Le 16 janvier 1945, le gouvernement provisoire de la république française publie son ordonnance n° 45-68 portant nationalisation des usines de Louis Renault. A cette date, l'homme est mort, à Fresnes, quelques semaines plus tôt.
Lorsque Pierre Lefaucheux, descendant d'une grande famille d'armuriers, ingénieur des Arts et Manufactures, responsable des F.F.I. pour la région parisienne, qui fut arrêté au moment du débarquement allié, embarqué pour le camp de concentration de Buchenwald dans le dernier train de la mort (celui du 15 août 1944) et évadé du même Buchenwald dès septembre, s'est débarrassé de son uniforme de bagnard, trois semaines après son retour, il décide de renverser la vapeur et de donner vie à la Régie Renault.
28000 ouvriers seulement sont revenus à Billancourt. Dans les coffres on trouve ce qu'il reste des plans d'une 11ch que les bureaux d'études de Louis Renault ont préparés pour la libération.
Considérant que les clients les plus sûrs sont dans la bourgeoisie traditionnelle, celle qui achetait déjà des voitures avant 1939, Louis Renault chérissait ce modèle. L'outillage de la 11ch est en partie réalisé. Il y a aussi dans les mêmes coffres les plans inachevés d'une 4ch, deux portes, à la carrosserie assez disgracieuse où capot et ailes avant se confondent et dont le pare-brise est extraordinairement étriqué.
Sans attendre que l'on ait fini de déblayer Billancourt, Pierre Lefaucheux, abandonnant le projet de la 11ch bourgeoise, se décide pour la 4ch populaire. il joue la carte de l'optimisme pariant que les Français ont furieusement besoin de voitures. et pas seulement ceux qui avaient l'habitude de rouler. Sa clientèle, pensait-il, devait se recruter parmi les salariés.
Après cinq millions d'heures de travail sur 60 prototypes différents, la 4ch est présentée au salon de l'auto en 1947. C'est le début d'une extraordinaire aventure, celle de la voiture française de série la plus produite, pour un total de 1 105 543 exemplaires, battant de très loin la fameuse 4 ch de 1922 et même la célèbre Traction Avant qui eut ses partisans avant et après la guerre. De 1947 à 1961, la vaillante petite voiture populaire est devenue pratiquement universelle. Au début, on la nommait soit le "hanneton", soit "la motte de beurre", autant à cause de sa forme que de la couleur crème qui provenait d'un stock de peinture oubliée par la Wehrmacht.

La 4CV de 1947 - photo : leblogmoteur