Bonjour,
J'ai Paresseusement fait un copier-coller, tout est intéressant!
Merci à Orpo57 d'avoir évoqué le BILOM -
Norodom, témoin vivant de cette époque, en parle aussi sur un fil mais lui évoque les Allemands embarqués sur le même bateau que lui en partance pour l'Indo.
Le BILOM, unité insolite.
Dans l’insolite on pourrait y inclure le 8 de 1951, même si ce n’est pas de lui qu’il s’agit sous ce titre. Rappelez vous, le 8 est né en moins de deux mois après une simple signature du général De Lattre au bas d’une note de service. Il se forme dans l’urgence à partir de détachements ou d’isolés envoyés par les autres bataillons paras complétés par un fort recrutement local. A voix basse l’état-major d’Hanoï n’avait pas misé une piastre sur l’avenir de ce bataillon fait de bric et de broc et envoyé aussitôt en opération sans cohésion et sans âme. L’Histoire va montrer que le jeune 8 n’a pas mis longtemps à se forger une âme et se souder dés la première épreuve.
C’est ce qui va arriver au Bataillon d’Infanterie Légère d’Outre-Mer, mais en pire, car il est condamné avant même de naître et c’est la nature même de son recrutement qui va mettre le feu aux poudres, nous sommes en 1948.
Mais replaçons-nous dans le contexte du moment.
La moitié Nord du pays est encore dans les ruines, la population vit avec des tickets de rationnement, trois gouvernements se succèdent, les grèves sont nombreuses et à l’autre bout du monde la guerre d’Indochine s’enlise.
Les français ont d’autres soucis pour s’en préoccuper mais cette « sale guerre » est violemment combattue par le très puissant Parti Communiste Français et une grande partie de « l’intelligentsia ». Pour ces derniers, il est déjà très « mode » de soutenir tout adversaire de l’Armée Française.
Cette guerre lointaine est menée par des militaires d’active et des volontaires mais ils ne sont pas assez nombreux, les candidats à l’engagement ne suffisent pas.
Le ministre de la défense, pense alors aux milliers de jeunes qui croupissent dans les prisons : ceux qui ont fait le mauvais choix pendant la guerre, volontaires du front de l’est contre le bolchevisme, Miliciens ayant échappé à l’épuration sauvage de 1945, tous condamnés à de lourdes peines. On pense que certains de ces hommes ont déjà suffisamment payé, qu’on peut leur offrir une possibilité de rachat et de toute façon, il vaut mieux faire tuer ceux là plutôt que d’autres jeunes français.
Le 27 mai, André MARIE, ministre de la justice envoie une circulaire à l’administration pénitentiaire pour évaluer le nombre de détenus volontaires pour l’Indochine. Au Struthof, en Alsace, dans cet ancien camp de déportation reconverti en lieu de détention pour ces soldats perdus, le gardien –chef prend la parole :
« Il s’agit d’une unité spéciale, vous pourrez vous racheter en allant combattre le communisme international ! » Une voix lui répond : « Se battre contre les rouges, c’est justement parce que nous l’avons fait que nous sommes ici ! » Ailleurs cela provoque d’autres réactions : certains se refusent à servir une république alliée des soviets, d’autres au contraire souhaitent reprendre le combat contre l’idéologie exécrée, mais la plupart souhaitent prouver leur patriotisme ou tout simplement sortir de prison Près de 4000 volontaires vont s’inscrire, en sachant que la durée de l’engagement (entre 3 et 5 ans) sera fonction de la peine restant à subir. Les condamnés a plus de quinze ans, et ceux ayant atteins quarante ans ne sont pas concernés.
Le Général Revers (CEMAT) ,envisage la création de trois bataillons , soit 2500 hommes, un renfort appréciable pour l’Indochine, mais afin de ne pas provoquer l’opinion , et surtout les communistes , il procède par étapes : il crée le BILOM ( Bataillon d’Infanterie Légère d’Outre Mer ) à effectif de 708 hommes dont 23 officiers et 109 sous officiers prélevés dans l’Infanterie Coloniale , il prescrit la mise sur pied à Fréjus , et le 1ier août , sont prévues deux compagnies de combat et un petit état major.
C’était pourtant sans compter sur le PCF qui voit d’un sale œil que l’armée recrute des hommes ayant combattu le grand frère soviétique pour faire la guerre au petit frère vietminh ! Il déclenche alors une campagne de presse : « Des nazis dans l’armée française ». Il active son syndicat de la Pénitentiaire et celui du ministère de la Justice pour freiner au maximum les procédures. Ces mêmes administrations comprenant encore une majorité de ceux qui pendant l’occupation gardaient ou jugeaient les « terroristes gaullistes et communistes » vont donc déployer le même zèle et entraver le processus.
