de l’évolution historique divergente des “nations” et des “États”. Tant pis pour la souffrance des peuples. Du reste, comme l’affirmait déjà le président tchèque, Edvard Benes, en mars 1941 : « Il n’y a pas d’autre moyen que la souffrance pour éduquer une communauté sociopolitique, et il n’y en a jamais eu d’autre. » Le sort en était jeté, et Eugen de Witte ne s’y trompait pas, lui qui déclarait : « Si Hitler gagne la guerre, nous autres Allemands des Sudètes sommes perdus, et si les Tchèques la gagnent, nous sommes perdus aussi. »

S’appuyant sur des archives inédites, l’auteur décrit l’horreur du processus de ces expulsions “organisées”, où autant de personnes furent déplacées en un an qu’il n’en émigra en Amérique en quatre décennies. Exécutions sommaires, mauvais traitements, famines, épidémies, enfants volés, toute la panoplie de la destruction humaine est déployée, jusqu’au camp, « cette expression la plus sinistre et la plus cruelle des capacités humaines ». On en compta des centaines, dont Majdanek, Theresienstadt, Dachau ou même Auschwitz. En Tchécoslovaquie, l’un d’entre eux affiche, explicite : « OEil pour oeil, dent pour dent ».

Les témoins de l’époque en sont, eux aussi, ébranlés : des civils des pays expulseurs (« Je n’ai pas passé six ans dans l’armée pour voir s’établir une tyrannie aussi épouvantable que celle des nazis », disait un Tchèque), des médecins ou d’anciens détenus des camps nazis, comme ce Polonais qui affirme : « Soit nous sommes aptes à être leurs juges, auquel cas nous ne pouvons nous conduire comme eux, soit nous ne sommes pas différents d’eux, auquel cas nous renonçons au droit de les juger. » De son côté, le philosophe Bertrand Russell se pose la question : « Les déportations massives sont-elles des crimes lorsqu’elles sont commises par nos ennemis en temps de guerre, et de justifiables mesures d’ajustement social lorsqu’elles sont organisées par nos alliés en temps de paix ? »

Grave question qui sème le doute sur le bien-fondé de l’action des Alliés mais que certains, comme Goronwy Rees, attaché au gouvernement militaire allié, rejettent avec virulence : « Il est normal que des millions d’Allemands meurent au cours de l’hiver prochain. […] Le vrai danger que présente maintenant l’Allemagne […] c’est que leur misère leur donne l’occasion d’anéantir l’unité des Alliés qui les ont vaincus. »

Quant aux femmes et aux enfants, il n’y avait pas de distinction à faire : « Le nazisme n’est que la forme moderne et l’apogée de ce pangermanisme brutal dont l’esprit et le coeur du peuple allemand sont totalement imprégnés », avançait un responsable britannique. D’autres furent plus nuancés, condamnant la façon dont des innocents étaient traités mais éprouvant « des difficultés à plaindre les Allemands ».

Pour R.M.Douglas, l’histoire ne saurait être jugée : « Des Croates s’étaient emparés des biens des Serbes, des Hongrois s’étaient enrichis aux dépens des Roumains, des Allemands accaparaient les domaines polonais tandis que les Polonais héritaient des maisons et des boutiques des Juifs. […]Prétendre que la culpabilité serait réduite ou éliminée parce que les coupables ont préalablement été eux-mêmes victimes pourrait offrir des circonstances atténuantes à presque tous les épisodes de ce genre. C’est d’ailleurs ce que prétendaient les nazis eux-mêmes. » Et de conclure : « Ce n’est pas là un système de justice, c’est sa négation. »

Les expulsions s’arrêtent à la fin de l’année 1947 mais leurs conséquences, pour l’Allemagne comme pour les pays expulseurs, vont se faire sentir longtemps : les identités niées, les mémoires enfouies, les vides démographiques de certaines régions. Les historiens appellent aujourd’hui à comprendre cet épisode « dans son horrible totalité ». Contre ceux qui pensèrent qu’il valait mieux passer l’événement sous silence, de peur d’amoindrir l’horreur que devait inspirer un crime bien plus grand, Douglas affirme au contraire que le fait que les expulsions aient été une réponse à la barbarie nazie « doit être le point de départ et non la fin de la discussion »

Source : Par Mickaël Fonton - VA

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Voilà un sujet intéressant, une des conséquences de la Seconde guerre mondiale qui a des retentissements jusqu'à aujourd'hui ....

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Re: 1945-1947: le drame des expulsés allemands

Nouveau message Post Numéro: 2  Nouveau message de Prosper Vandenbroucke  Nouveau message 16 Nov 2013, 20:17

Effectivement, ce fut un drame humain mais ne dit-on pas "qui sème le vent, récolte la tempête" mais beaucoup de femmes et d'enfants n'y pouvaient rien et ce fut eux qui furent les principales victimes. Ce qui n'excuse en rien les exactions allemandes que se soit à l'est ou à l'ouest.
Un lien:
http://fr.wikipedia.org/wiki/Expulsion_ ... de_l%27Est
Je sais que c'est du wiki mais il y a d'autres liens en bas de page.
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Re: 1945-1947: le drame des expulsés allemands

Nouveau message Post Numéro: 3  Nouveau message de carcajou  Nouveau message 16 Nov 2013, 21:43

La couverture du livre. On a déjà eu une discussion sur ce livre, si je ne me trompe pas.

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Re: 1945-1947: le drame des expulsés allemands

Nouveau message Post Numéro: 4  Nouveau message de frontovik 14  Nouveau message 16 Nov 2013, 22:05

Merci pour cette info, Fred.
Cet ouvrage complète utilement celui de Keith LOWE, "L'Europe barbare". En fait la purification ethnique a représenté un moyen dans toute l'Europe de mettre fin, ou de tenter, aux problèmes de nationalités qui empoisonnèrent les relations entre Etats durant l'entre deux guerres. Alors que les traités de 1919 avaient tenté de faire coincider les frontières avec les peuples, en 1945 les vainqueurs de la guerre firent l'inverse, débouchant sur de gigantesques mouvements de populations. Hongrois de Roumanie, Polonais d'Ukraine et de Biélorussie, Ukrainiens de Pologne, Italiens de Yougoslavie, Allemands d'un peu partout... Mouvement qui s'acheva en fait de manière tout aussi tragique lors des guerres des années 90 en ex Yougosavie. Avec l'expulsion des Allemands, c'est toute une culture, des traditions, des habitudes de cohabitation... qui furent rayées de la carte.
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Re: 1945-1947: le drame des expulsés allemands

Nouveau message Post Numéro: 5  Nouveau message de lebel  Nouveau message 17 Nov 2013, 18:20

Il faudrait aussi rappeler que ces 13 millions d' allemands expulsés n'etaient pas tous des "Volksdeutsche " , et que dans ce nombre, il faut compter la notable proportion de "colons" , qu' Hitler , en vertu du Lebensraum , avait envoyé peupler les terres conquises , notamment en Pologne , Russie et même Alsace Lorraine , en expulsant leurs habitants , non moins attachés à leur terre !


 

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