A Fréjus, le CBA CLAUSSE est nommé chef de corps du BILOM, qui n’a ni drapeau, ni insigne et dont l’avenir de ses hommes est uniquement conditionné par leur conduite au combat. Le CNE TAP, prend la 1ière cie. Ils rassemblent 811 signatures. Le premier détachement doit partir le 1ier novembre 1948, mais la Pénitentiaire, et la commission des grâces procèdent avec une lenteur qui confine à la mauvaise volonté.
Et c’est ainsi que la constitution prend plusieurs mois de retard.
La 1ière Cie embarque enfin sur le Pasteur en décembre 1948, la 2 en gestation, n’est guère avancée, l’idée initiale de Demi Brigade est abandonnée, et le bataillon fortement compromis. L’embarquement est perturbé comme de bien entendu par des manifestants du PC et de la CGT.
A leur arrivée a Saigon, le Général Alessandri confirme aux volontaires qu’ils ne sont plus autre chose que des soldats français. « Battez vous bien, cela seul compte ». Il affecte la compagnie au Cambodge, elle garde son appellation de 1ier BILOM et participe à la sécurité du secteur de Kompong Trach : opérations de nettoyage, protection de convois. Les accrochages sont nombreux et c’est au cours de l’un deux qu’il subit ses première perte : le SLT PARISOT de BERNECOURT est tué, ainsi que le SGT BARATTE, plusieurs hommes sont blessés .
La compagnie du CNE TAP parfaitement rodée et opérationnelle, est affectée en mars dans le Sud Annam et
tient plusieurs petits postes isolés, elle forme aussi l’encadrement de partisans Moï tout en menant de nombreuses actions contre les Viets.
La 2ième Cie quitte Fréjus, embarque le 6 avril et rejoint la 1ière le 20 juin 1949. Une prise d’armes rassemble le BILOM et les premières Croix de Guerre TOE sont remises à une dizaine d’hommes.
Le 29 juillet 1949, le BILOM est dissous pour créer deux « Compagnies de Marche du Sud Annam » aux ordres du CNE TAP, et du CNE BEGUE. Au bout de six mois, la preuve est faite que les volontaires du BILOM sont des soldats français à part entière, reconnus aptes à servir dans n’importe quel emploi, mais cela ne modifie pas leur statut juridique, toujours incertain, il n’est toujours pas question d’amnistie, ni de réhabilitation, mais le CNE TAP prend sur lui de nommer des caporaux, promotion interdite par les statuts du BILOM.
Des mutations sont alors effectuées par les autorités qui savent disposer avec le BILOM d’un réservoir d’homme compétents et d’un inépuisable dévouement. C’est ainsi que l’on en retrouvera dans tout le sud Annam et sur le plateau Moï , dans les unités montagnardes , pauvres en personnel et en matériels , encadrant des tirailleurs locaux , tenant des postes perdus en brousse , nombre de ces volontaires y laisseront leur vie, ou y seront blessés , mais aucun ne désertera ou ne sera accusé de lâcheté au combat , même s’ils n’ont pas eu la gloire qu’ils espéraient .
En Octobre 1950, plusieurs d’entre eux sont nommés sous officiers pour leur conduite exemplaire, or ils sont toujours sous le coup des condamnations, le LTN RITZINGER alerte les autorités mais sa démarche reste vaine. Il est tué le 10 mars 1951 dans un coin perdu des plateaux Moï mais comme si sa mort avait réveillé quelques consciences, des décisions de réhabilitation interviennent, mais sans cohérence, des dossiers sont rejetés, et d’autres pour lesquels rien n’avait été demandé parviennent aux intéressés par des cheminements aléatoires. Plus terrible encore, les corps des soldats du BILOM, morts pour la France ne sont pas rapatriés au frais de l’Etat pour lequel ils ont perdu la vie mais à celui des familles. Ils sont toujours frappés d’indignité nationale. Autant dire, compte tenu du coût, que peu sont revenus. « Amnistiez au moins les cadavres ! » demande le commandement mais c’est refusé par le gouvernement : « dura lex sed lex »
Certains sont revenus à la vie civile sans rien demander, toujours sous le coup de leur condamnation, d’autres ont combattus en Algérie, certains y sont morts, d’autres sont restés dans l’armée …..
Aujourd’hui, il ne reste de leur aventure qu’une plaque sur un mur a Fréjus, elle porte les noms des morts du BILOM.
ADC ® Jacques ANTOINE
Chargé des Traditions
Arrangements tirés du livre de Raymond MUELLE « Le bataillon des réprouvés » Indochine 1949-1950
BILOM
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